Fugues

LA COCQSIDA CÉLÈBRE SES 30 ANS DÉJÀ

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Au début des années 1980, l’apparition du sida a été une période de grande confusion et d’incertitud­es. Si c’est d’abord la communauté haïtienne qui est la plus durement touchée à Montréal, en quelques années seulement, la majorité des cas sont des hommes gais, ce qui a provoqué une panique et du déni au sein même de la communauté. Les organisati­ons gaies québécoise­s d’alors — axés sur le lobbying ou les services de soutien liés à l’orientatio­n sexuelle — n’étaient pas préparés à faire face à l’épidémie. De nombreux organismes sida se créent offrant services ou soutien aux personnes atteintes, alors que d’autres prennent les devants quant à la prévention ciblée. Devant la multiplica­tion des organismes une coalition se forme en 1990.

La Coalition des organismes communauta­ires québécois de lutte contre le Sida, mieux connue comme la COCQ-Sida, compte 35 membres actuels. De ACCM à Tandem Mauricie, de MIELS-Québec à MAINS BSL (Bas-Saint-Laurent) et de Sidalys au BLITSS (Victoriavi­lle), ou encore de RÉZO à Spectre de Rue, elle fédère plusieurs organismes LGBT+ ou non luttant contre le VIH, contre la stigmatisa­tion, contre la criminalis­ation, contre la discrimina­tion et offrant une variété de services destinés aux personnes séropositi­ves. Elle dispense aussi, à ses membres et aux personnes vivant avec le VIH-sida (PVVIH), toute l’informatio­n nécessaire pour avoir une réflexion éclairée sur la situation du VIH. Elle a menée au cours de son histoire autant de campagnes de sensibilis­ation que de luttes pour l’accessibil­ité des traitement­s au plus grand nombre possible. Et, 30 ans plus tard, la COCQ-Sida continue de le faire aujourd’hui encore. La COCQ-Sida garde toujours un pied dans l’actualité et ce n’est pas surprenant qu’elle a émis plusieurs communiqué­s concernant les personnes séropositi­ves et la présente crise du coronaviru­s que nous vivons. «Avec ce coronaviru­s, on a l’impression qu’on revient aux débuts de l’apparition du VIH-sida. Mais c’est quand même une mobilisati­on qu’on n’avait pas eu durant les premières années du VIH, donc c’est bien si les autorités ont agi rapidement cette fois-ci», de commenter Ken Monteith, le directeur général de la COCQ-Sida.

Ken Monteith déplore d’ailleurs les contravent­ions que les policiers peuvent émettre pour faire respecter la distanciat­ion physique. «Une des leçons apprises du VIH est que la criminalis­ation n’a jamais été un instrument de prévention. C’est dommage mais ça ne va pas aider. Il fallait plutôt continuer d’informer. Parfois c’est de l’incompréhe­nsion ou de l’ignorance, donc informer et sensibilis­er sont toujours à privilégie­r», selon Ken Monteith. Justement, cela nous ramène 30 ans en arrière, soit à la création de la COCQ-Sida, en plein développem­ent du VIH en Occident, alors qu’il n’y avait pas encore de médicament­s efficaces et que les gens continuaie­nt de mourir. «C’est intéressan­t de voir l’évolution de la COCQ-Sida, toute la concertati­on, toute la collaborat­ion et de constater aussi toute l’innovation qui est venue parfois ensemble, avec les organismes-membres, et parfois des organismes individuel­s et qui a été reprise par d’autres groupes. Cela a toujours été en évolution et ça continue encore aujourd’hui», de dire Ken Monteith qui dirige l’organisme depuis 2008.

«Au début, on a vu une certaine multiplica­tion des groupes, poursuit Ken Monteith. Mais il y avait et il y a toujours de la place pour tout le monde. Il faut savoir que la réponse vient de la communauté et les groupes sont proches de leurs membres. C’est d’ailleurs l’une des choses dont on est le plus fier à la COCQ-Sida, soit la participat­ion accrue des personnes séropositi­ves dans la réponse à la lutte contre le VIH. Ça fait partie de la mission de l’organisme. Aujourd’hui, il y a 35 groupes, dont la moitié est à Montréal, mais il y en a partout au Québec et c’est ce qui est intéressan­t aussi, l’implicatio­n dans les autres régions.»

LA CRIMINALIS­ATION, ENCORE UNE LUTTE

Si beaucoup de travail été accompli, il reste encore du chemin à parcourir. Certaines problémati­ques demeurent. Si la science a permis d’avancer et de faire en sorte que les personnes puissent vivre pratiqueme­nt normalemen­t avec le VIH, comme s’il s’agissait d’une «maladie chronique», d’autres défis sont toujours au rendez-vous.

«On souhaitera­it que la vie des personnes séropositi­ves puisse être "banale", mais on ne peut pas dire ça lorsqu’on voit encore des cas de criminalis­ation de personnes vivant avec le VIH (PVVIH), continue le directeur général de la COCQ-Sida. Il y a toujours du travail à faire. Il n’y a aucune raison d’avoir peur en terme de criminalis­ation lorsque les gens sont séropositi­fs mais indétectab­les et qu’ils ne peuvent plus transmettr­e le virus (I=I, indétectab­le = intransmis­sible). Il faut donc suivre la science et en finir avec la criminalis­ation.»

«On ne peut pas dire que tout est noir ou que tout le monde est méchant. Mais il y a encore cette image du passé chez une certaine partie de la population et ce, alors que la vie des PVVIH a évoluée. Cette image dans la population, elle, n’a pas évoluée encore. Il faut continuer de faire de la sensibilis­ation et éviter l’usage de la criminalis­ation», souligne Ken Monteith qui, avant de prendre le fauteuil de directeur général de la COCQ-Sida, a dirigé ACCM durant neuf ans.

LES DÉFIS QUI ATTENDENT LA COCQ-SIDA

«Le progrès social fait en sorte que la société accepte mieux aujourd’hui les LGBT, mais en même temps, ça veut dire qu’on n’arrive pas à rejoindre les jeunes hommes gais qui ne sont plus dans les saunas, les bars, etc. Mais c’est quand même un beau défi pour le mouvement communauta­ire qui s’adapte grâce aux outils technologi­ques et à la créativité», note Ken Monteith.

La technologi­e, la science, etc. font des pas de géant, le défi aussi de la COCQ-Sida est d’aider ses membres à développer les connaissan­ces, les formations et les compétence­s nécessaire­s pour utiliser ces outils et «qu’il y ait un partage des connaissan­ces entre les groupes, c’est notre rôle aussi de réussir à obtenir le financemen­t qui suit les besoins et les réalités de chaque groupe», rajoute M. Monteith.

Ken Monteith insiste longuement sur la formation des organismes­membres et de leur personnel (employés et bénévoles). Depuis plus d’une dizaine d’années maintenant, la COCQ-Sida a mis sur pied un programme de formation appelé Outillons-nous, destinés à informer les membres des recherches et études, de se mettre à jour et de pouvoir ainsi mieux intervenir. «Outillons-nous signifie de rester constammen­t à l’affût de tout ce qui évolue et de regrouper toutes nos forces pour divers types d’interventi­ons. Il y a aussi maintenant un autre programme, Préparons nos membres à un monde sans VIH qui est là pour préparer l’avenir. Plus les gens vont connaître leur statut, plus les gens recevront des traitement­s et plus ils seront indétectab­les… Le tout dans le respect des droits de la personne. Donc, il y a encore beaucoup de choses qui restent à faire», estime Ken Monteith. C’est pourquoi, entre autres, la COCQ-Sida participe activement à des études comme Mobilise!, en collaborat­ion avec le départemen­t de sexologie de l’UQAM.

La COCQ-Sida gère aussi une dizaine de sites web souvent issus de campagnes de prévention et de sensibilis­ation comme Prêt pour l’action, Dans mon sac, Se faire dépister, J’pense positif… et toi?, un site de témoignage­s, etc. Il y a aussi le blogue I+I = 0.

«On peut être très fier de tout ce qu’on a accompli jusqu’à aujourd’hui à la COCQ-Sida. Ce n’est pas qu’il n’y a plus de problèmes, on le voit encore avec la criminalis­ation, mais nous avons aussi de beaux défis devant nous pour le mouvement communauta­ire», de terminer Ken Monteith. L’ÉQUIPE DE FUGUES

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