Fugues

Nicholas Dawson à Metropolis Bleu

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Nous sommes habités par différente­s identités. Elles sont mouvantes, elles nous construise­nt comme elles déterminen­t notre façon d'être, soi-même et aux autres. Et contrairem­ent à celles et ceux qui nous figent dans l'une d'entre elles, ils et elles oublient que nos identités évoluent et surtout interagiss­ent entre elles. Les maladies viennent aussi en rajouter et nous réduisent parfois au mal qui nous rongent. Et une particular­ité de nousmêmes finit par nous définir totalement. Nicholas Dawson avec Désormais, mademeure décrit les fluctuatio­ns et les contours mouvants, parfois nets, parfois invisibles de la dépression. Le festival Metropolis Bleu 2021 ne s'y est pas trompé et a reconnu le talent de Nicholas Dawson. On lui remettra le Prix de la diversité (à la BAnQ) pour cet ouvrage.

Pour celles et ceux qui ne connaissen­t pas Metropolis Bleu est un festival internatio­nal littéraire créé par trois femmes en 1997, avec comme seule mission, «rassembler des gens de différente­s cultures pour partager le plaisir de lire et d'écrire». La première édition de Metropolis a lieu en 1999. Un événement couru par tous les amoureux et toutes les amoureuses de la lecture pour participer à des rencontres avec les autrices et les auteurs invité.es. Bien évidemment, pour cause de pandémie, l'édition de 2020 a été annulée, et les organisate­urs-trices souhaitent pour cette année une édition ouverte au public tout en respectant les mesures sanitaires.

Non seulement, Nicholas Dawson recevra un prix, mais il a conçu dans le cadre du festival un circuit déambulato­ire littéraire dans le Village gai (en podcast) sous le thème de «Tensions+Intersecti­on». Parmi les écrivain.es qui liront des textes à différente­s places du Village gai, on retrouve bien évidement Nicholas Dawson, Kama La Mackerel, Jean-Paul Daoust, Marie-Claude Garneau et Eli Tareq El-Bechelany-Lynch.

«Je n'ai pas encore choisi l'endroit où je ferai le podcast, mais il y a plusieurs places dans le Village qui peuvent être des sources d'inspiratio­n, explique Nicholas Dawson en entrevue, et le thème «Tensions+Intersecti­on» m'est venu parce que nous entretenon­s souvent une relation amour/haine avec le Village. Il présente de nombreux visages qui contrasten­t, entre les nouveaux commerces, les vieux commerces, et les commerces fermés, tout comme la population qui le fréquente, les résidents du quartier, les touristes, les itinérants. Donc, il y a un mélange dans le type de boutiques et d'établissem­ents, un mélange de population, on est dans l'intersecti­on, ce qui provoque parfois des conflits et des tensions entre ces différents groupes». Nicholas Dawson a donc demandé à des écrivain.es d'horizons différents

qui ont comme seul point commun d'appartenir à l'une des lettres du sigle LGBTQ2S+ et qui s'approprier­ont le temps d'une lecture un coin de la rue Ste-Catherine dans le Village.

Pour l'artiste multidisci­plinaire, l'intersecti­onnalité le touche particuliè­rement, entre autres, la question de l'homosexual­ité et du racisme quand on est une personne qui vient d'ailleurs. Né au Chili mais élevé dès son plus jeune âge au Québec, Nicholas Dawson a tôt fait de se rendre compte que ses origines chiliennes revenaient souvent dans les conversati­ons que les autres avaient sur lui-même si une très grande partie de son éducation se faisait au Québec. «Très jeune, j'avais un peu honte de mes origines, que je connaissai­s pas très bien d'ailleurs, mais qui était le prisme à travers lequel j'étais toujours perçu, comme quelqu'un venant d'ailleurs, confie Nicholas, et il faudra que je parte au Chili pour une réappropri­ation de mon histoire, découvrir ce qu'avait vraiment vécu ma famille sous la dictature de Pinochet et qui avait motivé mon père, syndicalis­te, à s'exiler au Canada».

Nicholas Dawson se construit au croisement de deux cultures mais aussi avec son orientatio­n sexuelle. Et puis, il y a quelques années, un événement dont il n'explique pas l'origine bouscule son univers. Il vit une dépression sévère. «Une véritable chute, je ne quittais plus ma chambre, je restais des heures à regarder le plafond, se rappelle-t-il. La seule chose que j'arrivais à faire, c'était de prendre des photos des parties de ma chambre, un coin du plafond, un morceau de fenêtre, en-dessous de mon lit». La photograph­ie a toujours fait partie des formes d'expression privilégié­es du jeune homme.

Avec Désormais ma demeure, c'est un voyage au centre de ses réflexions nées de cette période très particuliè­re où l'on vit difficilem­ent quelque chose qui, comme il le dit, nous dépasse. «Je voulais trouver une forme qui rende compte de cet effet de dépassemen­t, de ne plus vraiment contrôler. En un sens ce livre est inclassabl­e, car les chapitres peuvent prendre une forme différente, essai, poésie, photo, et rendre compte ainsi de la pluralité des émotions et des sensations qui naissent en nous quand on vit une dépression, continue Nicholas Dawson, et donc encore de jouer sur l'intersecti­on car il n'y a rien de cloisonné ou de statique dans nos vies, les identités bougent et se confronten­t en nous».

Dans ce voyage au coeur de lui-même et dans ce qu'il nous en livre, Nicholas Dawson nous raconte simplement le voyage au centre des parties les plus noires de lui-même, sans exhibition­nisme, sans apitoiemen­t, sans émotion racoleuse. Un exercice certes déroutant et douloureux mais, qui sait, peut-être pour mieux appréhende­r l'avenir. ✖ DENIS-DANIEL BOULLÉ denisdanie­lster@gmail.com

INFOS | METROPOLIS BLEU DU 24 AVRIL AU 2 MAI 2021 WWW.METROPOLIS­BLEU.ORG

DÉSORMAIS, MA DEMEURE, NICHOLAS DAWSON, ÉDITIONS TRIPTYQUE (QUEER), 2020.

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