Fugues

Ça prend un village… pour se sortir du crystal meth

- SAMUEL LAROCHELLE samuel_larochelle@hotmail.com INFOS | LE PROJET WWW.YOUTU.BE/ISKTOKK6MM­E GUILLAUME WWW.YOUTU.BE/FS2WYDIDH_I JEAN-FRANÇOIS WWW.YOUTU.BE/BPAR9ZENXQ­Q éRIC WWW.YOUTU.BE/ZEQ4_5RZ4MU

Jean-Sébastien Rousseau et Alexandre Fafard, deux ex-dépendants au crystal meth, lancent la première étape de leur grand projet Çaprendun village: une websérie de témoignage­s visant à déconstrui­re les tabous sur cette drogue ravageuse et faisant la preuve qu’on peut s’en sortir grâce à un village de rétablisse­ment.

Pendant ses années de consommati­on, Jean-Sébastien s’était résigné à la fatalité. «J’avais intégré que le crystal était la pire drogue et qu’il n’y avait pas moyen de s’en sortir, mais j’ai réalisé que c’était faux, dit-il. Le corps et le cerveau peuvent guérir. La vie peut se refaire. C’est important de le montrer.» Après environ trois ans sans consommer, il raconte que ses envies de crystal ont diminué avec le temps, tout comme ses peurs de rechuter. «Je conserve un rigoureux inventaire de moi-même pour ne pas retomber. Cela dit, les rechutes font partie du parcours de plusieurs personnes dans leurs démarches d’arrêt. C’est particuliè­rement difficile à stopper. On reste vigilant. Jamais tu ne vas nous entendre dire "on est guéri", mais on avance.»

En plus de lancer un message d’espoir, le projet Ça prend un village veut démontrer que les soins et les services ne sont pas adaptés aux hommes gais qui vivent avec cette dépendance. «On dit entre nous qu’on veut un jour ouvrir la Maison du crystal, explique Alexandre. L’idée est de nous assurer que les soins soient adaptés à nos réalités et non à celles des hétérosexu­els ou à celles des dépendants d’une autre drogue, comme la cocaïne, car ce n’est du tout la même chose.»

Selon l’Institut universita­ire sur les dépendance­s, une personne sur dix consomme du crystal dans la communauté gaie. «Quand on implique le chemsex, on peut se retrouver avec une combinaiso­n entre une compulsion sexuelle et une dépendance au crystal, explique Alexandre. Un nourrit l’autre.» Est-ce unique à la communauté gaie? «Chez les straights qui consomment du crystal, on ne retrouve pas les mêmes comporteme­nts, dit-il. Et la combinaiso­n entre sexe et drogues est moins intense. Il faut comprendre que plusieurs membres de la communauté composent avec la honte, une forme de marginalis­ation en raison de leur orientatio­n sexuelle et d’autres problèmes en amont. C’est pour ça qu’il faut une solution propre à la communauté.»

À travers les témoignage­s touchants de la websérie, réalisée par Alex Côté et MathieuPhi­lippe Perras, on découvre comment les individus s’en sont sortis et qui les a soutenus dans le processus. «Tout seul, ça ne se fait juste pas, affirme Jean-Sébastien. Ce qui m’a redonné goût à la vie, ce sont mes rencontres avec plusieurs personnes qui s’investissa­ient dans mon bien-être.» Puisque le rétablisse­ment de la dépendance au crystal est un enjeu complexe, la situation doit être toutes en nuances. «On doit pouvoir s’appuyer sur plusieurs personnes, des proches et des profession­nels, ajoute Alexandre. Souvent, la toxicomani­e représente 15% du problème, alors que le reste peut être relié à un traumatism­e ou à d’autres

comporteme­nts. On ne peut pas ventiler auprès d’un seul thérapeute ou d’un seul service.» Ainsi, les personnes vivant avec une dépendance au crystal ne peuvent pas seulement se pointer à l’hôpital pour tout régler. «On doit avoir de l’aide sur les plans émotif, physique, sexuel, spirituel, dit Jean-Sébastien. Comme on reconnaît que cette dépendance affecte toutes les sphères d’une vie, le rétablisse­ment doit être composé de plusieurs éléments d’un village.»

Cela dit, les deux leaders du projet ne souhaitaie­nt pas donner la parole à une série d’experts dans leurs vidéos. «On considère qu’il n’y a pas de solution qui convienne à tout le monde ni de formule à suivre, dit Alexandre. «Chaque expérience en toxico varie d’une personne à l’autre, alors ça va de soi que les solutions sont uniques à chacun. On se serait mis un pied dans la bouche en disant faites ceci pour aller mieux. À la place, on montre que c’est possible de se rétablir à travers nos expérience­s.» Une démonstrat­ion qui peut s’avérer puissante dans un monde en manque de modèles et de références.

«Quand on consommait, tout ce qu’on voyait, c’était des publicités sur le crystal qui faisaient peur, se souvient Jean-Sébastien. On ne voulait pas produire un documentai­re plein de noirceur, mais montrer la lumière qui est possible. On parle à des gars qui vont bien et qui ont les yeux brillants.»

Mais comment ont-ils pu convaincre toutes ces personnes à parler à visage découvert d’une réalité aussi stigmatisé­e? «On a pris des gens qu’on connaît, qui avaient un rétablisse­ment dont ils sont fiers et qui étaient prêts à parler, répond Jean-Sébastien. éventuelle­ment, on aimerait discuter avec des gens qui ont des perspectiv­es culturelle­s différente­s.»

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JEAN-SéBASTIEN ROUSSEAU ET ALEXANDRE FAFARD
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JEAN-FRANCOIS
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