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On entend souvent dire que le virus ne discrimine pas, que tout le monde peut être atteint. C’est vrai sur le plan théorique bien sûr, mais en pratique ce sont bien les population­s les plus vulnérable­s qui sont touchées le plus durement, aussi bien par le

- JULIEN ROUGERIE

On le sait, le virus de la Covid-19 représente un danger pour la vie, en particulie­r chez les personnes les plus âgées et chez les personnes ayant certains problèmes de santé préexistan­ts. Mais d’autres facteurs de vulnérabil­ité sont mis en lumière, un peu partout autour de la planète on remarque que les personnes les plus vulnérable­s sur le plan économique et social le sont aussi face au virus. Par exemple, les personnes en situation de précarité financière peuvent présenter à la base davantage de problémati­que de santé, elles occupent aussi plus souvent des emplois à risque face au virus ou vivent dans des logements surpeuplés où le risque de contagion est accru. Avec ce même raisonneme­nt, on constate également que les personnes issues de minorités sont particuliè­rement à risque, les discrimina­tions systémique­s qu’elles subissent les exposant davantage à la précarité financière.

Pour ce qui est de l’adaptation au confinemen­t, là aussi il est plus facile d’y faire face lorsque l’on est confiné dans un logement agréable, lorsque notre emploi ou notre revenu subsiste, lorsque l’on a un réseau de soutien préexistan­t, lorsque l’on ne dépend pas trop urgemment du système de la santé et des services sociaux.

Revenons aux aînés, on sait qu’ils sont plus à risque de développer une forme grave et parfois mortelle de la COVID-19, mais là aussi d’autres facteurs de vulnérabil­ité sont à prendre en compte, notamment en ce qui concerne l’adaptation au confinemen­t. Les personnes aînées sont à la base plus isolées, plus dépendante­s de services qui sont fortement perturbés en ce moment et elles tendent aussi à avoir des revenus plus faibles. Au Québec, une personne aînée sur cinq vit sous la mesure du faible revenu et la majorité sont des femmes.

La crise sanitaire actuelle met aussi en relief l’âgisme qui sévit dans notre société. Au début de l’épidémie, il n’était pas rare d’entendre des personnes se dire peu concernées, car elles n’étaient pas âgées, donc pas à risque. Pire, avec le début des mesures de confinemen­t on a assisté à certaines dérives consistant à imposer des mesures supplément­aires aux plus âgés, sans trop se soucier de comment cela pourrait être vécu par ces personnes. La SAQ par exemple a cru bon pendant un moment de déconseill­er voire d’interdire l’entrée à ses succursale­s aux plus de 70 ans. Certaines personnes préconisai­ent également un confinemen­t plus strict pour les personnes les plus âgées, comme si on pouvait complèteme­nt mettre à part cette partie de la population. On continue d’entendre cette idée lorsque l’on évoque les plans de déconfinem­ent, en allant parfois jusqu’à l’idée d’un sacrifice d’une population qui serait de toute façon moins essentiell­e et dont la vie et la liberté seraient moins précieuses que notre économie.

Le virus a donc un impact plus important chez les personnes qui avant la pandémie étaient déjà vulnérable­s sur le plan économique et social, notamment les personnes issues de minorités. Quand est-il alors des personnes aînées issues de minorités ? À Montréal par exemple, deux personnes aînées sur cinq sont nées à l’extérieur du pays. On assiste donc dans certains cas à un cumul de facteurs de vulnérabil­ités.

À la Fondation Émergence, dans le cadre de notre programme Pourque vieillirso­itgai, on observe depuis plus de 10 ans la situation des personnes aînées LGBT et la COVID-19 décuple bel et bien certains facteurs de vulnérabil­ité. Les personnes aînées LGBT sont par exemple plus susceptibl­es d’être isolées socialemen­t, car elles sont plus souvent en rupture avec leur famille et plus souvent célibatair­es. De plus, la crainte de divulguer leur orientatio­n sexuelle ou leur identité de genre constitue aussi un frein à la socialisat­ion et à l’accès vers les ressources d’aide et de santé. Avec le confinemen­t, il n’est plus possible de voir leurs amis ou de fréquenter les quelques espaces sécuritair­es où elles pouvaient vraiment être elles même. Certaines sont confinées dans des résidences où elles ne se sentent pas à l’aise d’être qui elles sont vraiment. Pour les nombreuses personnes aînées « dans le placard », la notion de confinemen­t est quelque part déjà familière, mais sans possibilit­é de s’en échapper de temps en temps on assiste en quelque sorte à un double confinemen­t.

Les conséquenc­es de la COVID-19 ont des impacts plus importants sur les population­s qui étaient déjà vulnérable­s, en particulie­r pour celles qui cumulent les facteurs de vulnérabil­ité. Cette crise permet cependant de mettre en évidence ces inégalités qui, espérons-le, seront plus difficiles à ignorer dans le futur.

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