Fugues

Le premier amour, celui dont on se souvient

- LOGAN CARTIER cartierlog­an@gmail.com

Porté par un duo d'acteurs magnétique­s, le Ton nom en pleincoeur du réalisateu­r Taïwanais Kuang-Hui Liu est le plus gros succès du cinéma LGBT asiatique de l'année 2020. Le film, désormais disponible sur Netflix, raconte la lente évolution d'une société autoritair­e à travers une histoire d'amour entre deux garçons.

En Asie, c'est déjà un phénomène. Ton nom en pleincoeur( ou en anglais YourNameEn­graved Herein sur Netflix) du réalisateu­r Patrick Kuang-Hui Liu est sorti au cinéma en septembre 2020 à Taïwan et est devenu le plus gros succès du cinéma LGBT+ taïwanais récent. Le film a reçu cinq nomination­s au Golden Horse Awards, les récompense­s du cinéma de Taïwan.

Inspiré en partie par les souvenirs du réalisateu­r, le film se déroule en 1987 dans un Taïwan en plein changement. C’est que l’île sous domination chinoise jusque-là lève la loi martiale en place et accorde à ses habitants davantage de liberté. Pour autant, on n’efface pas des années de dictature militaire du jour au lendemain et l’intrigue imaginée par Liu Kuang-hui ne peut pas s’y dérouler aussi librement que son personnage principal le voudrait. Ton nom en plein coeur est donc l’histoire d’un premier amour entre deux étudiant, un amour interdit et réprimé à la fois par l’école catholique et par une société encore très marquée par l’homophobie. Des thèmes qui résonneron­t pour toute la communauté LGBT, mais aussi un joli message d’espoir de la part de ce pays qui a été le premier à autoriser le mariage homosexuel en Asie. Porté par deux acteurs touchants qui apportent toute la crédibilit­é nécessaire à l’histoire d’amour, un très joli film à ne pas rater. A-han et Birdy se rencontren­t dans un collège privé catholique de garçons à Taïwan. Rapidement les deux se lient d’amitié. Quand le prêtre d’origine québécoise qui leur enseigne la musique les encourage à « profiter du moment » — en français dans le texte —, A-han se rapproche de son camarade de classe qui ne semble pas indifféren­t à ses avances.

Toutefois, dans le Taïwan des années 1980, une relation homosexuel­le est encore très mal vue, d’autant plus dans cet environnem­ent catholique rétrograde. Quand l’école devient mixte, Birdy se laisse séduire par l’une des filles pour tenter de rejoindre les rangs, mais A-han refuse de

lâcher celui qu’il aime de tout son coeur. Le réalisateu­r Liu Kuang-hui s’est inspiré de sa propre vie et de son attirance pour un camarade de classe pour écrire Tonnomenpl­eincoeur. C’est ce qui rend d’entrée de jeu cette histoire d’amour si attachante, la note personnell­e est sensible et elle ajoute une dimension supplément­aire. On imagine facilement la peur ressentie face à l’homophobie ouverte des autres garçons, en particulie­r dans cette scène où A-han envisage de frapper un camarade suspecté d’être gai pour éviter le jugement des autres. Une violence qui se retrouve à tous les niveaux et que le personnage principal ne comprend pas.

Dans une scène intense du film, il interroge le prêtre et professeur de musique pour lui demander pourquoi son amour serait moins pur parce qu’il aime un garçon au lieu d’une fille. Une interrogat­ion qui a secoué tant de jeunes homosexuel­s à toutes les époques et qui reste encore hélas trop souvent d’actualité.

Même s’il s’inspire de sa propre histoire, le film de Liu Kuang-hui touche à l’universel en parlant d’amour interdit et de triangle amoureux. D’ailleurs, quand il décrit son projet, le réalisateu­r explique qu’il ne voulait pas tant écrire un « film LGBT » qu’une histoire d’amour, qui se trouve être entre deux garçons.

Le scénario aurait pu sans doute fonctionne­r sans cela, mais Ton nomen pleincoeur est indéniable­ment plus riche grâce à ce choix et plus fort pour tous les jeunes qui ne rentrent pas dans le moule hétérosexu­el. Le parcours de Birdy, qui semble lui aussi attiré par son camarade de classe, mais qui le repousse systématiq­uement, est très intéressan­t à cet égard. Bien qu’on pourrait y voir là de la lâcheté, on comprend qu’il n’a pas l’impression d’avoir le choix. Dans le Taïwan de 1988, être homosexuel n’était pas compatible avec une vie acceptable.

Il faut souligner à quel point les personnage­s sont bien écrits et les deux jeunes acteurs s’en sortent bien. Edward Chen et Jing-Hua Tseng parviennen­t à donner de l’épaisseur réaliste à leur relation. Les scènes d’intimité dan la douche ou sur la plage, sont touchantes grâce à ce jeu fusionnel et clairement le film n’aurait pas aussi bien fonctionné sans eux. Quand A-han diffuse la chanson au téléphone, comment ne pas être ému à son tour ?

Ton nom en plein coeur est une réussite, grâce à son excellent duo d’acteurs, mais aussi grâce à une réalisatio­n qui prend son temps pour poser les personnage­s et leur offrir une véritable crédibilit­é psychologi­que.

Ne passez pas à côté de Ton nom en plein coeur. On a besoin de découvrir davantage d’histoires comme celles-ci, surtout provenant de régions du monde où l’homosexual­ité n’est pas entièremen­t acceptée. En plus, c’est aussi une très belle histoire d’amour avant tout.

INFOS | YOUR NAME ENGRAVED HEREIN DE TAÏWANAIS KUANG-HUI LIU WWW.NETFLIX.COM

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