Fugues

UN MOMENT AVEC ANTONY CARLE

«OnO a le ld droit it au bonheurbh et tj je pense que j je me d donnaisi pas ce d droitit là avant. Maintenant, je veux vraiment vivre chaque seconde, en profiter pleinement. Je veux m’épanouir.» Il s’appelle Antony Carle. Il est auteur-compositeu­r-interp

- PATRICK BRUNETTE ANTONY CARLE: BONSOUND.COM/FR/ARTISTE/ANTONY-CARLE ✖

Je ne le connaissai­s pas du tout. Avant de le rencontrer, j’ai googlé son nom. Je tombe sur ses photos. Son style androgyne me laisse supposer qu’il mise beaucoup (trop?) sur l’image. J’écoute ensuite les sept chansons de son premier album Themoment. Je tombe sous le charme: belle voix chaude, arrangemen­ts musicaux de hauts calibres. J’écoute en boucle l’album. Et lorsqu’il se pointe pour l’entrevue, je découvre un être attachant, sensible, drôle et profond. Je craque!

RéRésistan­ce it

«C’est important encore aujourd’hui d’exposer nos différence­s. Je ne me suis pas dit que j’allais faire un album engagé, politisé. C’est juste que moi-même, de la façon que je vis ma vie, de la façon que je m’affirme, je fais partie de la résistance en quelque sorte. Je suis politisé. Juste de vivre ma vérité, c’est une façon de montrer ma résistance.»

Le ton est loin d’être hargneux. Il y a de la tendresse et de la douceur dans sa voix. Mais ça n’empêche pas cet artiste de faire des chansons engagées à saveur électro-pop. Il va même jusqu’à y intégrer quelques extraits de discours homophobes! Sur la pièce Narrative, on entend la politicien­ne française Christine Boutin dire: «Aujourd’hui, la mode, c’est les gais. On est envahi de gais». Et sur Saveface, il a choisi d’ajouter un extrait d’un discours antigai d’Anita Bryant, datant de 1973.

«Quand j’avais entendu les propos de Christine Boutin, j’étais outré. Presque tous les autres extraits, comme celui d’Anita Bryant, dataient des années 70. Je trouvais du réconfort en me disant que ça datait de quelques décennies. Alors que Boutin, c’est récent.»

Malgré son jeune âge (dans la vingtaine), Antony s’est posé beaucoup de questions par rapport à son histoire en tant que membre de la communauté LGBTQ+. «Je me suis intéressé à ce qui s’est passé dans les années 70 aux ÉtatsUnis. J’ai consulté des archives, comme le discours historique de Sylvia Revara, une militante trans qui a parlé au Liberation­Rally, en 1973, pour défendre la cause des femmes trans. À l’époque, c’était deux causes séparées: les gais et les trans. Il n’y avait pas tant de support pour la communauté trans. Aujourd’hui, je trouve que c’est encore comme ça. On est encore divisés. Ça m’intéressai­t de voir le chemin qu’on a fait en tant que communauté.»

S’il avoue que la communauté LGBTQ+ a fait beaucoup de chemin depuis les émeutes de Stonewall en 1969, il insiste pour qu’on ne baisse pas les bras et qu’on continue les revendicat­ions. «Aujourd’hui, on a la chance d’avoir une voix, faut l’utiliser à bon escient. Moi je suis avantagé: je suis blanc, pas trans. Faut pas juste mener le combat juste pour soi.» Et c’est d’ailleurs la cause des trans qui lui tient le plus à coeur. «Ces personnes ont de la difficulté à trouver leur place en société, pas parce qu’elles ne s’affirment pas, mais à cause des résistance­s de la société. J’en ai côtoyé beaucoup et j’ai envie de faire partie de ce mouvement-là, non pas parce que c’est "trendy", mais parce que c’est important. Parce que moi-même, cette recherche identitair­e, je l’ai eue.»

Queer

Originaire de Trois-Rivières, Antony a quitté le nid familial alors qu’il n’avait que 16 ans. «J’ai fait une vidéo de moi annonçant à ma famille que j’étais gai et je suis parti. J’étais incapable de gérer leurs réactions. Je me disais qu’au moins, ils n’auraient pas à faire semblant de pas être affectés par ça.» Ses craintes ne se sont pas réalisées. « Finalement, c’était correct. Je ne savais pas à quoi m’attendre. C’est toujours de l’inconnu pour tout le monde, le comingout. Maintenant, je me sens épanoui. Toute ma famille m’accepte.» Depuis le lancement de l’album en mai dernier, il est quelque peu troublé d’avoir à se définir autant par les journalist­es qui cherchent à comprendre qui il est. «Je joue beaucoup avec les genres. Le terme queer me définit bien. Je suis quelqu’un de fluide. Je ne suis pas insulté si on me définit comme un il ou une elle. Je suis juste quelqu’un qui s’amuse, qui suit ses instincts.» Il s’intéresse beaucoup à la mode. Son look fait tourner les têtes. Il reçoit des commentair­es positifs et négatifs. «Enfant, ça m’affectait plus. Je me suis endurci avec les années. Je choisis de vivre comme ça et je suis confortabl­e comme ça. Parfois, je me fais dire dans la rue que je suis brave. Je trouve ça étrange.» Visiblemen­t, il se sent bien dans ses fringues autant que dans sa peau.

Musique

Enfant, il se voyait chanteur. Dès l’âge de trois ans, il chantait dans les églises. Adolescent, il s’inscrit en chant au collège Sainte-Thérèse, mais ne termine pas sa formation: «J’ai pas été capable de finir. Je trouvais qu’on essayait de nous modeler pour être tous pareils.»

Il revendique haut et fort sa différence. Et ça marche. Après avoir fait partie du duo Nouvel Âge, le voici en mode solo avec sept chansons originales sur The moment. Un album qui, en plus d’être une réflexion sur notre évolution en tant que communauté, parle aussi de la quête d’un artiste vers la réussite. «Cet album-là, c’est une naissance pour moi. Je veux qu’à travers ma musique, les gens se sentent en sécurité, qu’ils se sentent inspirer à créer. Si les gens se sentent connectés à ma musique, c’est juste ça qui est important.»

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