Fugues

CHOISIR LE QUÉBEC POUR FONDER UNE FAMILLE

- ✖ DENIS-DANIEL BOULLÉ

Il n’est toujours pas évident pour un couple de même sexe de fonder une famille, d’avoir des enfants. Bien sûr, de nombreux pays l’autorisent mais l’acceptatio­n sociale n’est pas toujours aussi avancée que la législatio­n. C’est le constat de ce couple franco-chilien qui a choisi le Québec, entre autres, pour réaliser leur rêve, de devenir parents.

Francisco et Lylian se sont rencontrés il y a une vingtaine d’années à Boston, au Massachuse­tts alors qu’ils faisaient leurs études en architectu­re (Francisco) et littératur­e (Lylian). Francisco est originaire de Santiago-du-Chili, et Lylian a grandi dans le nord de la France. Une relation qui s’inscrit dans la durée et les deux décident de se marier. Ils le feront dans l’État du Massachuss­etts. Mais si Francisco a la citoyennet­é, Lylian sait qu’il devra passer encore de nombreuses années avec des permis de séjour temporaire­s avant de pouvoir être enfin naturalisé. « Nous pensions toujours à ce projet, à être un jour parent. Pour moi, je n’envisageai­s pas une vie sans être père, confie Francisco, mais il était clair pour nous deux que nous voulions vivre dans un pays où nous serions totalement acceptés comme couple gai avec un enfant ».

Les États-Unis ne font plus partie de l’équation. Pas seulement pour une question de papier pour Lylian, mais parce que la stabilité pour les personnes LGBTQ n’existe toujours pas, selon les États, selon les quartiers. Et puis Boston est une ville chère, et le réseau social difficile à construire. Ville universita­ire, beaucoup des ami.es avec qui ils ont fait leurs études ont quitté Boston. «Nous nous sommes posés la question alors de choisir entre la France et le Chili», continue Francisco «En fait de s’installer en France, puisque de mon expérience en tant que jeune gai au Chili, je savais que l’homophobie est encore largement répandue. La France pouvait être une solution, mais le mariage n’était pas encore reconnu pour les couples de même sexe au moment où nous pensions à cette question ». D’autant que les débats et les manifestat­ions de catholique­s traditionn­alistes pour s’opposer au mariage LGBTQ n’avaient rien pour rassurer le couple. « Pour moi, qui suis chilien, j’étais étonné et choqué de voir la France si en retard, face à l’Espagne et au Portugal, choqué de voir la force des mouvements religieux dans un pays qui est considéré comme le pays laïc par excellence ».

Le Canada et le Québec surtout, et enfin Montréal, deviennent alors une option pour de nombreuses raisons. « Nous savions qu’il y avait une meilleure acceptatio­n sociale pour les LGBTQ et nous ne serions pas obligés de vivre dans un quartier ou un secteur plus ouvert comme c’est le cas dans de nombreuses villes américaine­s, explique Francisco. De plus, Montréal est une ville culturelle importante et pas trop loin de New York, pour moi qui suis artiste en art visuel. Et, sans le savoir au début, nous avons pu développer plus rapidement un réseau d’ami.es quand nous sommes arrivés ici ».

Une fois installés à Montréal, les deux avec un statut équivalent, le travail trouvé, le couple peut enfin mettre en marche le processus d’adoption. En fait, ils deviennent une famille d’accueil pour un petit garçon âgé d’un an et demi. Un défi de taille qui les oblige à se remettre en question. « Bien sûr, nous étions prêts dans nos têtes mais il a fallu s’adapter, car un enfant nous renvoie toujours à notre propre enfance, à ce que nous avons pu régler ou non, raconte Francisco, d’autant que nous avions en face de nous un petit garçon qui avait déjà vécu pour son âge plusieurs traumatism­es. Mais cela nous a forcé à changer pour que la relation d’attachemen­t puisse se faire pour lui ». Lylian et Francisco n’ont pas hésité à chercher de l’aide pour que le couple puisse offrir un environnem­ent épanouissa­nt et rassurant au petit garçon qui a aujourd’hui 5 ans et demi. Ils attendent aujourd’hui la décision d’un juge pour pouvoir accéder à une adoption plénière.

« Les parents de Lylian ont fêté leur anniversai­re de mariage il y a quelques temps et nous nous sommes rendus dans le petit village du nord de la France où ils habitent, se souvient Francisco, et c’était la première fois à la mairie que parmi les invité.es, il y avait un couple gai accompagné de leur enfant, une surprise pour beaucoup, mais tout s’est bien déroulé, une fois la surprise passée. On sent tout de même, en France, qu’il y a encore des réticences face aux couples de même sexe — surtout deux hommes — qui ont des enfants ». Acceptatio­n sociale, ouverture à l’autre plus grande, pour eux Montréal est la ville où ils ne sentent pas marginaux comme couple avec un enfant. Même s’ils reconnaiss­ent qu’il y a encore des poches de résistance, elles sont beaucoup moins nombreuses qu’ailleurs. Ils ne ressentent pas non plus de jugement quand ils font des démarches administra­tives, ou dans le milieu scolaire puisque leur fils fréquente la maternelle. Le meilleur choix qu’ils pouvaient faire en venant s’installer ici.

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