Fugues

Moe Hamandi

- SAMUEL LAROCHELLE samuel_larochelle@hotmail.com INFOS | FIERTEMTL.COM

À l’été 2016, Moe Hamandi a été victime d’une agression homophobe dans un autobus de nuit montréalai­s. Bien décidé à ne pas laisser la violence le réduire au silence, il a fait son coming-out sur la scène de Fierté Montréal en août du même été, avant de contacter ses parents, qui vivent toujours au Liban, pour leur en parler. Cinq ans plus tard, le voici plus impliqué que jamais dans le mouvement LGBTQ+ en tant que nouveau vice-président de Fierté Montréal.

L’été suivant ton coming-out, en août 2017, tu as organisé et animé un méga spectacle rassemblan­t 65 artistes sur la scène de Fierté Montréal, au Parc Émilie-Gamelin. Comment as-tu réussi ça?

Je sentais que la diversité culturelle n’était pas assez présente dans la programmat­ion de Fierté Montréal, même si les spectacles étaient très diversifié­s. J’ai donc contacté JeanFranço­is Guèvremont, alias Rita Baga, qui s’occupait de la programmat­ion, pour lui proposer de rassembler une multitude d’artistes LGBTQ+ et d’allié.es issues des communauté­s culturelle­s. Je n’avais alors personne de booké. Jean-François m’a demandé comment le show allait s’appeler, alors j’ai pensé au 375e anniversai­re de Montréal, à la cité de la diversité, et j’ai sorti tout bonnement Ethnicité. Il m’a alors annoncé qu’un spectacle venait d’être annulé et que je l’avais convaincu! Il m’a ensuite donné un budget et laissé carte blanche pour tout monter! Heureuseme­nt qu’il connaissai­t mon parcours profession­nel. Il savait à qui il avait affaire.

Parlons de ton cheminemen­t. Tu as 31 ans. Tu es né à Beyrouth, au Liban. Quelles études as-tu faites là-bas?

J’ai étudié à l’Université Saint-Joseph, un bac en sciences économique­s. C’était l’un des campus les plus politisés, impliqués et engagés dans la société au pays. Je faisais d’ailleurs partie de plusieurs comités à l’école, en plus de suivre des cours de théâtre et de chant. Je jonglais entre l’artistique, le politique, le social et l’économique.

Quand et pourquoi as-tu choisi d’immigrer au Canada?

J’ai emménagé ici en 2009-2010, mais je dis toujours que je n’ai pas choisi le Canada. À la base, je voulais partir en France avec mon ex-copain franco-libanais. J’avais rempli tous mes documents en ligne. Par contre, ma soeur habitait à Montréal depuis très longtemps et elle avait entamé des procédures de parrainage familial. Quand j’ai reçu la résidence permanente en 2009, ça a été un choc pour moi! Mes plans venaient de changer complèteme­nt. Au lieu de partir vers l’Europe, j’ai fait ma valise pour l’Amérique du Nord.

Quelles ont été tes premières impression­s?

À mon arrivée, je n’étais pas content. Je ne voulais parler à personne. J’ai mis du temps avant d’accepter d’être ici, d’aller vers les gens et d’apprendre à connaître la culture locale. À l’époque, dans les pays arabes, on entendait parler du Québec comme d’un endroit anglophone. Ma soeur était la seule qui contredisa­it ça puisqu’elle connaissai­t bien la ville. Moi, je n’avais pas une grande connaissan­ce de la francophon­ie québécoise.

Tu as poursuivi tes études à l’Université de Montréal. Sur quoi portait ton mémoire de maîtrise?

Sur l’influence des croyances religieuse­s sur le développem­ent économique et l’identité sociocultu­relle des différente­s communauté­s libanaises à Montréal et à Beyrouth. J’ai pris des échantillo­ns parmi les musulmans, les chrétiens, les chiites et les sunnites pour voir à quel point la religion avait un impact sur leurs valeurs et leurs comporteme­nts économique­s. Dans le cadre de mon mémoire, j’ai d’ailleurs réalisé une entrevue à la radio Moyen-Orient de Montréal, où j’ai ensuite eu mon premier emploi québécois.

Quelles ont été tes autres expérience­s profession­nelles?

Pendant environ trois ans, j’ai fait de la figuration sur des plateaux de tournage, de l’organisati­on d’activités de théâtre avec des jeunes et de l’animation marketing dans les centres commerciau­x. Ensuite, j’ai été conseiller VISA au service à la clientèle chez Desjardins et conseiller en finances personnell­es à la Banque Nationale, avant de faire ma place au Fairmont Le Reine Elizabeth: d’abord comme gérant des ventes en événementi­el, puis comme délégué commercial au développem­ent des affaires, avant d’ajouter l’expérience client. Aujourd’hui, je suis gestionnai­re principal des relations avec les partenaire­s, au Centre canadien pour la diversité et l’inclusion.

En 2020, tu as été désigné représenta­nt communauta­ire à Fierté Montréal, quelques mois seulement avant d’être nommé vice-président de l’organisati­on. Pourquoi ce désir d’implicatio­n?

Je voulais créer des ponts plus solides entre Fierté Montréal et les différente­s communauté­s. Je suis arrivé avec la vision que Fierté appartient aux communauté­s. Je suis Arabophone, Libano-Québécois-Canadien, une identité qui ressemble au melting-pot qu’est Montréal. J’ai envie de transmettr­e mes connaissan­ces sur la diversité et l’inclusion pour que Fierté Montréal demeure le plus grand rassemblem­ent des Fiertés de la francophon­ie.

Tu es arrivé en pleine tourmente, après le départ du président et fondateur Éric Pineault en raison d’allégation­s de nature sexuelle. Comment as-tu vécu tes débuts?

Durant les premiers mois, j’ai consacré environ 20 heures par semaine en implicatio­n bénévole dans l’organisati­on. En août 2020, le conseil d’administra­tion s’est transformé en cellule de crise. Il fallait soutenir les employés, reconstitu­er le C.A. et repenser la gouvernanc­e de l’entité et les règlements généraux. On a créé des comités Ressources humaines, Finances et Gouvernanc­e dans le C.A. J’ai adoré participer à tout ce travail. Ça m’a rapproché de l’équipe. On a surmonté de grands défis pour rebâtir la base de l’organisati­on.

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