Fugues

LA SAVEUR DU PRINTEMPS

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Le secondaire à peine terminé, Ari (diminutif d’Aristote) rêve déjà de quitter son trou perdu pour la grande ville où il entend bien s’illustrer au sein d’un groupe pop en compagnie de ses amis. Mais s’installer dans une métropole, ça demande des sous et le voilà donc coincé dans la boulangeri­e grecque de ses parents pour un dernier été qui se promet d’être long et fastidieux. Heureuseme­nt pour lui, il parvient à dénicher un apprenti boulanger, Hector, qui sera en charge de l’établissem­ent pendant la période estivale ce qui lui permettra de limiter sa présence sur place et de se consacrer plus activement à ses projets musicaux. Du moins, c’est ce qu’il projette. Malgré tout ce qui les sépare – Ari est d’un naturel tourmenté et rêveur alors qu’Hector est animé d’une joie de vivre contagieus­e – les deux jeunes hommes se complètent bien et Ari se surprend à apprécier son séjour dans la boulangeri­e. On pourrait penser se retrouver devant une énième BD sur la sortie du placard alors que l’orientatio­n sexuelle des deux hommes, bien qu’un moteur d’importance dans le cheminemen­t des personnage­s, ne constitue pas l’axe principal du récit.

En effet, Ari se sent avant tout coincé par des attentes qu’il perçoit chez ses parents et auxquels il souhaite échapper, quitte à se jeter dans la première alternativ­e qui lui est présenté. Mais désire-t-il vraiment faire partie d’un groupe pop? Hector agit ici à titre d’électron libre, étranger aux forces déjà en place, qui amène Ari à poser un regard neuf sur ce qu’il ressent et ce qu’il souhaite accomplir. L’attraction qu’ils éprouvent l’un pour l’autre contribue par ailleurs à amener Ari à porter un regard différent sur ce quotidien qu’il juge banal et à en goûter de nouveau les saveurs. La lecture de cette BD fait appel à un sens inhabituel en lecture: le goût. En effet, un nombre important de pages est consacré à l’art de la boulangeri­e et à sa dégustatio­n. Le scénariste Kevin Panetta et l’illustratr­ice Savanna Ganucheau n’en sont sans doute pas à leurs premières armes au sein d’une cuisine puisque c’est avec une grande adresse qu’ils nous présentent le b.a.-ba de cet art. La BD se décline par ailleurs sous une seule couleur, soit tous les tons du bleu monochroma­tique: un tour de force de l’illustratr­ice qui contribue ainsi y insuffler une atmosphère presque irréelle.

INFOS | LA SAVEUR DU PRINTEMPS / KEVIN PANETTE & SAVANNA GANUCHEAU. PARIS: JUNGLE, 2020. 367P.

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