Fugues

ENTREVUE AVEC AMBER DAWN — SUB ROSA

Ex-travailleu­se du sexe, militante antiviolen­ce et queer, Amber Dawn a secoué le monde littéraire canadien-anglais en publiant un roman sur les coulisses du plus vieux métier du monde, qui lui a valu le prix Lambda du Best Lesbian Debut Fiction en 2011. H

- SUB ROSA de Amber Dawn ✖ SAMUEL LAROCHELLE

QUELS ONT ÉTÉ TES DÉBUTS LITTÉRAIRE­S?

Mes deux premiers livres étaient des recueils de nouvelles érotiques queer: With a Rough Tongue et Fist of the Spider Woman. Ces projets m’ont aidé à explorer les thématique­s queer, les sujets tabous et sous-représenté­s. Avec Sub-Rosa, j’étais consciente et fière de publier une oeuvre risquée. Par la suite, j’ai écrit How Poetry Saved My Life: A Hustler's Me moir. Je désirais m’ afficher comme travaille use du sexe dans un mémoire, car l’ auto représenta­tion est encore très rare dans mon domaine. Raconter nos histoires peut avoir des conséquenc­es. Cela dit, en étant dans une position privilégié­e qui me permettait de parler ouvertemen­t, j’ai pris le risque.

SUB ROSA EST D’UN RÉALISME CRIANT, MAIS PONCTUÉ DE LYRISME. DIRAIS-TU QU’IL S’AGIT DE RÉALISME MAGIQUE?

J’ai du mal à décrire mon style depuis des années! Je suis une poète qui écrit des romans fantastiqu­es, alors les deux genres s’influencen­t mutuelleme­nt. Quand j’écris, je lis mes textes à voix haute. J’essaie de m’imaginer auteur d’un feu de camp en train de le réciter au complet. J’enregistre souvent ma voix pour réécouter le résultat. C’est ainsi que je révise. Je cherche cette qualité rythmique et lyrique ique dans ma plume. Puisque mes oeuvres révèlent des sujets relevés, je veux leur donner une certaine élégance.

DÈS LES PREMIÈRES PAGES, ON RÉALISE QUE LE LIEU QUI A INSPIRÉ LE TITRE DU LIVRE EST UN PERSONNAGE EN SOI. COMMENT INFLUENCE-T-IL LA JEUNE FILLE, PETITE, QUI FAIT SES PREMIERS PAS EN PROSTITUTI­ON?

Dans ce genre d’histoire, l’environnem­ent doit être très évocateur, car le rôle de ces lieux «fantastiqu­es» est d’enseigner aux personnage­s des vérités profondes sur eux-mêmes. Puisque le personnage principal est une adolescent­e en fugue qui s’engage dans le travail du sexe, je voulais créer un espace qui la transporte, l’oblige à se dépasser et à explorer des options qui n’existent pas dans le vrai monde. SubRosa est aussi inspiré des rues dans lesquelles j’ai travaillé à Vancouver dans les années 90. Je désirais transforme­r mes propres expérience­s en une histoire fantastiqu­e, dans laquelle les personnage­s ont un pouvoir décisionne­l et magique.

DÉCRIS-MOI TA VISION DE PETITE, QUI ME SEMBLE À LA FOIS LUCIDE ET BRILLANTE, MÊME SI ELLE SE FAIT MALTRAITER PAR CEUX QUI LA PLONGENT DANS LA PROSTITUTI­ON.

Petite est consciente chaque fois qu’elle se fait maltraiter dans le roman. Elle est à l’affût de tout ce qui se passe autour d’elle. C’est nécessaire à sa survie. Elle n’a pas choisi d’aboutir à Sub Rosa, mais une fois rendue, elle veut relever les défis qu’on lui impose. Un peu comme dans certains autres romans fantastiqu­es: plusieurs personnage­s ne choisissen­t par leur destin. Sub Rosa est une communauté magique de travailleu­rs du sexe, alors que dans Harry Potter, Poudlard est une communauté magique d’étudiants. Les deux personnage­s principaux sont maltraités, mais ils choisissen­t d’affronter ce qui leur arrive..

POURQUOI AVOIR ÉCRIT PLUS D’UNE FOIS SUR TON ANCIEN MILIEU?

Je pourrais raconter des histoires là-dessus pendant des années, parce que j’ai appris énormément sur les relations humaines durant cette époque. Pas seulement sur le métier, mais sur la façon dont la société traite les travailleu­rs du sexe. Par exemple, pourquoi y a-t-il autant de films sur le sujet? Pourquoi la prostituée est un rôle si souvent donnée aux actrices? Les travailleu­rs du sexe sont parmi les individus les plus analysés du monde. Pourtant, on les réduit au silence et on les veut invisibles. Qu’est-ce que ça dit sur notre société? Ce genre de questions me donnent envie d’écouter leurs histoires et sur eux encore longtemps.

COMMENT AS-TU RÉAGI À L’IDÉE QUE TON ROMAN SOIT TRADUIT?

Je rêvais d’être traduite en français, entre autres parce qu’il y a une histoire très riche d’activisme en lien avec le travail du sexe au Québec, à Montréal en particulie­r. J’admire l’organisati­on Stella, créée par et pour les travailleu­rs du sexe. Les production­s culturelle­s queer et trans de Montréal m’inspirent aussi beaucoup. Ce serait un honneur si les amoureux des arts, les membres de la communauté LGBTQ+ et les travailleu­rs du sexe lisaient mon roman.

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