Fugues

Ève Salvail

une porte-parole de taille pour la JVL 2021

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La Journée de visibilité lesbienne qui se déroule en ligne, les 5 et 6 juin, s’affiche en grand, avec une porte-parole de taille pour l’édition 2021: Ève Salvail. Égérie de Jean Paul Gaultier, la petite fille de Matane est rapidement passée de l’ombre à la lumière, au début des années 90. Défilant sur les catwalks internatio­naux, aux côtés des Claudia Schiffer, Cindy Crawford et Naomi Campbell de ce monde, elle sera la première mannequin à la tête rasée et tatouée. Si son look plus androgyne détonnait vis-à-vis des canons de l’hyperfémin­ité, cette première Québécoise à percer à l’internatio­nale et dans les «tops», marquera le monde de la mode, au-delà de son apparence. Et pour cause, celle qui vit aujourd’hui au Québec avec sa copine n’a jamais cessé de s’impliquer pour les causes qui lui tiennent à coeur. C’est ainsi qu’Ève Salvail prête fièrement sa voix à l’édition 2021 de la Journée de visibilité lesbienne.

Au fil des décennies, tu t’impliques auprès de diverses causes (sida, cancer du sein, leucémie, anorexie, femmes victimes de violences). Pourquoi t’impliquer à titre de porteparol­e de la Journée de visibilité lesbienne?

On m’a donné une voix, quelque part, et je trouve important de l’utiliser pour des choses qui me tiennent à coeur. Il y a encore, même en 2021, beaucoup de jugements sur les LGBTQ.

En 1996, tu fais ton coming-out à ta famille et près de 10 ans plus tard, à 34 ans, tu fais ton coming-out médiatique à l’émission Coming-out stories de ta collègue Tyra Banks.

Ça m’a pris beaucoup de temps avant de m’identifier comme gaie. Je ne le disais pas, j’avais peur d’être jugée, je me jugeais moi-même. Puis, un jour, j’ai réussi à m’accepter, à trouver que ce n’était ni un problème ni un défaut.

Dans le milieu, je n’ai pas vécu de lesbophobi­e, j’ai été très chanceuse. L’aspect négatif qui m’est arrivé sur le coming-out, c’est plus dans les clubs, des fois quand un garçon me cruisait, lorsque je disais que j’étais lesbienne, ça se revirait toujours contre moi. Les garçons trouvaient ça hot deux filles ensemble et voyaient ça comme un espace de défi du genre «t’as pas rencontré le bon gars» et je n’aimais vraiment pas ça! Je finissais par dire que j’avais un mari à la maison…

À l’automne, tu publiais Soistoiett’esbelle qui revient sur ta vie et ta carrière. Qu’est-ce qui t’a mené à l’écriture de ce livre, au titre ingénieux empruntant à l’inversion de «soi belle et tais-toi»?

Suite aux conférence­s que je fais, j’ai un ami à moi qui m’a dit: tu sais, tu devrais écrire un livre! Comme j’ai toujours voulu écrire une autobiogra­phie, je me suis lancée. Les conférence­s étaient sur l’échec et la perception de l’échec.

Toi, l’échec?

Si je prends ma carrière et le fait de me raser les cheveux. Au début, quand j’ai dit ça, mes agences m’ont toutes laissée tomber et on ne peut pas travailler comme mannequin à son propre compte. Ça m’a donné une méchante claque dans la face; qu’est-ce que tu veux que je fasse avec ça? Je m’en allais nulle part… Il a fallu que je mette une perruque pour aller signer un contrat avec une agence pour pouvoir être représenté­e. C’est certain qu’une fois le contrat signé, je leur ai fait la jolie surprise d’enlever ma perruque et de leur dire: «checkez ça»! Donc tu vois, ç’en est un exemple d’essai, «d’échec».

Bien sûr je me suis relevée. Aussi, j’ai fait une ligne de vêtements avec Pascale Labelle, des hoodies avec mon dragon (tatouage), luxueux, fait sur mesure, biodégrada­ble, c’est vraiment sur la coche, extraordin­aire! Par contre, peu de gens savent que j’en ai fait le design trois ans avant de rencontrer Pascale et qu’elle avait été refusée par Simons, Target et Reitmans. Plusieurs s’imaginent que c’est arrivé sur un plateau d’argent, que je n’ai eu qu’à faire un appel, mais c’est loin d’être le cas. Je me suis fait dire non et j’étais déçue. J’ai travaillé fort avant d’y arriver. Bref, mes conférence­s sur l’échec, c’est comment on perçoit les réussites des autres. Je le vois plus comme un essai, donc l’échec n’existe pas, dans la mesure où c’est un essai vers la réussite.

Quel conseil donnerais-tu à une jeune femme LGBTQ+ qui désire entreprend­re une carrière dans le mannequina­t?

Une carrière dans le mannequina­t, ce n’est pas nous qui choisisson­s, dans le sens qu’on est un peu «née avec ce look-là». Tu l’as, ou tu l’as pas. C’est un peu aussi être à la bonne place au bon moment… Comme conseil plus général, la leçon la plus extraordin­aire que j’ai apprise avec mes bientôt 50 ans, c’est de demander de l’aide, des conseils, de s’ouvrir. J’ai toujours cheminé seule en me disant que j’étais capable, mais des fois c’est le fun de demander à quelqu’un, d’exposer sa vulnérabil­ité et souvent les gens t’aident! À 48 ans, tu as été barmaid, DJ, animatrice, dessinatri­ce et top model. Sans oublier designer de mode et tu viens d’écrire un livre. Que souhaites-tu accomplir à l’aube de la cinquantai­ne?

La bonne chose d’être dans les AA, on devrait dire le programme des douze étapes, car c’est anonyme, c’est qu’on nous apprend à vivre un jour à la fois. Donc au Nouvel An, on ne prend pas de résolution, qu’on ne tiendra pas; où deux jours plus tard, on va être retourné sur le couch en mangeant des chips! J’essaie de ne pas voir à l’avance, car on ne sait pas ce qui va nous arriver! Présenteme­nt, je suis en train de mariner sur un livre no.2 et c’est super le fun! Et bon, l’été arrive, on va pouvoir déconfiner!

En tant qu’artiste, comment as-tu vécu le confinemen­t de la COVID19?

Je suis une artiste donc j’ai tout perdu, mes gigs de DJ ont été annulés. J’ai compensé avec le bénévolat et je le conseille à tous! Je me suis inscrite à Accès Bénévolat et Au bout du fil et j’ai fait du bénévolat. Je me suis dit que je pouvais rester sur mon couch à chialer, ou faire quelque chose pour aider quelqu’un qui en a plus besoin que moi. Je suis chanceuse; je suis en couple, j’adore ma blonde, on est heureuses et en santé.

On se fait des bouffes extraordin­aires; j’ai pris du poids, donc au lieu de chialer, je cours et je fais du bénévolat. C’est super important ; on est tous dans le même bateau, mais il y a des gens qui souffrent plus de solitude. Il faut les aider. Donner au suivant.

julievaill­ancourt@outlook.com

INFOS | èVE SALVAIL EST PORTE-PAROLE DE LA JVL 2021 ET FIGURE DANS LE ZINE DE PORTRAITS JVL 2021. | RLQ-QLN.CA/JVL2021

SON LIVRE SOIS TOI ET T’ES BELLE EST PARU AUX éDITIONS DE L’HOMME, À L’AUTOMNE DERNIER. EDITIONS-HOMME.COM

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