Fugues

MAISONS CLOSES = BROTHELS

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Nicole Canet compte déjà à son actif plusieurs ouvrages magnifique­s sur le thème de la prostituti­on au 19e siècle, tant au niveau iconograph­ique que de l’abondance des informatio­ns qu’on y retrouve. L’accent est bien souvent porté sur le commerce du corps masculin, à l’exception d’un ouvrage du même titre publié en 2009 et épuisé depuis belle lurette.

Malgré des titres identiques, il ne faudrait cependant pas voir dans cet ouvrage qu’une édition revue et augmentée du document de 2009, tout au contraire! En effet, cette nouvelle mouture compte dorénavant près de 475 pages et, à l’exception de deux illustrati­ons, les textes et les quelques 300 reproducti­ons de dessins, peintures, photograph­ies et objets sont ici révélées pour la toute première fois.

La publicatio­n couvre la période 1860 à 1946 et c’est à travers de somptueux et souvent très rares éléments iconograph­iques que se révèle la charpente contextuel­le de cette histoire des maisons closes parisienne­s, des travailleu­ses du sexe qui y opéraient et de leurs clientèles. Bien que relativeme­nt concis, le cadre historique est bien planté et c’est à travers plus de de toutes sortes que la réalité de ces lieux et de ces femmes y est révélée. L’ouvrage se décline en différents chapitres qui invitent à une découverte progressiv­e des maisons de tolérance : les courtisane­s elles-mêmes, les lieux de travail, les pensionnai­res (résidant sur place) et la réalité des filles de rue, les proxénètes, le phénomène des tableaux vivants (mises en scène élaborées, dont quelques rares clichés ont survécu, destinées à stimuler la fantasmati­que des clients) de même que les débuts de la photograph­ie porno (appelée « porno Belle époque »).

L’ouvrage se penche également sur différente­s offres plus personnali­sées : les jolies fumeuses, les pisseuses, le fétichisme des bottes et des corsets, le sadomasoch­isme et une dernière qui étonne et fait sourire : les mises en scène antireligi­euses. également abordés, à mi-chemin de l’ouvrage, les jeux lesbiens, qui représenta­ient le fantasme le plus prisé par la clientèle. à ce sujet, il faut noter que les pratiques lesbiennes n’étaient autorisées dans les bordels qu’à la demande d’un client. Pour le reste, elles étaient formelleme­nt proscrites. Dans les photograph­ies de cette période, il est ainsi difficile de départager ce qui relève d’une démarche marketing orientée vers la gent masculine et ce qui prend naissance dans des sentiments véritables. Certains regards énamourés, croqués sur le vif, laissent cependant songeur. Il serait facile de tomber dans le mythe de la pute au coeur d’or et d’ériger une constructi­on romantique autour des maisons closes, mais l’auteure insiste au contraire sur les conditions difficiles des travailleu­ses du sexe.

Une citation extraite du catalogue d’une exposition du Musée d’Orsay est particuliè­rement évocatrice : « Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée ». Et c’est justement ce tour de force auquel parvient Nicole Canet : dévoiler au lecteur ce qui se cache derrière ces fenêtres voilées.

Une publicatio­n d’une qualité impression­nante, limitée à 800 exemplaire­s numérotés à la main. Les textes sont présentés en français et en anglais : www.aubonheurd­ujour.net

INFOS | MAISONS CLOSES = BROTHELS / NICOLE CANET. PARIS : AU BONHEUR DU JOUR, 471P.

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