KEVIN HACHÉ
CARAQUETS
En réalité, il a appris plusieurs années après son passage au secondaire que des élèves médisaient contre lui. «Une amie m’a raconté qu’ils disaient des choses horribles sur moi, mais ils ne faisaient pas directement. Probablement qu’ils l’ont fait au début, mais ça coulait sur moi comme sur le dos d’un canard. Mon adolescence a bien été, contrairement à plusieurs de mes amis gais qui ont été intimidés.»
Pourtant, le jeune homme n’essayait pas de passer inaperçu. «Sur ma photo de graduation, je porte un grand manteau blanc avec des lignes noires, du eye liner et mes cheveux sont crêpés. J’étais flyé au bout!» Après ses études à Ottawa, le Néo-Brunswickois est revenu à Moncton, à la suite du suicide de son petit frère. «Son décès a vraiment changé ma vie. Je suis revenu pour être plus proche de ma famille. J’ai fait mon stage en droit et j’ai ouvert ma pratique ensuite.»
Déjà, au début des années 90, il ne cachait pas son homosexualité à ses collègues. Avec son ex-conjoint Jacques, avec qui il est resté pendant 18 ans, il se rendait aux soupers de Noël et à plusieurs événements professionnels. «Je n’ai jamais eu de commentaires négatifs, de regards ni d’expériences désagréables par rapport à qui j’étais.» La suite de sa vie professionnelle l’a toutefois mis en contact avec la population de façon exponentielle.
Tour à tour président du club de patinage artistique, de la Chambre de commerce et de Centre-ville Caraquet, il s’est présenté aux élections de 2004 pour devenir conseiller municipal du Quartier 4, là où tout le monde le connaissait. Réélu au même poste sans opposition en 2008, il s’est lancé à la mairie en 2012. «Là, j’ai visité la municipalité au complet en faisant du porte à porte. Évidemment, je ne me présentais pas en disant "bonjour, je m’appelle Kevin Haché, je suis gai et je me présente à la mairie". Cela dit, je n’ai jamais essayé de me cacher ou de changer qui je suis. L’authenticité a toujours été super importante pour moi. Peut-être que certaines personnes se disaient "je ne voterai pas pour lui parce que c’est une maudite tapette", mais ils ne me le disaient pas en pleine face.» Réélu par acclamation en 2016, il a initié la création d’une Fierté à Caraquet la même année. «Le jour de l’ouverture officielle, il y avait des drapeau LGBTQ sur les mats de plusieurs maisons et dans les vitrines de plein de commerces. C’était incroyable! J’étais assez fier!»
Même s’il n’a jamais caché son orientation sexuelle et qu’il vivait ouvertement avec son conjoint dans leurs cercles d’amis, le maire avait toujours une petite crainte dans le fond de son esprit. «Je me demandais si j’allais perdre mes prochaines élections ou mes clients à mon bureau d’avocat si tout le monde savait officiellement que je suis gai. J’ai toujours eu cette crainte jusqu’à ce que j’affiche fièrement mon drapeau à AcadieLove en 2016.»
Il faut dire aussi que durant la première édition du festival, la célèbre drag-queen Mado Lamothe a clarifié la situation avec tout le monde. «Devant une salle de 800 personnes, elle a dit "ça a l’air que t’es comme moi, tu manges pas de moules!" Elle a fait mon coming-out national. Si les gens ne le savaient pas avant, ils le savent maintenant! Finalement, ça n’a rien changé dans leur attitude et ça m’a enlevé un gros fardeau.» Chaque année, le festival continue de prendre de l’ampleur, mais un grand travail de sensibilisation reste à faire. «Acadie Love est bien installé, mais il y a toujours des hétérosexuels qui ne viennent pas, de peur que les gens pensent qu’ils sont gais parce qu’ils sont vus là-bas… À Caraquet, on n’est pas assez de personnes LGBTQ pour faire vivre l’événement. On a besoin des alliés et que toute la population embarque. On doit continuer de montrer au reste du monde qui nous sommes et leur faire comprendre qu’on fait partie de toutes les sphères de la vie.»