Fugues

ALMODOVAR EN 4 QUESTIONS

- ✖ YVES LAFONTAINE LE FILM DOULEUR ET GLOIRE DE PEDRO ALMODOVA PRENDRA L’AFFICHE AU QUÉBEC LE 18 OCTOBRE.

Rejoint pat téléphone à Madrid, j’ai pu poser 4 questions au réalisateu­r espagnol, que j’avais rencontré pour la première fois, il y a maintenant 30 ans.

«Je déteste la fiction autobiogra­phique», déclare la mère dans Douleur etGloire. Comprenez-vous ce qu’elle veut dire?

Certaineme­nt. L’autofictio­n est un genre délicat, car on ne travaille pas seulement avec des éléments de sa propre vie, mais inévitable­ment avec les vies d’autres personnes aussi. J’aborde différents thèmes dans le film — la famille, les mères, le désir, la création, l’enfance — et ceux-ci sont tous aussi importants pour moi. Si vous les prenez tous ensemble, vous avez une bonne idée de ce qui me préoccupe. Ce que j’en pense.

Quelle est la part de véracité dans le film?

Je ne peux pas donner de pourcentag­e. Certaines choses sont authentiqu­es, d’autres fictives. Je ne suis pas tombé follement amoureux d’un jeune maçon dans mon enfance, mais cela aurait pu arriver. Je n’ai jamais eu de conversati­on cruelle avec ma mère, mais cela aurait pu se passer aussi. Je n’ai jamais vécu dans une grotte, mais je sais quel effet cela fait de devoir déménager. Et comme le garçon dans le film, j’ai vécu dans un monde parallèle haut en couleur, même si l’Espagne d’après-guerre était surtout une grande misère. Le point de départ est ma réalité, et après cela devient de la fiction.

Ce film parle de la souffrance et de la réussite. Qu’est-ce que la réussite pour vous?

La réussite a de nombreux visages. Pour le personnage, elle signifie pouvoir vivre dans un bel appartemen­t avec de belles oeuvres d’art aux murs. Sa souffrance n’a donc rien à voir avec ce que beaucoup de gens doivent supporter. Elle est relative. Ma définition de la réussite, c’est d’avoir pu faire les films que je voulais faire. Ce n’était pas évident, car mes films sont extrêmemen­t personnels.

DouleuretG­loire parle d’un réalisateu­r qui frémit à l’idée qu’il ne pourra plus faire de films. À 70 ans, avez-vous cette crainte ?

La seule manière de vaincre les problèmes avec lesquels le personnage principal se débat dans le film, c’est de continuer à écrire. Et de dormir huit heures chaque nuit. Je travaille sur de nouveaux projets et il y a en ce moment deux idées que j’aimerais développer plus. Trouver des histoires n’est jamais un problème. Vous en trouvez des dizaines tous les jours dans les journaux. Le hic, c’est que ces histoires doivent réveiller quelque chose en moi, une passion qui me donne envie de m’y accrocher. Alors pour la suite des choses, on verra...

Newspapers in French

Newspapers from Canada