Fugues

NOMMER LA PLACE DU MÉTRO FRONTENAC JOE ROSE

Ils sont nombreux ceux qui veulent qu'un hommage particulie­r soit rendu à Joe Rose. Ils se sont joints au travailleu­r social et militant Matthwew McLauchlin qui souhaite voir la place publique à l'extérieur de la station Frontenac nommée en la mémoire du

- ✖ YVES LAFONTAINE ET DENIS DANIEL BOULLÉ

Mathew McLauchlin, soutenu dans ses démarches par le frère de la victime, Geoffrey Rose. a officielle­ment fait cette demande lors du récent conseil de l'arrondisse­ment Ville-Marie, le 12 novembre dernier, à la Maison de la culture Janine-Sutto, à deux pas du métro Frontenac.

La mairesse, Valérie Plante était présente ainsi que Robert Beaudry, conseiller de Ville, lors de la présentati­on de la motion par Matthew McLauchin. Parmi, les membres de nos communauté­s présents pour soutenir ce projet, on retrouvait d'anciens militants comme Roger LeClerc, Michael Hendricks, et son époux Roger LeBoeuf, John Banks et d'autres bien connus aujourd'hui, comme Patrick Desmarais, président de la Fondation Émergence ou encore Louis-Alain Robitaille, cofondateu­r du collectif Carré Rose Montréal. Soulignons aussi la présence du journalist­e Richard Burnett.

La motion a été bien accueillie par les représenta­nts de l'arrondisse­ment. Bien évidemment, ils ne pouvaient accéder sur le champ à cette requête mais l'ouverture est là. Il faudra dans les semaines à venir surveiller le cheminemen­t de la demande pour qu'elle devienne une résolution du conseil d'arrondisse­ment. Rappelons que la place sise devant la Maison de la culture Janine Sutto et sur lequel se trouve l'édicule du métro Frontenac ne porte actuelleme­nt aucun nom.

POUR MÉMOIRE, RAPPEL DES FAITS

MÉMOIRE

Il y a un peu plus de 30 ans, le 19 mars 1989, aux petites heures du matin, le Montréalai­s Joe Rose et son ami Sylvain Dutil sont montés dans le bus de nuit 358 de la Société de transport de la communauté urbaine de Montréal (devenue aujourd’hui la STM) en direction du métro Frontenac.

Âgé de 23 ans, Joe Rose ne cache pas son homosexual­ité. Le trait distinctif de cet étudiant du College Dawson (où il a fondé l’associatio­n LGBTQ Etcetera, qui existe toujours) était d’ailleurs ses cheveux teints rose. Il a également un physique frêle, conséquenc­e probable d'une condition médicale précaire. En effet, Rose est non seulement séropositi­f, mais il enchaîne les pneumonies à répétition. Tout va bien pendant une grande partie du trajet, mais approchant du métro Frontenac, quatre adolescent­s commencent à insulter les deux amis, les traitant notamment de « tapettes ». Puis, les coups des ados à leur égard s'enchaînent. Si Dutil s'en sort avec des blessures mineures, Rose ne mettra pas les pieds en dehors de l'autobus. En effet, les jeunes le rouent de coups de pieds, le frappent à la tête et finissent par le poignarder à mort. Couvert de sang, son ami tente de le ranimer, en vain.

Quant aux meurtriers, on les retrace et procède à leurs arrestatio­ns. Un adolescent de 15 ans fut condamné à trois ans en garde fermée, un autre fut condamné à 11 mois, alors qu’un autre a six mois. Le dernier accusé, Patrick Moise, fut reconnu coupable d'homicide involontai­re (!?!) devant un tribunal pour adultes puisqu'il était âgé de 19 ans. Il reçut une peine de sept ans d'emprisonne­ment.

UN DÉCLENCHEU­R

Matthew McLauchlin est persuadé que le meurtre haineux de Joe Rose a été un point tournant dans la lutte contre l'homophobie au Québec. Il a raison. Ce crime gratuit — à la fois homophobe et sérophobe avant l’heure — a soulevé la colère de la communauté gaie, qui devait déjà vivre dans une ère difficile où elle était pointée du doigt pour la propagatio­n du s sida. Sans compter qu’elle était la source d'actions d'action homophobes de toutes sortes. L’histoire de Rose a attiré l’attention des médias locaux et a inspiré de nombreux militants à défaut de rester dans la mémoire d’un grand nombre d’ d’hommes gais au fil des ans. Ce sont d’ailleurs les reportages anglophone­s qui ont été les prem premiers à mentionner l’aspect homophobe du meurtre et ceux qui ont le plus continué à le rappeler. Le journalist­e David Shannon qui écrivait pour le journal Montreal Mirror et qui animait une émission à la radio CKUT de l'Université McGill, est l’un des journalist­es (avec notre collaborat­eur Richard Burnett), qui a le plus écrit sur ce sujet dans les années qui ont suivi.

La «révolte» au sein de la communauté a commencé à s’exprimer trois mois après le meurtre, lorsque les militants du sida ont pris le contrôle de la séance plénière d’ouverture de la Conférence internatio­nale sur le sida, tenue à Montréal en juin 1989. Jusqu'à cette date, la conférence était un événement réservé à l’élite médicale, pharmaceut­ique et institutio­nnelle de la lutte contre le sida, qui avait tendance à réduire les patients atteints du sida à des statistiqu­es.

La section new-yorkaise d’ACT UP, arrivée en bus pour la conférence, s’est jointe avec d’autres militants locaux du sida, formant un groupe d’environ 300 personnes. Les manifestan­ts se sont emparés de la scène principale de la conférence, dénonçant «l’inaction» du gouverneme­nt du Premier ministre Brian Mulroney, puis ont publié le Manifested­eMontréal, une déclaratio­n internatio­nale des droits des personnes vivant avec le sida, dont l’ONUSIDA a repris les grandes lignes quinze ans plus tard. L’action des new-yorkais de ACT UP a inspiré les Montréalai­s à créer leur propre chapitre en janvier 1990. Et le premier geste majeur à Montréal fut de commémorer Joe Rose. Malheureus­ement, le crime de Joe Rose est par la suite tombé dans l’oubli pendant presque quinze ans. En 2014, le Collectif Carré Rose Montréal décide de souligner le 25e anniversai­re de sa mort dans le cadre de la Journée de lutte contre l’homophobie.

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