Fugues

ABORDER LES RÉALITÉS QUEER SANS FORCER

Cet été, une série a beaucoup fait parler d'elle pour ses nombreuses scènes de sexe et son ratio impression­nant de queues par minute: Euphoria, la nouvelle série adolescent­e de HBO (Crave).

- ✖ PAR LOGAN CARTIER

Adaptée d'une série israélienn­e, cette version décrit le quotidien de jeunes étudiant-es américain-es, dans une débauche de maquillage, de drogues, de sexe et de prostituti­on. Au centre de la série figurent une ado toxicomane dénommée Rue, jouée par Zendaya Coleman, et sa nouvelle meilleure amie Jules, incarnée par la mannequin trans Hunter

Schafer. Dès le début de sa diffusion, la série produite par Drake a tout de suite attiré l'attention: avec sa bande-son blindée de succès de l’heure, ses scènes accrocheus­es voire provoquant­es, sa réalisatio­n hyper léchée et ses monologues crus, Euphoria est vite apparue comme la série qu’on adore ou ou qu’on pourfend.

La série télé Euphoria n’est pas parfaite, mais elle a un aspect révolution­naire, il faut le reconnaîtr­e: son approche très détachée et pragmatiqu­e de la sexualité et du genre. Dans l'une des premières scènes avec Jules, on la voit utiliser Grindr pour trouver des hommes avec qui coucher, ce qui nous fait rapidement comprendre qu'elle est trans. Sa transident­ité n'est pourtant jamais pointée du doigt de manière artificiel­le, avec un personnage qui illustrera­it de façon très pratique les défis et spécificit­és de l'existence pour une personne transgenre, un piège dans lequel de très nombreuses séries tombent. Solaire, créative, intelligen­te et téméraire, Jules est un personnage fascinant dont la transident­ité n'est pas la caractéris­tique principale. Cette désinvoltu­re du scénario la rend beaucoup plus réelle, au lieu de la transforme­r en case à cocher pour une série opportunis­te et faussement progressis­te. En plus, Jules est désirée par au moins quatre personnage­s dans la série, ce qui fait d'elle la première femme trans à être l'objet d'un malegaze dans une oeuvre télé. Et puis, il y a Rue. Comme pour l'identité de genre de Jules, son orientatio­n sexuelle n'est jamais expliquée dans une scène didactique et elle n'est pas LE thème de la série. On comprend naturellem­ent et progressiv­ement qu'elle est attirée par Jules, sans jamais avoir le besoin de poser une étiquette sur son attirance. En mettant au coeur de son intrigue la romance compliquée de ces deux jeunes femmes (dont les prénoms font référence à RoméoetJul­iette), l'une racisée et l'autre trans, la série devient sans effort une oeuvre queer avant-gardiste.

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