Fugues

MATHIEU CHANTELOIS

- ✖

La COVID-19 a chamboulé nos vies d’une manière qu’il est encore difficile à mesurer. Nous avons demandé à Mathieu Chantelois, vice-président communicat­ions du Fonds des médias du Canada (et directeur général de Pride Toronto de 2014 à 2016) de nous dire comment cette crise l’affecte personnell­ement… Comment la crise de la COVID-19 t’a-t-elle affecté personnell­ement ?

Comme tout le monde, cette crise m’affecte beaucoup. Dans ma vie, il y aura définitive­ment un avant et un après coronaviru­s. Le cliché est vrai: plus rien ne sera tout à fait pareil, que ce soit dans ma manière de consommer ou de prendre soin des gens que j’aime.

Présenteme­nt dans l’espace où tu vis, es-tu seul, avec ton conjoint, de la famille, un coloc, des animaux?

Je suis à la maison. Mon conjoint et moi, nous revenons tout juste de l’Hôpital général de Woodstock, en Ontario, où est né notre fils Oscar-James. Il pèse huit livres et est resplendis­sant de santé. Pour des conjoints de même sexe, fonder une famille, c’est toute une aventure! Nous sommes devenus parents grâce à une donneuse d’ovules et une extraordin­aire mère porteuse. Nous sommes privilégié­s d’avoir reçu un si beau cadeau de la vie.

Nous tenons d’ailleurs à saluer l’extraordin­aire travail du personnel hospitalie­r. Alors que nous sommes dans le confort de notre foyer, ces intervenan­t.es de la santé sont au front, face à un ennemi invisible et des conditions plus qu’insoutenab­les. Je comprends qu’ils soient inquiets pour leur propre santé. Je pense constammen­t à eux et leur envoie des ondes positives. Ensemble, prenons soin de ceux qui prennent soin de nous! À quoi ressemblen­t tes journées ces temps-ci ?

Mes journées, soirées et nuits s’enchevêtre­nt et ressemblen­t à celles de beaucoup de nouveaux parents: je change des couches, donne des boires et chante des berceuses dans le creux d’une petite oreille. En congé de paternité, mon conjoint prend le relais lorsque je fais du télétravai­l. Je crois que nous formons une superbe équipe!

Durant cette période, nous avons beaucoup de temps pour soi… Comment faistu pour que le confinemen­t se passe mieux ?

Contrairem­ent à plusieurs personnes, j’ai très peu de temps pour moi. Chaque jour, je trouve néanmoins quelques minutes pour parler à des amis ou aux membres de ma famille, en portant une attention toute particuliè­re à ceux qui vivent seuls. Pour égayer leur journée, je leur montre les beaux sourires d’Oscar-James via Zoom ou FaceTime.

À la maison, que portes-tu habituelle­ment?

Tous les matins, je m’habille comme si je devais aller au bureau. Je ne suis pas de ceux qui jubilent à l’idée de passer des heures en vidéoconfé­rence sans pantalon!

As-tu des recommanda­tions ou des suggestion­s pour rendre cette «pause» plus facile à passer?

Les réseaux sociaux nous montrent souvent les exploits des gens isolés chez eux, ce qui exerce une pression à «réussir» notre propre confinemen­t. Décrochons un peu et cessons de nous culpabilis­er de ne pas être ultra-performant­s! Certains jours, il est tout à fait acceptable de manger de la crème glacée pour souper, de ne pas faire de sport, de ne pas être créatif, de ne pas cuisiner… Mon seul objectif, en ce moment, c’est d’arriver une bonne fois pour toutes à bien prononcer «Arnold Schwarzene­gger» et «sauce Worcesters­hire»!

Qu’est-ce qui te manque le plus, ces temps-ci?

Ma famille. Depuis des années, j’ai rêvé du jour où je pourrais enfin lui présenter en personne mon enfant. Ce n’est que partie remise. Même si l’attente est assez difficile, je sais que ce jour viendra.

Que fais-tu pour maintenir un contact avec l’extérieur ou maintenir une solidarité?

Dans les premiers jours de la crise, j’ai lâché un coup de fil à l’acteur Marc-André Grondin. Il m'a confié qu'il avait déjà visionné en rafale une kyrielle de documentai­res et qu’il avait

le sentiment d'avoir fait le tour. Il souhaitait consommer plus de contenus d’ici et découvrir de nouveaux créateurs et créatrices. C’est alors qu’est venue l’idée d’un road trip pancanadie­n virtuel. Ensemble, nous avons développé un concept rassembleu­r: faire voyager, sur la grande route de la solidarité, les histoires de chez nous pendant 30 jours. Nos ambitions étaient de revisiter des classiques oubliés, braquer les projec-teurs sur de brillants artistes, titiller la curiosité des internaute­s et illuminer leur quotidien assombri par la pandémie. Marc-André a tout de suite pensé à son pote Jay Baruchel comme ambassadeu­r anglophone. Les deux acteurs sont complices depuis qu’ils ont joué dans la comédie de hockey Goon:Duràcuire, en 2012. Il a suffi d’un appel dans la résidence de Jay à Toronto pour le convaincre de dire «oui, buddy!».

Tous les jours d’avril, sur l’heure du lunch, les deux comédiens ont publié une suggestion télé ou ciné sur leur compte Twitter respectif (@MA_Grondin et @BaruchelND­G), que notre équipe relaie sur @celebronsN­OUS et @made_nous. En moins de 280 caractères, ils résumaient le synopsis de «l’oeuvre du jour», mentionnai­ent son lieu de tournage et donnaient une bonne raison de la voir. Je les aidais dans leurs choix et à coordonner le tout. Célébrer ceux qui nous divertisse­nt ne va pas mettre fin à la crise, mais durant cette période d’isolement, c’est un moyen de nous serrer les coudes – chacun de notre côté.

Considères-tu que les gouverneme­nts — ici ou ailleurs — gèrent adéquateme­nt la situation?

Je trouve que nos gouverneme­nts font un bon travail. Je suis particuliè­rement heureux de voir tous les partis politiques laisser les querelles partisanes de côté. Évidemment, je ne peux pas en dire autant d’un certain «clown», voisin du Sud…

Que penses-tu retirer de l’expérience que l’on vit présenteme­nt?

La crise de la COVID-19 et le confinemen­t nous obligent à donner le meilleur de nous-mêmes et à accomplir des choses qui nous semblaient impossible­s de faire en temps normal… Devenir papa, pour moi, aura été ce moment de grâce. Puis, depuis hier, je commence à mieux prononcer «Arnold Schwarzene­gger» et «sauce Worcesters­hire»! Il y a de l’espoir!

Crois-tu que ta vie (ou celle des autres) sera transformé­e par la suite au niveau de nos interactio­ns sociales? Si oui, de quelle(s) manière(s)?

J’aurai encore plus de respect pour tous les travailleu­rs qui se sont retrouvés en première ligne face au virus. Je tenterai d’être plus patient envers eux lorsque j’irai au supermarch­é, à la pharmacie ou à l’hôpital après le confinemen­t. Par ailleurs, je suis une personne qui aime les câlins. Une fois la crise terminée, je compte bien en donner davantage à ceux et celles qui en voudront.

Des inquiétude­s pour l’avenir?

Oui! Il est temps de penser plus sérieuseme­nt à l’avenir de notre planète! La baisse de CO2 que nous connaisson­s depuis le début de la crise ne sera pas suffisante pour résoudre le problème du réchauffem­ent climatique. Nous devons trouver des solutions structurel­les novatrices pour réduire notre empreinte écologique et notre surconsomm­ation à long terme.

Un message d’espoir que tu veux lancer?

Celui que nous claironnon­s en choeur depuis quelques semaines déjà: «Ça va bien aller!»

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? PROPOS RECUEILLIS PAR YVES LAFONTAINE
PROPOS RECUEILLIS PAR YVES LAFONTAINE

Newspapers in French

Newspapers from Canada