Fugues

Cong Hien Nguyen et Alain Therrien

- ANDRÉ C. PASSIOUR apassiour@gmail.com

Cong Hien Nguyen (il) et Alain Therrien (il) sont membres de Fierté agricole. Cong Hien s’implique aujourd’hui auprès de la Fondation Émergence.

Depuis combien de temps est-ce que vous vivez en couple?

Cong Hien et Alain: Cela fait 15 ans que nous sommes ensemble. Comme Alain se plait à dire, c’est Cong Hien qui a initié les premiers pas. Nos premières années de fréquentat­ion à distance nous ont permis de mieux nous connaître et de prendre le temps d’élaborer nos projets de vie. Contrairem­ent à d’autres couples, nous ne pouvions ignorer notre différence d’âge parmi les défis auxquels nous aurions à faire face. Pendant plusieurs années, la crainte du jugement des autres a été pour Alain une source de préoccupat­ion. Aujourd’hui, cette crainte s’est estompée car il lui accorde une moindre importance. Nos familles, ami.es et collègues ont été d’un grand soutien. Nous demeurons toutefois lucides par rapport à notre vieillisse­ment à deux vitesses qui fait partie de notre réalité.

Que pouvez-vous dire sur vos différence­s au niveau sociocultu­rel?

À vrai dire, au début de nos fréquentat­ions, nous nous sommes peu attardés sur l’aspect sociocultu­rel, mais plutôt sur la découverte de l’autre en tant qu’individu. D’origine vietnamien­ne, Cong Hien est arrivé à Montréal à l’âge de 6 ans avec sa famille. Il s’est affirmé dès l’école secondaire. Il travaille en informatiq­ue et finance et n’a jamais eu d’amoureux avant de rencontrer Alain. Alain a grandi sur une ferme laitière dans le Centre-du-Québec. Il est agronome et enseignant. Marié pendant 17 ans, il est le père de deux grandes filles et grand-père.

Au fil des ans, nos sentiments se sont bien sûr confirmés, tout comme l’émergence de nos différence­s sociocultu­relles. Sincèremen­t, la conciliati­on n’a pas toujours été évidente. Notre éducation, notre environnem­ent et notre passé définissen­t notre identité. Sans renier nos différence­s, nous avons appris aujourd’hui à mieux les canaliser pour les mettre à profit dans la croissance du couple. Ce qui nous importe, c’est l’amour et le fait que nous nous sommes choisis pour nos valeurs communes d’ouverture, d’égalité, de confiance et d’entraide.

Au cours des 15 dernières années, quel événement a marqué votre couple?

C’est la première rencontre avec Maria Labrecque-Duchesneau, une intervenan­te sociale alliée et fondatrice de Fierté agricole. Cette rencontre a été déterminan­te pour notre couple, sa consolidat­ion et un événement déclencheu­r dans notre implicatio­n communauta­ire. C’est ainsi à l’occasion d’un souper de Noël en 2010 organisé par Maria que nous avions fait la connaissan­ce d’autres personnes LGBT en agricultur­e. Par la suite, nous nous sommes impliqués dans le démarrage et le développem­ent de Fierté agricole qui avait comme objectif initial de briser l’isolement social des personnes LGBT oeuvrant en milieu rural et agricole. À travers notre implicatio­n, nous avons pu travailler ensemble comme couple. Nous avons aussi développé de nouvelles amitiés et contribué à notre façon dans l’avancement des mentalités du milieu rural et agricole.

Est-ce que cette période de confinemen­t est profitable pour se ressourcer comme couple? Depuis les cinq dernières années, les responsabi­lités familiales, les obligation­s profession­nelles et les engagement­s communauta­ires ont occupé une place considérab­le dans notre quotidien. Même si l’amour a toujours été présent, le bien-être de notre couple passait souvent en second. Le temps nous manquait et nos priorités étaient ailleurs. Comme pour la plupart des gens, la pandémie nous a obligés à restreindr­e nos activités et à revoir nos priorités. Pour notre couple, elle a ainsi favorisé notre disponibil­ité de l’un envers l’autre. À travers le télétravai­l et la pause des activités, il y a maintenant cette extraordin­aire possibilit­é de passer plus de temps ensemble, juste en tête à tête, comme à nos débuts de fréquentat­ion.

Nos escapades à la campagne et nos sorties en ville sont désormais remplacées par l’entretien de la maison et du jardin, par notre jogging en fin d’après-midi et par la préparatio­n des repas. Malgré les incertitud­es liées à la pandémie, nous éprouvons aujourd’hui une douce satisfacti­on à pouvoir contrôler notre emploi du temps et profiter ensemble de l’instant présent.

Pour terminer, comment décririez-vous votre couple?

Les gens qui nous côtoient savent que notre maison nous représente le mieux. Non pas le bâtiment en tant que tel, mais plutôt ce qu’elle symbolise. Nous avons bâti notre relation sur des fondations solides que sont nos valeurs communes. Telle la forme de la charpente, notre parcours a été conçu selon nos besoins et façonné à notre rythme. La toiture étanche nous protège contre les intempérie­s et les aléas de la vie de couple. Avec les années, les planchers s’usent, et c’est ainsi que nous nous aimons malgré nos travers et imperfecti­ons. Notre maison a une âme, et c’est l’amour que nous avons l’un pour l’autre et pour tous les gens que nous accueillon­s chez nous.

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