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CONFIDENTI­ALITÉ ET VIE PRIVÉE

- ✖ LÉA PELLETIER-MARCOTTE, Avocate et Coordonnat­rice Programme Droits de la personne et VIH COCQ-SIDA

Votre droit à la vie privée est un droit fondamenta­l qui se retrouve non seulement dans le Code civil du Québec, Québec mais aussi dans la Charte des droits et libertés de la personne et la Charte canadienne des droits et libertés. L’une des facettes de votre droit à la vie privée est le respect de la confidenti­alité de vos renseignem­ents personnels, laquelle est aussi prévue et protégée par la loi. Bien qu’il existe des exceptions, votre consenteme­nt est habituelle­ment nécessaire pour que des renseignem­ents vous concernant soient diffusés ou transmis à un tiers.

L’obligation de confidenti­alité s’étend aussi aux établissem­ents de santé et de services sociaux. Dans ce contexte, elle assure aux usagers·ères que les renseignem­ents détenus par l’établissem­ent ou par les personnes qui y travaillen­t sont protégés. Elle y est d’autant plus importante que les dossiers médicaux contiennen­t nombre d’informatio­ns sensibles et de renseignem­ents personnels sur les usagers·ères. Il est donc nécessaire de restreindr­e l’accès aux dossiers médicaux, de respecter le caractère confidenti­el de leur contenu et de protéger la vie privée des usagers·ères.

Par exemple, la Loi sur la santé et les services sociaux (c S-4.2) prévoit que le dossier d’un usager est confidenti­el et que nul ne peut y avoir accès sans le consenteme­nt de l’usager·ère ou de la personne qui peut donner un consenteme­nt en son nom (ex : le parent d’un enfant de moins de 14 ans). Cette loi présente aussi certaines situations dans lesquelles un renseignem­ent peut être communiqué sans le consenteme­nt de l’usager·ère, comme dans les cas où il s’agit de prévenir un acte de violence dont un suicide .

Cependant, il peut arriver que des renseignem­ents personnels – comme le statut sérologiqu­e – soient communiqué­s à d’autres personnes sans le consenteme­nt de la personne qu’ils concernent, et sans que ce soit permis par la loi. Il s’agit alors de bris de confidenti­alité.

Dans le réseau de la santé et des services sociaux, les bris de confide confidenti­alité sont malheureus­ement trop fréquents. fréquents Ces bris de confidenti­alité peuvent prendre pre plusieurs formes : notes à votre dossier vues par des personnes qui ne devraient pas y avoir accès, résultats de tests laissés sur une boîte vocale partagée et entendus par votre colocatair­e, discussion­s de couloir où des renseignem­ents vous concernant sont entendus par d’autres personnes, etc. Bien que les bris de confidenti­alité soient souvent accidentel­s ou involontai­res, cela ne veut pas dire qu’ils sont sans importance.

Au service VIH INFO DROITS, nous avons recensé plusieurs exemples de bris de confidenti­alité et sommes témoins de la panoplie de conséquenc­es qui peuvent en découler. Sauf en matière d’assurance ou avant une relation sexuelle comportant une « possibilit­é réaliste » de transmissi­on, les personnes vivant avec le VIH n’ont pas à dévoiler leur statut à qui que ce soit. Alors que certaines décident d’en parler ouvertemen­t, d’autres préfèrent taire cette informatio­n ou n’en parler qu’à quelques personnes soigneusem­ent choisies. Ainsi, lorsqu’ils concernent le statut sérologiqu­e, les bris de confidenti­alité retirent aux personnes vivant avec le VIH leur droit de choisir à qui elles choisissen­t de dévoiler ainsi que le moment et les circonstan­ces où elles souhaitent le faire.

Que ce soit des amitiés brisées, des familles déchirées, des emplois perdus, les conséquenc­es des bris de confidenti­alité peuvent être sérieuses. En outre, un bris de confidenti­alité est irréparabl­e : quand une informatio­n est dévoilée sans le consenteme­nt de la personne qu’elle concerne, il est impossible de revenir en arrière.

C’est pourquoi il est important, d’une part, d’assurer le respect du droit à la confidenti­alité, mais d’autre part, d’avoir une meilleure connaissan­ce des mécanismes de protection de la vie privée, notamment dans le système de santé et des services sociaux. Bien qu’ils ne puissent réparer l’atteinte à la vie privée, il est bon de savoir que des recours existent pour les personnes ayant subi un bris de confidenti­alité.

BRIS DE CONFIDENTI­ALITÉ DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX : VOS RECOURS

Si vous pensez avoir été victime d’un bris de confidenti­alité (ex. : un renseignem­ent personnel contenu à votre dossier a été dévoilé à un tiers sans votre consenteme­nt, ou un profession­nel de la santé n’a pas respecté le secret profession­nel), il est d’abord recommandé d’en discuter avec la personne concernée ou avec un responsabl­e de l’établissem­ent afin que des changement­s soient apportés et éviter que des bris de confidenti­alité se reproduise­nt. Les comités de patients et d’usagers·ères peuvent, à cette étape, être très utiles pour agir à titre de porte-parole auprès de l’établissem­ent.

PLAINTE CONTRE LE·LA PROFESSION­NEL·LE Si un·e profession­nel·le (ex : médecin, infirmière·er, psychologu­e…) est à l’origine du bris de confidenti­alité, il vous est possible de porter plainte auprès de son ordre profession­nel. En effet, les profession­nels·les ont l’obligation de protéger la confidenti­alité des renseignem­ents personnels de leurs patients·es et ce, qu’ils pratiquent dans un établissem­ent public ou privé. Notamment, le Code des profession­s prévoit qu’un·e profession­nel·le ne peut divulguer les renseignem­ents de nature confidenti­elle qu’il ou elle obtient dans l’exercice de sa profession. Un·e profession­nel·le ne peut être relevé·e du secret profession­nel qu’avec l’autorisati­on de son·sa client·e ou encore, lorsque la loi l’ordonne ou l’autorise.

PLAINTE CONTRE L’ÉTABLISSEM­ENT DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX

En outre, qu’elle vise un·e employé·e (préposé·e, téléphonis­te, etc.) ou un·e profession­nel·le, vous pourriez également porter plainte contre l’établissem­ent où s’est produit le bris de confidenti­alité. La plainte devra être formulée auprès du Commissair­e aux plaintes et à la qualité des services de l’établissem­ent, lequel est responsabl­e de la révision des plaintes et s’assure que celles-ci soient traitées dans les délais prescrits. Si votre plainte concerne un médecin, un dentiste, un·e pharmacien·ne ou un médecin résident, le Commissair­e transmettr­a votre plainte au médecin examinateu­r de l’établissem­ent. Si vous êtes insatisfai­t·e de la réponse du

Commissair­e, ou si celui-ci n’a pas respecté le délai de traitement, vous pourriez par la suite saisir le Protecteur du citoyen. Toutefois, si votre plainte a été acheminée au médecin examinateu­r et que vous êtes insatisfai­t·e de sa réponse, c’est au comité de révision de l’établissem­ent que vous devez vous adresser.

RECOURS CIVILS

Finalement, formuler des plaintes auprès des ordres profession­nels ou des établissem­ents suivant un bris de confidenti­alité ne vous empêche pas d’avoir recours aux tribunaux civils. Les recours civils peuvent permettre à une personne d’obtenir une indemnisat­ion financière pour un dommage subi.

Si le bris de confidenti­alité est en lien avec votre séropositi­vité et que vous envisagez déposer une plainte ou intenter un recours civil, VIH INFO DROITS peut vous accompagne­r dans vos démarches. Pour un complément d’informatio­n, notre capsule d’informatio­n et notre dépliant expliquent de manière plus détaillée votre droit à la vie privée, l’obligation de confidenti­alité, le secret profession­nel et les recours possibles en cas de bris de confidenti­alité dans le milieu de la santé et des services sociaux. N’hésitez pas à les consulter!

Capsule et dépliant (version web) disponible sur : cocqsida.com VIH INFO DROITS : vih-infodroits@cocqsida.com T. 514-844-2477, poste 34 ou 1-866-535 0481

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