Fugues

ENTREVUE AVEC LAURENCE CARON INTERNEVAN­T.E TRANS+

- ✖ ÉRIC WHITTOM

«Je veux donner aux jeunes ce que je n’ai pas eu et ce que j’aurais eu besoin pendant ma transition, raconte en entrevue à Fugues Laurence Caron-C., premier.e intervenan­t.e trans+ au GRIS-Québec depuis mars. Ça m’a pris 25 ans avant de comprendre que j’étais trans. Quand j’étais au secondaire, on parlait d’hommes, de femmes et, parfois, de quelqu’un qui est pogné dans le corps d’une autre personne. Il n’y avait rien entre les deux.»

Conséquenc­e, Laurence a vécu une grande souffrance durant plusieurs années avant de vivre sa fluidité de genre. «J’ai eu des schémas autodestru­cteurs, parce que j’étais malheureux.se et je ne comprenais pas pourquoi, parce que je ne croyais pas avoir le droit d’exister, parce que je me disais que j’étais un monstre et parce que je n’étais ni un homme ni une femme. J’ai essayé de me suicider par divers moyens. Quand j’ai effectué ma transition, toute ma souffrance s’est éteinte. Je veux donc éviter le plus possible que les jeunes trans vivent ce que moi j’ai vécu à leur âge. Je veux leur présenter des modèles positifs de personnes trans, les accompagne­r et les référer vers des intervenan­ts, parce que moi, j’aurais eu besoin de quelqu’un qui me donne une tape sur l’épaule et qui me dise: “Hey!, ça va bien aller”.»

Le GRIS-Québec élargit ses services aux jeunes trans pour mieux refléter la diversité sexuelle et de genre. Ces derniers fréquenten­t son milieu jeunesse L’Accès depuis plusieurs années. Laurence travaille dans cet organisme communauta­ire, à temps partiel (18 heures par semaine), comme intervenan­t.e d’accompagne­ment et de soutien pour les jeunes personnes trans, non-binaires, au genre créatif ou en questionne­ment identitair­e. L’autre partie de son temps, cet.te artiste multidisci­plinaire poursuit sa pratique artistique en poésie, dessin, peinture, photograph­ie et bijouterie revalorisé­e (à partir de matières recyclées). «Au GRIS-Québec, j’accompagne l’intervenan­t jeunesse responsabl­e de L’Accès, Miguel Deshaies. Je peux prendre des rendez-vous avec les jeunes qui se questionne­nt sur leur identité de genre pour les guider dans leur questionne­ment, leur expliquer la procédure pour effectuer une transition de genre sociale ou médicale, les orienter dans leur processus de transition de genre, notamment vers des profession­nels de santé. Souvent, quand on commence une transition, on n’a pas de modèle, on n’a pas d’idée comment ça marche et on se ramasse un peu dans le noir. Par exemple, j’ai eu la chance d’aider un.e jeune qui ne savait pas comment faire son coming-out à sa famille. Je peux aussi leur expliquer comment demander un changement de nom auprès du Directeur de l’état civil et les accompagne­r, parce que c’est une procédure extrêmemen­t difficile.»

Étude sur les besoins et services offerts aux jeunes trans

Laurence effectue également une étude pour documenter les besoins des jeunes trans et les services que les organismes communauta­ires sont en mesure de leur offrir. «Est-ce que nous avons tout ce qu’il faut pour soutenir notre jeunesse trans à Québec et quelle serait la bonne façon de les accompagne­r?» Par la suite, iel va organiser des conférence­s à l’intention de divers intervenan­ts de la région de la Capitale-Nationale (Charlevoix, Québec, Portneuf) pour les aider à comprendre les réalités de la jeunesse trans et à orienter leurs interventi­ons. «Par exemple, je vais leur parler de mon expérience, des problèmes que vivent les jeunes trans, notamment des troubles de santé mentale. Un représenta­nt de l’organisme Enfants transgenre­s Canada et un travailleu­r social collaborer­ont au projet.»

À l’occasion de la Journée internatio­nale contre l’homophobie et la transphobi­e du 17 mai, les cinq GRIS du Québec ont annoncé publiqueme­nt l’ajout de la démystific­ation des identités de genre à leur mission. Par conséquent, des personnes trans et non binaires raconteron­t aussi leur vécu dans les écoles et les autres milieux visités par les cinq organismes québécois. Laurence se sent donc bien préparé.e pour mener à bien son mandat. Outre son expérience de vie comme personne trans, iel a enseigné notamment dans des écoles du Nunavik où iel a dû composer avec les problèmes de santé mentale et les troubles de comporteme­nt de certain.es élèves, «malgré un manque criant de ressources». Depuis janvier 2018, iel est marié.e avec le poète Sébastien Emond qui se considère également non-binaire. «Ma pratique artistique est axée sur l’identité, que ce soit par le bâillonnem­ent ou l’émancipati­on de l’identité. Mes études en arts visuels et en enseigneme­nt jumelées à mon vécu me destinaien­t vraiment à travailler comme intervenan­t.e au GRIS-Québec.»

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LAURENCE CARON

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