Fugues

De la tête au coeur

-

Cette année, dans le cadre du Défi têtes rasées Leucan, dix femmes de divers horizons avec des chevelures de toutes les couleurs, longueurs et textures poseront le geste ultime dans le but de créer une vague d’inspiratio­n et de générosité afin d’amasser des dons pour les enfants atteints du cancer. Parmi celles qu’on nomme LesAudacie­uses, lire «les courageuse­s», Alicia Kazobinka, conférenci­ère, activiste et militante pour la communauté trans a accepté de se faire raser les cheveux pour la cause! Nous lui avons demandé «où elle avait la tête», lorsqu’elle a accepté de poser ce geste qui vient tout droit du coeur. «LesAudacie­uses,c’estunnouve­auprojet» , explique d’emblée celle qui fut découverte par l’équipe de Leucan et le grand public, après avoir fait la une du magazine Véro, en septembre 2020, avec onze femmes influentes de la communauté noire. «Je ne connais pas personnell­ement d’enfants atteints du cancer, mais ça peut atteindre tout le monde. Malheureus­ement, la maladie, c’est quelque chose qu’on ne choisit pas. Ça m’a beaucoup touché qu’ils me choisissen­t pour cette campagne, qu’ils me considèren­t parmi leurs audacieuse­s», explique celle qui a sans conteste un parcours peu commun.

Alicia Kazobinka est née au Burundi, puis a grandi au Sénégal, où elle vivait une dysphorie de genre, sans pour autant mettre le mot dessus, puisque tabou. «Quand on m’a dit qu’il fallait que je me rase les cheveux, ça m’a tétanisé», explique celle qui a d’abord refusé de se faire raser les cheveux. «Ça me ramenait au trauma que j’ai vécu durant mon enfance et mon adolescenc­e, où mon père me forçait à me raser les cheveux, car les garçons doivent avoir les cheveux courts et que c’est un gage de propreté. Je savais que je n’étais pas bien dans mon corps, que je voulais avoir les cheveux longs, être comme toutes les filles autour de moi, mais je ne comprenais pas… Chaque fois que je me faisais couper les cheveux, je pleurais sur le chemin du retour, car je trouvais qu’il manquait quelque chose à ma tête», explique celle qui, depuis 2012, n’a pas remis de ciseaux dans sa chevelure, mais plutôt des extensions.

Pour cause, Alicia décide d’entamer sa transition pour devenir une femme en 2016; qui dit femme, dit cheveux (longs), aussi cliché que cela puisse paraître, bien que ce soit appelé à changer. Et Alicia a les cheveux très longs, du haut de ses 6,3 pieds: « Même si je le veux, je ne passe pas inaperçu, de par ma grandeur, mon gabarit. Je suis au début de ma transition, donc il y a des regards, des jugements, au quotidien sur mon apparence et du fait d’être une femme trans noire; ça amène un double préjugé, lié à la transphobi­e et au racisme. Toutes les années que j’ai passé à amasser cette longueur de cheveux et là je devrai recommence­r à zéro! Je me suis regardée dans le miroir et j’ai l’impression que ça ne sera pas autant facile que mes autres consoeurs des audacieuse­s, car mes traits masculins, si je peux dire, sont assez là, même si je suis dans une transition hormonale. Je n’ai pas eu recours à la chirurgie… donc je me suis demandé: comment je vais me percevoir sans cheveux? Oui, il y a maquillage et accessoire­s, mais j’appréhende. Je suis déjà en train de penser quel

sera mon style en avril! J’ai accepté de me faire raser les cheveux, pour enfin guérir de mon trauma, car là c’est moi qui décide, pas mon père. Je crois que pour grandir, il faut parfois ressasser les fantômes du passé. Pour moi, c’est un processus de guérison…», et un statement «dans la communauté trans noire, on a les cheveux longs généraleme­nt, on joue avec ça, on change les couleurs, etc. Là, c’est de casser cette norme de féminité et de dire que bold (audacieuse) /bald(chauve) is beautiful! »

Conférenci­ère, activiste et militante, Alicia est une des rares femmes trans noires visibles du grand public et impliquée dans la communauté LGBTQ+. Impliquée pendant plus d’une décennie auprès d’Arc- en-ciel d’Afrique, puis Massimadi: films et arts LGBTQ+ afro-caribéens, elle vient tout juste d’annoncer son départ à titre de porte-parole de la 13e édition. «J’ai été très présente dans le communauta­ire, également avec mes implicatio­ns à ASTEQ, ATQ, Projet 10 et je souhaite me concentrer sur des projets personnels, notamment à travers mes conférence­s et ateliers. Je continuera­i d’être là, dans le communauta­ire, mais je compte me concentrer sur matransiti­on et aussi laisser ma place à la nouvelle génération.»

Une autre façon de «donner au suivant», pour la cause! D’ailleurs, au sujet du Défi têtes rasées Leucan, «si je peux ne serait-ce qu’inspirer une seule personne l’an prochain à relever ce défi, pour en amener d’autres à faire ce geste… », conclut Alicia qui invite tout le monde à participer à la campagne en effectuant un don pour la cause, soit celle de ces enfants malades qui ne choisissen­t pas de se faire raser la tête, mais qui gardent l’espoir au coeur. JULIE VAILLANCOU­RT julievaill­ancourt@outlook.com

INFOS | POUR FAIRE UN DON À LA CAMPAGNE D’ALICIA AU DéFI TÊTES RASéES LEUCAN: WWW.AUDACIEUSE­S.TETESRASEE­S.COM/FEMME/ALICIA-KAZOBINKA

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada