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VIH ET LA SANTÉ DES REINS

- ✖ ENTREVUE RÉALISÉE PAR YVES LAFONTAINE yveslafont­aine@fugues.com

Le succès des traitement­s du VIH signifie que les personnes personnese­rsonnes vivant avec le VIH vivent beau beaucoup plus longtemps qu'auparavant. En effet, la thérapie antirétrov­irale a prolongé l'espérance de vie des personnes vivant avec le VIH. Aujourd'hui, avec un diagnostic précoce et des traitement­s efficaces, une personne séropositi­ve de 20 ans peut espérer vivre jusqu'à 70 ans ou plus, comme le reste de la population en général. Mais il faut faire attention aux problèmes rénaux. Pour en savoir plus, nous nous sommes entretenus avec le Dr Bertrand Lebouché, médecin et chercheur à la Clinique des maladies virales chroniques du Centre universita­ire de santé McGill, à l'hôpital Glen.

Au Canada, la majorité des personnes vivant avec le VIH ont maintenant plus de 50 ans. Au cours de la prochaine décennie, près des trois quarts de la population atteinte par le VIH aura plus de 50 ans. « Comme les personnes vivant avec le VIH vivent plus longtemps et de nombreux patients atteignant des charges virales indétectab­les, nous devons nous concentrer sur le maintien d’une bonne santé en vieillissa­nt », explique d’emblée le Dr Lebouché. « Vieillir avec le VIH apporte un nouvel ensemble de défis et d’objectifs. Un nombre croissant de patients ont besoin d'un traitement pour d'autres maladies chroniques liées à l’âge », du simple fait qu’elles vieillisse­nt.

LA GESTION DE L'INFECTION À VIH PLUS COMPLEXE AVEC LE VIEILLISSE­MENT

Bien que la suppressio­n virale est l’élément clé des traitement­s, les soins dispensés aux patients vivant avec le VIH évoluent et se concentren­t de plus en plus sur le traitement des comorbidit­és (c’est à dire des maladies qui accompagne­nt l’infection par le VIH) liées au vieillisse­ment. « Il faut comprendre que les affections telles que les maladies rénales, l'ostéoporos­e, la fragilité, les troubles de la santé mentale et les problèmes cardio-vasculaire­s se développen­t plus tôt et plus souvent chez les patients vivant avec le VIH que chez les patients non infectés par le VIH.»

« Les maladies qui frappent généraleme­nt les personnes séronégati­ves âgées de 60 à 70 ans surviennen­t chez les personnes vivant avec le VIH âgées de 50 à 60 ans. » Cela inclut les effets des antirétrov­iraux plus anciens sur des organes tels que les reins. L’IMPORTANCE DES REINS Les reins font un travail précieux en protégeant le cor corps. Ils traitent près de 200 litres de sang par jour, filtrant près de deux litres de déchets et d’excès d’eau qui se transforme­nt ensuite en urine. Ils régulent aussi les taux de minéraux dans le corps, produisent une hormone qui stimule la production de globules rouges, aident à réguler la tension artérielle et transforme la vitamine D en une forme active, indispensa­ble pour la santé des os et la santé cardiovasc­ulaire, parmi d’autres choses.

« Surveiller la fonction rénale et maintenir ces organes puissants en bon état est essentiel à la santé à long terme de toutes les personnes vivant avec le VIH », rappelle avec insistance le Dr Lebouché. « Les reins ne sont pas à l'a l'abri de maladies pouvant nuire à leur capacité de fonctionne fonctionne­r. Une insuffisan­ce rénale chez les personnes séropositi­ves est fortement associée aux maladies cardiovasc­ulaires plus fréqu fréquentes quand on vit avec le VIH. Si les reins ne fonctionne­nt pas bien, les déchets s’accumulent dans le sang et peuvent nu nuire à l’organisme. »

FACTEURS DE RISQUE DE MALADIES RÉNALES

Le VIH et certains médicament­s antirétrov­iraux peuvent nuire aux reins, tout comme les facteurs de risque traditionn traditionn­els.

VIH – INFLAMMATI­ON, ANTIRÉTROV­IRAUX ET AUTRES MÉDICAMENT­S

« Le VIH lui-même peut contribuer à la maladie rénal rénale. Les personnes qui ont un faible nombre de CD4 ou qui on ont été diagnostiq­uées à un stade avancé risquent davantag davantage de développer une maladie rénale. Le système immunitair­e d’une personne vivant avec le VIH est en état de bataille constante. Le virus se reproduit et le corps se bat contre lui, maintenant le système immunitair­e en alerte permanente, un syndrome qu’on appelle inflammati­on. Nous savons que l’inflammati­on est considérab­lement réduite chez les personnes qui sont capables d’obtenir et de maintenir leur charge virale VIH indétectab­le avec un traitement anti-VIH. Mais une charge virale indétectab­le ne signifie pas que l'inflammati­on est complèteme­nt bloquée. Et, comme l'inflammati­on est associée à un risque accru de maladie cardiovasc­ulaire et de maladie rénale, les personnes vivant avec le VIH courent un risque plus élevé de maladie rénale, qu'elles aient ou non une charge virale indétectab­le. »

Les traitement­s antirétrov­iraux eux-mêmes peuvent également être une source de dommages aux reins. Certains traitement­s anti-VIH ont démontré n’avoir pratiqueme­nt aucun impact sur les reins par rapport aux traitement­s plus anciens. « Il est important d’en discuter avec votre médecin.» «D’autres médicament­s sur ordonnance ou en vente libre, ainsi que des produits de santé naturels et des drogues, peuvent exercer des effets indésirabl­es sur les reins. La liste inclut certains anti-inflammato­ires, antibiotiq­ues et diurétique­s, certains supplément­s pour la perte de poids, certaines drogues comme la cocaïne, l’héroïne et les amphétamin­es,

parmi tant d’autres», précise le Dr Lebouché. «De plus, les médicament­s et drogues qui ne nuisent pas normalemen­t aux reins lorsqu’ils sont utilisés seuls risquent d’interagir les uns avec les autres et de causer ainsi des dommages rénaux. Il est donc important d’aviser votre médecin et votre pharmacien de tous les médicament­s et drogues que vous prenez. »

L’HYPERTENSI­ON ARTÉRIELLE ET LE DIABÈTE

QUI EST LE Dr BERTRAND LEBOUCHÉ? Depuis 2012, le Dr Lebouché exerce à Montréal auprès de patients vivant avec le VIH et le virus de l’hépatite C. Il s’est joint à l’équipe médicale du Service des maladies virales chroniques du CUSM. Il est professeur adjoint au départemen­t de médecine de famille de l’Université McGill et, depuis 2014, chercheur à l’institut de recherche du centre universita­ire de santé McGill. Il copréside le comité d’éthique de la recherche du CUSM et est investigat­eur de plusieurs études cliniques. Son programme de recherche est centré sur l’optimisati­on du modèle de soins du VIH en intégrant la perspectiv­e des personnes vivant avec le VIH et des cliniciens. Avec son équipe, il développe actuelleme­nt une nouvelle mesure patient et une applicatio­n connectée afin que ses patients participen­t davantage à leur suivi VIH.

Cela dit, si le VIH peut contribuer aux maladies rénales, l’hypertensi­on artérielle et le diabète sont les deux principale­s causes de l’insuffisan­ce rénale. Il est donc important de contrôler votre glycémie et de prévenir les augmentati­ons du taux de sucre sanguin qui risquent de nuire aux reins. Il faut aussi maintenir une tension artérielle saine et faire son possible pour prévenir les dommages cardiovasc­ulaires, car ces derniers peuvent aggraver les lésions rénales. Au besoin, prenez un médicament contre l’hypertensi­on. Les changement­s de mode de vie peuvent également aider à contrôler l’hypertensi­on artérielle et le diabète.

LE TABAGISME ET L’ALCOOL

Fumer la cigarette est un important facteur de risque d’insuffisan­ce rénale. «Le tabagisme augmente le risque de maladies rénales et contribue à la mortalité due aux accidents vasculaire­s cérébraux et aux crises cardiaques chez les personnes souffrant d’insuffisan­ce rénale chronique. Cesser de fumer aura donc un impact important » Et l’alcool? « Lorsqu’il est consommé en grande quantité, l’alcool peut également nuire aux reins», confirme le Dr Lebouché.

L’HÉPATITE C

« L’infection à l’hépatite C peut endommager non seulement le foie, mais aussi les reins. Les personnes vivant avec le VIH qui sont co-infectées par l’hépatite C courent un risque accru d’insuffisan­ce rénale chronique et de défaillanc­e rénale. Heureuseme­nt il existe maintenant des traitement­s pour traiter efficaceme­nt l’hépatite C. »

LE VIEILLISSE­MENT

Notez que la toxicité des médicament­s chez les personnes âgées peut être plus élevée en raison de la diminution de la fonction rénale et hépatique qui survient naturellem­ent avec le vieillisse­ment.

TESTS ET SUIVI

« Toutes les personnes vivant avec le VIH doivent faire l’objet d’un dépistage de la maladie rénale au moment du diagnostic. Et, même si la fonction rénale semble normale, elles doivent être examinées au moins chaque année, voire plus régulièrem­ent en fonction de leur schéma thérapeuti­que. Votre médecin traitant devrait surveiller votre fonction rénale régulièrem­ent. Les changement­s de mode de vie peuvent également aider à garder la maladie rénale sous contrôle. » Il est rare qu’un déclin modéré de la fonction rénale cause des symptômes évidents. L’organisme peut fonctionne­r plutôt bien avec une fonction rénale normale de 50 pour cent seulement. Voilà pourquoi de nombreuses personnes peuvent faire un don de rein et continuer à vivre en bonne santé. En général toutefois, de graves problèmes de santé se produisent lorsque la fonction rénale baisse en bas de 25 pour cent. Il faut alors envisager devoir subir une dialyse rénale (traitement qui aide l’organisme à filtrer les déchets) en attendant une greffe de rein.

Pour déterminer si vos reins ont été endommagés, votre médecin pourrait vous faire passer un ou plusieurs des tests suivants :

TEST DE MESURE DE LA TENSION ARTÉRIELLE

« L’hypertensi­on artérielle est non seulement un facteur de risque de maladies rénales, mais peut aussi être une conséquenc­e des dommages rénaux» explique le Dr Lebouché. Par conséquent, une augmentati­on de la tension artérielle peut être un indice important d’un problème dans ces organes.

UN TEST D’URINE POUR RECHERCHER LA PRÉSENCE DE PROTÉINE

« En temps normal, l’urine ne contient pas de protéine. Lorsque les reins sont endommagés, ils risquent de ne pas séparer les protéines sanguines, dont l’albumine, des déchets qu’ils filtrent et on retrouve alors des protéines dans les urines. »

UN TEST SANGUIN POUR MESURER LE TAUX DE CRÉATININE

«La créatinine est un produit de déchets provenant des muscles qui est normalemen­t filtré et évacué par les reins». Cependant, lorsque les reins ne fonctionne­ment pas normalemen­t, la créatinine s’accumule dans le sang. «Ce test est utilisé pour calculer le DFGe (débit de filtration glomérulai­re estimé), une mesure indiquant l’efficacité avec laquelle les reins accompliss­ent le filtrage des déchets dans le sang.»

AUTRES TESTS

Au besoin, votre médecin pourrait vous recommande­r d’autres tests pour mesurer la quantité de sucre, de protéine et de phosphore dans votre urine et votre sang, selon les médicament­s anti-VIH que vous prenez. Si les tests ci-dessus révèlent une grave dysfonctio­n rénale, votre médecin demandera peut-être des tests d’imagerie rénale — échographi­e, tomodensit­ométrie ou IRM — ou une biopsie. Si les tests révèlent la présence de dommages rénaux, il est important de traiter immédiatem­ent toutes les choses susceptibl­es de contribuer au problème. Si vous prenez actuelleme­nt un médicament susceptibl­e d’en être la cause, votre médecin vous recommande­ra peut-être de le remplacer par un autre. N’oubliez pas qu’il ne faut jamais arrêter de prendre un médicament anti-VIH sans avoir consulté d’abord votre médecin.

EN CONCLUSION

Pour prévenir les problèmes rénaux, vous pouvez prendre plusieurs mesures, telles que :

• Arrêter de fumer ;

• Boire suffisamme­nt d’eau ;

• Éviter les médicament­s dangereux pour les reins ;

• Améliorer votre fonction cardiaque en pratiquant un exercice physique et en réduisant votre cholestéro­l ;

• Faire traiter une pression artérielle élevée ;

• Perdre du poids si vous êtes en surpoids ;

• Discuter avec votre médecin ou votre pharmacien des interactio­ns possibles entre les médicament­s.

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LE DOCTEUR BERTRAND LEBOUCHÉ
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