ALMODOVAR EN 4 QUESTIONS
Rejoint pat téléphone à Madrid, j’ai pu poser 4 questions au réalisateur espagnol, que j’avais rencontré pour la première fois, il y a maintenant 30 ans.
«Je déteste la fiction autobiographique», déclare la mère dans Douleur etGloire. Comprenez-vous ce qu’elle veut dire?
Certainement. L’autofiction est un genre délicat, car on ne travaille pas seulement avec des éléments de sa propre vie, mais inévitablement avec les vies d’autres personnes aussi. J’aborde différents thèmes dans le film — la famille, les mères, le désir, la création, l’enfance — et ceux-ci sont tous aussi importants pour moi. Si vous les prenez tous ensemble, vous avez une bonne idée de ce qui me préoccupe. Ce que j’en pense.
Quelle est la part de véracité dans le film?
Je ne peux pas donner de pourcentage. Certaines choses sont authentiques, d’autres fictives. Je ne suis pas tombé follement amoureux d’un jeune maçon dans mon enfance, mais cela aurait pu arriver. Je n’ai jamais eu de conversation cruelle avec ma mère, mais cela aurait pu se passer aussi. Je n’ai jamais vécu dans une grotte, mais je sais quel effet cela fait de devoir déménager. Et comme le garçon dans le film, j’ai vécu dans un monde parallèle haut en couleur, même si l’Espagne d’après-guerre était surtout une grande misère. Le point de départ est ma réalité, et après cela devient de la fiction.
Ce film parle de la souffrance et de la réussite. Qu’est-ce que la réussite pour vous?
La réussite a de nombreux visages. Pour le personnage, elle signifie pouvoir vivre dans un bel appartement avec de belles oeuvres d’art aux murs. Sa souffrance n’a donc rien à voir avec ce que beaucoup de gens doivent supporter. Elle est relative. Ma définition de la réussite, c’est d’avoir pu faire les films que je voulais faire. Ce n’était pas évident, car mes films sont extrêmement personnels.
DouleuretGloire parle d’un réalisateur qui frémit à l’idée qu’il ne pourra plus faire de films. À 70 ans, avez-vous cette crainte ?
La seule manière de vaincre les problèmes avec lesquels le personnage principal se débat dans le film, c’est de continuer à écrire. Et de dormir huit heures chaque nuit. Je travaille sur de nouveaux projets et il y a en ce moment deux idées que j’aimerais développer plus. Trouver des histoires n’est jamais un problème. Vous en trouvez des dizaines tous les jours dans les journaux. Le hic, c’est que ces histoires doivent réveiller quelque chose en moi, une passion qui me donne envie de m’y accrocher. Alors pour la suite des choses, on verra...