ENTREVUE AVEC LAURENCE CARON INTERNEVANT.E TRANS+
«Je veux donner aux jeunes ce que je n’ai pas eu et ce que j’aurais eu besoin pendant ma transition, raconte en entrevue à Fugues Laurence Caron-C., premier.e intervenant.e trans+ au GRIS-Québec depuis mars. Ça m’a pris 25 ans avant de comprendre que j’étais trans. Quand j’étais au secondaire, on parlait d’hommes, de femmes et, parfois, de quelqu’un qui est pogné dans le corps d’une autre personne. Il n’y avait rien entre les deux.»
Conséquence, Laurence a vécu une grande souffrance durant plusieurs années avant de vivre sa fluidité de genre. «J’ai eu des schémas autodestructeurs, parce que j’étais malheureux.se et je ne comprenais pas pourquoi, parce que je ne croyais pas avoir le droit d’exister, parce que je me disais que j’étais un monstre et parce que je n’étais ni un homme ni une femme. J’ai essayé de me suicider par divers moyens. Quand j’ai effectué ma transition, toute ma souffrance s’est éteinte. Je veux donc éviter le plus possible que les jeunes trans vivent ce que moi j’ai vécu à leur âge. Je veux leur présenter des modèles positifs de personnes trans, les accompagner et les référer vers des intervenants, parce que moi, j’aurais eu besoin de quelqu’un qui me donne une tape sur l’épaule et qui me dise: “Hey!, ça va bien aller”.»
Le GRIS-Québec élargit ses services aux jeunes trans pour mieux refléter la diversité sexuelle et de genre. Ces derniers fréquentent son milieu jeunesse L’Accès depuis plusieurs années. Laurence travaille dans cet organisme communautaire, à temps partiel (18 heures par semaine), comme intervenant.e d’accompagnement et de soutien pour les jeunes personnes trans, non-binaires, au genre créatif ou en questionnement identitaire. L’autre partie de son temps, cet.te artiste multidisciplinaire poursuit sa pratique artistique en poésie, dessin, peinture, photographie et bijouterie revalorisée (à partir de matières recyclées). «Au GRIS-Québec, j’accompagne l’intervenant jeunesse responsable de L’Accès, Miguel Deshaies. Je peux prendre des rendez-vous avec les jeunes qui se questionnent sur leur identité de genre pour les guider dans leur questionnement, leur expliquer la procédure pour effectuer une transition de genre sociale ou médicale, les orienter dans leur processus de transition de genre, notamment vers des professionnels de santé. Souvent, quand on commence une transition, on n’a pas de modèle, on n’a pas d’idée comment ça marche et on se ramasse un peu dans le noir. Par exemple, j’ai eu la chance d’aider un.e jeune qui ne savait pas comment faire son coming-out à sa famille. Je peux aussi leur expliquer comment demander un changement de nom auprès du Directeur de l’état civil et les accompagner, parce que c’est une procédure extrêmement difficile.»
Étude sur les besoins et services offerts aux jeunes trans
Laurence effectue également une étude pour documenter les besoins des jeunes trans et les services que les organismes communautaires sont en mesure de leur offrir. «Est-ce que nous avons tout ce qu’il faut pour soutenir notre jeunesse trans à Québec et quelle serait la bonne façon de les accompagner?» Par la suite, iel va organiser des conférences à l’intention de divers intervenants de la région de la Capitale-Nationale (Charlevoix, Québec, Portneuf) pour les aider à comprendre les réalités de la jeunesse trans et à orienter leurs interventions. «Par exemple, je vais leur parler de mon expérience, des problèmes que vivent les jeunes trans, notamment des troubles de santé mentale. Un représentant de l’organisme Enfants transgenres Canada et un travailleur social collaboreront au projet.»
À l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie du 17 mai, les cinq GRIS du Québec ont annoncé publiquement l’ajout de la démystification des identités de genre à leur mission. Par conséquent, des personnes trans et non binaires raconteront aussi leur vécu dans les écoles et les autres milieux visités par les cinq organismes québécois. Laurence se sent donc bien préparé.e pour mener à bien son mandat. Outre son expérience de vie comme personne trans, iel a enseigné notamment dans des écoles du Nunavik où iel a dû composer avec les problèmes de santé mentale et les troubles de comportement de certain.es élèves, «malgré un manque criant de ressources». Depuis janvier 2018, iel est marié.e avec le poète Sébastien Emond qui se considère également non-binaire. «Ma pratique artistique est axée sur l’identité, que ce soit par le bâillonnement ou l’émancipation de l’identité. Mes études en arts visuels et en enseignement jumelées à mon vécu me destinaient vraiment à travailler comme intervenant.e au GRIS-Québec.»