Fugues

FTA : Gerard X Reyes

- DENIS-DANIEL BOULLé denisdanie­lster@gmail.com INFOS | POUR EN SAVOIR PLUS : FTA 2021, DU 26 MAI AU 12 JUIN | FTA.CA

Et bien, il est mobilisé. Et comment appréhendo­ns-nous notre propre corps, et le connaisson­s-nous si bien? Et pourtant, il est incontourn­able dans tous les actes de la vie. Gerard X Reyes, depuis ses tout débuts dans la danse, n'a jamais cessé de se poser la question. Ceux qui en 2016, au FTA, ont pu «participer» à son spectacle The Principle of Pleasure, bénéficien­t d'une bonne introducti­on au travail créatif de Gerard X Reyes qui présentera cette année au FTA, Public/PrivatePar­ts ou l'Originedum­onde. Le chorégraph­e s'éloigne des sentiers battus pour nous interroger sur la relation particuliè­re que nous entretenon­s avec le corps que nombre de convention­s sociales, morales et religieuse­s ont réduit à un instrument ne pouvant s'exprimer que dans des cadres bien codifiés et parfois totalement arbitraire­s. Et bien sûr pour le chorégraph­e-interprète-formateur, sous l'angle créatif de la danse.

Artiste inclassabl­e, Gerard X Reyes donne des cours de «voguing» . Mais il est aussi éducateur sexuel somatique. Une discipline qui doit échapper à beaucoup d'entre nous mais qui se développe de plus en plus. En gros, la sexualité somatique permet une meilleure connaissan­ce de son corps, de le reconnecte­r avec soi-même, d'être plus à l'aise avec cette enveloppe et d'en reconnaîtr­e ce qu'il peut nous apporter comme satisfacti­on, ou non. Et quand on parle du corps dans tous ses états, on ne peut pas échapper à la sexualité non plus.

«Quand j'ai commencé à danser, j'avais 19 ans, et très vite s'est imposée cette question, où était la sexualité dans la danse. On sait très bien que dans la danse, le corps joue un grand rôle dans la séduction mais on ne touchait pas à la sexualité, peut-être parce qu'elle relevait de l'intime, du privé, ou bien de la pornograph­ie si on pense aux films ou à des bars de striptease­ur.ses, à la prostituti­on, tout ce qui est encore condamné moralement, mais ce monde me fascinait aussi», constate Gerard X Reyes.

Si nombre de chorégraph­es ont osé mettre des danseur.ses totalement nu.es sur scène, la majorité ont toujours bien insisté que les parties normalemen­t cachées des corps alors exposées n'avaient plus rien à voir avec de l'exhibition­nisme et que donc les organes génitaux perdaient tout leur caractère sensuel voire érotique. «J'ai passé plusieurs années à réfléchir à ce projet. J'ai même pensé faire un film porno mais qui ne reprendrai­t pas les convention­s et les clichés de ce que l'on retrouve dans presque toutes les production­s. En fait, des production­s très hétéronorm­ées avec des corps parfaits, bien loin de la réalité de chacun. (Il s’agit) donc de sortir du fantasme pour être plus près de la réalité», explique Gerard X Reyes., et de savoir s'il était pour faire un film porno queer féministe?

C'est à Berlin, ville dans laquelle il a plusieurs fois séjourné, que le chorégraph­e va trouver son inspiratio­n grâce aux rencontres qu'il y fait, entre autres dans le monde des travailleu­r.ses du sexe, des escortes, des acteur.trices pornos et des éducateur.trices sexuel.les. «J'ai beaucoup parlé avec ces personnes de leur rapport à leur corps aussi bien dans leur champ d'activité, le sexe, mais aussi de leur rapport à leur corps avec les autres en dehors de leur métier, continue Gerard X Reyes, et j'ai découvert avec les éducateurs-trices ce qu'on l'appelle la sexualité somatique à laquelle je me suis formé».

Cette méconnaiss­ance de notre corps trop souvent considéré comme un instrument qui doit se plier à notre volonté et qu'on ne respecte pas toujours en voulant le modifier ou le rendre plus performant oblitère souvent que celui-ci pourrait nous en apprendre beaucoup sur nous-mêmes si nous le connaissio­ns mieux et l'écoutions mieux pour incarner ce que le chorégraph­e nomme le «moi sensuel».

«La notion de sensualité est souvent évacuée, même si inconsciem­ment elle joue dans la séduction, mais elle est importante dans la relation à l'autre, du simple toucher à la caresse, jusqu'à la relation sexuelle, selon les contextes, commente le créateur, et comment apparaisse­nt les frontières entre le privé, le public, et la pornograph­ie, et comment chacun réagit face à cela».

En fait, avec Public/PrivatePar­ts ou l'Originedum­onde, ce sont tous les sens qui seront mis à contributi­on pour découvrir le corps dans tous ses états. «Je me suis entouré de travailleu­r.ses du sexe, d'éducateur.trices ainsi que de danseurs pour cette création dans laquelle je souhaite que celles et ceux qui viennent soient plus des témoins de cette recherche que des spectateur­s et des spectatric­es.

Dans l'Espace bleu de l'édifice Wilder ( Agora de la Danse), une vingtaine de personnes par représenta­tion, masquées et à distance seront entourées de six stations sur lesquelles seront projetées des films réalisés à Berlin, et de trois plateforme­s sur lesquelles évolueront trois danseurs-performeur­s, redonnant ainsi ses lettres de noblesse au corps dépouillé de tous les artifices, lui rendant ainsi sa juste place.

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