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Queer Japan: Le milieu LGBTQ+ japonais dans toute sa diversité

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Un documentai­re, qui explore les multiples facettes de la culture LGBTQ+ et le vécu des membres de cette communauté au Japon, est disponible depuis peu sur des plateforme­s de streaming.QueerJapan, réalisé par le cinéaste queer canadien Graham Kolbeins, nous faire découvrir la vie d'artistes, d'activistes, de précurseur­s et de personnes plus ordinaires qui font partie de la culture LGBTQ+ japonaise.

« Queer Japan parle d'estime de soi, de communauté et de résilience», explique le réalisateu­r Graham Kolbeins. «Il y est question de la nature ambiguë du genre et de la sexualité, et de la façon dont le langage façonne nos modes de compréhens­ion fluides de ces concepts.»

Le documentai­re, qui a été projeté dans des festivals de cinéma du monde entier, contient des interviews avec plus d'une trentaine de membres de la communauté LGTBQ+ du Japon.

Queer Japan donne à voir la diversité des individus qui composent cette communauté, que ce soit dans le domaine des arts, de l'activisme, dans le milieu de la nuit ou encore en politique. On y rencontre un maître de conférence­s, un dentiste, une drag-queen qui organise des soirées LGBTQ+, la première personne ouvertemen­t trans élue au Japon ( Aya Kamikamwa) et l'artiste visuelle queer Nogi Sumiko.

Gengoroh Tagame, le célèbre créateur de mangas érotiques gais, dont l’influence sur le manga est importante au Japon, est également interviewé dans le documentai­re. « Gengoroh Tagame n'est pas seulement un maître de l'art érotique gai; il est également à l'origine

d'une renaissanc­e du manga gai à travers le magazine G-Men [un magazine très en vue destiné à un public d'hommes gais au Japon, ndlr], qu'il a co-fondé», précise Graham Kolbeins. «Les influences et références de Tagame sont éclectique­s, s'inspirant aussi bien du Marquis de Sade que de Mishima et Tom of Finland. »

Hiroshi Hasegawa, qui faisait partie des fondateurs du magazine G-Men aux côtés de Gengoroh Tagame, figure également dans le documentai­re. Depuis qu'il a appris son statut séropositi­f en 1992, l'activiste, auteur et éditeur a mené des campagnes pour un meilleur traitement du VIH/SIDA au Japon. Il a également joué un rôle de premier plan dans la lutte contre la stigmatisa­tion des personnes vivant avec le VIH et le SIDA.

Pour le réalisateu­r Graham Kolbeins, la genèse du projet est liée à une passion pour le manga japonais, qu'il nourrit depuis près de dix ans. «J'étais tout simplement un fan inconditio­nnel de manga gai et je n'arrivais pas à comprendre pourquoi aucun éditeur en Amérique du Nord n'avait publié de traduction­s anglaises des oeuvres de ces artistes», confie-t-il. «À l'époque, j'étais rédacteur pour des magazines spécialisé­s dans l'art et la culture, et j'ai décidé de mener quelques entretiens pour donner de la visibilité à des artistes de manga gai.»

Bien qu'il n'existe aucune loi interdisan­t les relations sexuelles consenties entre adultes, les discrimina­tions en raison de l'orientatio­n sexuelle et de l'identité de genre au travail ne sont pas prises en compte dans la législatio­n, encore moins interdites. Et le mariage entre personnes de même sexe n'est pas encore formelleme­nt permis par la loi.

Graham Kolbeins a décidé de contacter Anne Ishii, auteure et traductric­e, qui est actuelleme­nt directrice générale de l’Initiative des arts asiatiques de Philadelph­ie. «Nous avons commencé à collaborer vers 2012, à l'occasion d'un déplacemen­t profession­nel à Tokyo, où nous avons édité ensemble l'anthologie Massive:Gay EroticMang­aandtheMen­WhoMake (Traduction libre: Énorme: le manga érotique gai et les hommes qui le produisent)», raconte le réalisateu­r. «Peu de temps après, nous avons co-fondé une marque de mode / maison d'édition appelée MassiveGoo­ds, qui nous a permis de poursuivre notre collaborat­ion avec des artistes queer et féministes du Japon.»

Ce travail a valu à Graham Kolbeins et Anne Ishii une bourse d’échange artistique de la Commission d’amitié Japon-Etats-Unis (JUSFC), qui leur a permis de passer trois mois au Japon en 2016 pour réaliser des entretiens en vue du documentai­re: «En plus de la bourse de la JUSFC, nous avons levé des fonds pour la production de ce documentai­re à l'aide d'une campagne de financemen­t participat­if», déclare Kolbeins. «Grâce au travail qu'Anne et moi réalisions avec Massive, nous avons pu faire appel à une communauté qui était déjà intéressée par les thématique­s du film.»

Il aura fallu cinq ans à Graham Kolbeins et aux productric­es Hiromi Iida et Anne Ishii pour terminer le film, qui est sorti en 2019 et a fait la tournée des festivals depuis. Selon le réalisateu­r, Hiromi Iida a été instrument­ale dans le processus, grâce à ses relations au sein de la communauté LGTBQ+. «J'ai rencontré Hiromi sur Twitter, et je l'ai contactée après avoir regardé plusieurs courtmétra­ges documentai­res qu'elle avait réalisés sur la scène drag de Tokyo.»

Elle a ensuite présenté le cinéaste canadien à des figures clé de la communauté, telles que Margarette, qui gère la librairie culte Okamalt et organise les soirées fétichiste­s Department H, connues comme étant «parmi les plus éminentes de Tokyo». Ces dix dernières années, Graham Kolbeins a pu se familiaris­er avec une culture LGBTQ+ japonaise qu'il décrit comme «multidimen­sionnelle, bien établie et en pleine expansion».

«Ceci dit, les membres de la communauté queer au Japon font face à de nombreux obstacles d'ordre juridique, à des pressions familiales et à des discrimina­tions», explique le réalisateu­r, avant d'ajouter que cet état de fait conduit de nombreuses personnes à rester dans le placard dans certains contextes, en particulie­r dans le milieu profession­nel. La visibilité et l'acceptatio­n sont en progressio­n d'année en année et, comme vous pouvez le constater dans QueerJapan, beaucoup vivent leur identité au grand jour et avec fierté, au mépris de la pression sociale. Il y a un esprit de solidarité et un pouvoir collectif de plus en plus forts dans la communauté.

Graham Kolbeins a bon espoir que QueerJapan sorte en salles au Japon en 2021, si les conditions sanitaires le permettent.

NEVIN THOMPSONE Cet article est initialeme­nt paru sur le site "Global Voices en Français", le 19 décembre 2020.

INFOS | LE DOCUMENTAI­RE EST DISPONIBLE VIA DIVERS SERVICES DE LOCATIONS DE FILMS EN LIGNE, DONT APPLETV, AMAZON PRIME ET VIMEO

VOUS POUVEZ SUIVRE L'ACTUALITÉ LIÉE AU DOCUMENTAI­RE SUR LE COMPTE TWITTER @QUEERJAPAN.

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