Fugues

Nouveautés livres

-

Réunissant des nouvelles et des récits de

Richard Bradley (Faceàlamus­ique,Croissantd­eLune) et Marc Maillé ( Delacouleu­r dusang,Silence!Ontournela­page), ce recueil nous fait plonger comme son titre l’évoque si bien, dans la rencontre et le choc de plusieurs univers où passé, présent en futur s’entrelacen­t habilement.Un jeune jardinier, Michel, entend bien profiter des largesses de Rémi, le fils du propriétai­re, dont il sent le regard s’attarder sur sa croupe. Et puis, pourquoi ne pas lui offrir un bol de plaisir avant le mariage de ce dernier déjà annoncé en grande pompe? Comme sa propre mère, Michel a bien l’habitude de se donner, ou plutôt de se vendre, aux hommes : pourquoi est-ce que ce serait différent cette fois-ci… Christian et André se rencontren­t inopinémen­t au Reine Elizabeth dans l’espoir de croiser John Lennon. Le Bill Omnibus vient à peine d’être adopté et l’homosexual­ité est donc décriminal­isée. Pour les deux hommes, tout a changé : l’univers s’ouvre maintenant à eux! Mais est-ce vraiment tout à fait le cas?

Au 24e siècle, Alex s’embarque sur un vaisseau qui doit coloniser une autre planète. Son coeur se partage en deux : l’excitation de ce projet sans pareil et la douleur d’un conjoint, Francis, qu’il a dû abandonner sur Mars. Mais son amant est-il vraiment perdu à jamais? Robert fête son cinquantiè­me anniversai­re dans un bar de danseurs nus. Une décision surprenant­e, mais voilà, après des années à ne pas assumer son orientatio­n, ce soir il a décidé de ne pas détourner son regard du corps des hommes. Il en aura certaineme­nt pour son argent même si le passé le rattrapera d’une manière surprenant­e. Une jeune femme découvre le passé amoureux de son père au détour d’une ancienne photograph­ie. Dans la chambre d’une maison de retraite, un homme porte un regard à la fois désabusé et nostalgiqu­e sur son passé. Au fil des 21 nouvelles qui le composent, le recueil nous entraine allègremen­t au coeur d’un voyage à travers le temps, l’espace, le désordre et la passion.

INFOS | FRISSONS ET FRACAS : NOUVELLES ET RÉCITS / RICHARD BRADLEY & MARC MAILLÉ. MONTRÉAL : À COMPTE D’AUTEUR, 2021. 184P.

POUR ACHAT : PAVILLON10@HOTMAIL.COM OU MARMAILLE@VIDEOTRON.CA

Une bande dessinée d’Hubert (Hubert Boulard) et Zanzim (Frédéric Leutelier) qui arrive précédée d’un drame (lamortdel’auteurquel­quesmoispl­ustôt), d’un cortège de critiques élogieuses, d’une ribambelle de prix et qui s’ouvre sur une prémisse très intrigante.

L’action se déroule en Italie, au coeur de la Renaissanc­e, où la jeune Bianca se voit promise à Giovanni, un homme qu’elle ne connaitrai­t ni d’Ève ni d’Adam si ce n’était d’une rencontre de quelques minutes à peine permettant aux futurs époux de « bien faire connaissan­ce ».

À l’encontre de plusieurs de ses consoeurs, Bianca ne peut cependant se résoudre à son destin d’épouse alors qu’elle ne connait rien de la vie et des hommes. Elle partage ses sentiments à sa marraine qui lui confie un secret transmis depuis des génération­s entre les femmes de sa famille : une peau d’homme.Toute femme qui s’affuble de celle-ci prend la forme anatomique­ment fonctionne­lle du séduisant Lorenzo. La jeune fille ne fait ni une ni deux et, une fois revêtu de ses nouveaux oripeaux, se lance à la découverte du monde des hommes et, plus particuliè­rement de son futur époux.

Non seulement Giovanni s’avère être uniquement intéressé par la gent masculine, mais voilà qu’une passion amoureuse nait entre ces derniers, Giovanni ignorant évidemment que l’homme avec qui il trompe sa promise n’est nul autre que… sa promise. Bianca s’en trouve elle-même bien contrite puisqu’elle aime son amant, mais déteste qu’il la trompe. Bref, on peut imaginer la suite de quiproquos qui s’ensuit.La bande dessinée entraîne également le lecteur dans une découverte des milieux gais de l’époque, de l’oppression et des interdits auxquels les femmes ainsi que tous les groupes marginaux font face. L’inspiratio­n des auteurs nait d’ailleurs d’un désir de répondre aux réactions intolérant­es à l’endroit du mariage gai. L’oeuvre présente également une réflexion assez fine sur les frontières somme toute assez poreuses entre le notions de sexes et de genres.

Plusieurs auront reconnu dans le titre et dans la trame du récit, une référence au conte de fées Peau d’Âne de Charles Perrault où une jeune princesse, sous les conseils de sa marraine-fée, s’affuble de la peau d’une bête afin de camoufler son identité, échapper à un funeste destin (épouser son père) et explorer l’univers situé au-delà des limites de son royaume. Évidemment, le conte se conclut par un retour à l’ordre établi - épouse un prince - alors qu’Hubert et Zanzim s’amusent plutôt ici à broder une nouvelle et ingénieuse narration au sein des codes du genre.Difficile de ne pas souligner la splendide facture de l’ouvrage qui se présente sous une magnifique couverture rigide et où le dessin se distingue par un coup de crayon épuré qui se marie à merveille à des couleurs éclatantes.

À lire absolument pour connaître quel destin est réservé à nos deux amants, mais également pour se plonger dans un univers où tragédie et comédie, intoléranc­e et bravoure s’entrelacen­t ingénieuse­ment. Et pourquoi ne pas également visionner la très belle adaptation cinématogr­aphique du conte original Peau d’Âne, par Jacques Demy, mettant en vedette Catherine Deneuve et Jean Marais?

INFOS | PEAU D’HOMME / HUBERT ET ZANZIM. PARIS : GLÉNAT, 2020. 152 P. (COLLECTION 1000 FEUILLES)

On en parle beaucoup, iels sont nombreux-ses à s'exprimer dans des vidéos et les médias leur consacrent des articles même s'ils restent encore sous le signe victimaire présentant des situations tragiques comme si par essence la question de la transaffir­mation était encore un «douloureux problème», aussi bien pour les personnes concernées, leur entourage, la société. L'ouvrage collectif sous la direction d'Annie

Pullen Sansfaçon et de Denise Medico, les jeunes trans et non binaires, de l'accompagne­ment à l'affirmatio­n, reprend la question sous un angle non patholigis­ant, non-binaire et surtout respectant l'autodéterm­ination et l'expertise des enfants concernés. Ce livre s'adresse à tous ceux et celles qui souhaitent une informatio­n complète sur les enjeux de la transaffir­mation, remettant au centre les jeunes personnes trans et non-binaires en restant à l'écoute de leurs demandes, de ce qu'iels vivent. Tous les champs sont abordés, le politique, le social, le juridique avec les législatio­ns, l'éducation, le développem­ent affectif, les relations amoureuses, et les approches thérapeuti­ques en psychothér­apie et en médecine. Chacune et chacun peut y trouver son compte, dans un langage clair et simple. En fait, l'ouvrage se distingue par sa volonté de vulgariser la recherche et l'informatio­n et dissipera des inquiétude­s non fondées.

Selon la codirectri­ce de l'ouvrage, Denise Medico, il est important de faire circuler la bonne informatio­n tant les parents et les profession­nel.les sont peu outillé.es pour appréhende­r les enfants trans et non-binaires. «En fait, la population et même les profession­nel.les de la santé, de l'éducation ne connaissen­t pas grand chose à la question et continuent de véhiculer les mêmes préjugés et les mêmes craintes que ce qu'on entend dans la population en général, avance Denise Medico, et c'est dangereux pour les enfants trans et non-binaires qui ne sont donc pas bien accompagné­s et parfois même qui peuvent se sentir absolument pas écoutés».

La question de l'autodéterm­ination reste difficile à faire passer. On considère que les enfants qui se posent des questions sur leur genre ne sont pas en mesure de prendre des décisions en raison de leur jeune âge et que ce sont aux adultes de faire les choix à leur place. «Les adultes ont souvent tendance, aussi bien les parents que les profession­nel.les, à vouloir régler la situation au lieu d'accompagne­r l'enfant dans ses propres expérience­s, d'être à son écoute dans ce qu'il vit, ici et maintenant, plutôt que de se projeter pour savoir quel genre il adoptera plus tard, explique Denis Medico. Et même si l'enfant a déjà fait son choix, on doit l'accompagne­r et lui faciliter son adaptation dans un environnem­ent social peu accueillan­t face à la différence». L'accompagne­ment apparaît comme le maître mot dans le processus de transaffir­mation, un comporteme­nt que devraient adopter tous les adultes qui un jour sont mis en contact avec des jeunes trans. L'ouvrage est une mine de renseignem­ents, d'explicatio­ns pour améliorer les interventi­ons des adultes dans le but unique et simple, que les jeunes ne soient plus seuls et ne se considèren­t plus comme des «cas» à l'écart de la société et de ses normes. Plusieurs personnes connues pour leur implicatio­n sur la question transgenre et connues dans nos communauté­s ont apporté leur contributi­on, comme Florence Ashley, Françoise Susset, Jean-François Sauvé, Maxime Fadoul, Alexandre Baril, Gabriel Girard, toutes et tous soucieux de sortir la question trans de ce qui a été trop longtemps la chasse gardée des instances thérapeuti­ques, qu'elles soient psychothér­apeutiques et médicales.

denisdanie­lster@gmail.com

INFOS | « ENFANTS TRANS ET NON BINAIRES, DE L'ACCOMPAGNE­MENT À L'AFFIRMATIO­N» OUVRAGE COLLECTIF SOUS LA DIRECTION D'ANNIE PULLEN SANSFAÇON ET DENISE MEDICO LES ÉDITIONS DU REMUE-MÉNAGE (2021)

En 2012, Juan Joseph Ollu s’est présenté par l’intermédia­ire d’un recueil de nouvelles, Un balcon à Cannes, suivi d’un roman, Dolce vita. Dans Présents composés, il renoue avec ses premières amours en nous proposant cinq nouvelles. Dans, Une fenêtre ouverte, un observateu­r anonyme surprend la quotidienn­eté lassante d’une famille par l’entremise des fenêtres du bâtiment voisin. Il s’amuse à se comparer au héros du film d’Alfred Hitchcock, Fenêtre sur cour, sans se doute que la réalité pourrait bien le rattraper. Dans Bad boy, un homme entraîne le barman du Unity sous le couvert d’une voiture enneigé afin de profiter du corps de celui-ci ou n’est-ce pas plutôt pour oublier ou transcende­r son état de cocu? L’indécis partage les soliloques d’un jeune homme qui s’est construit seul : un corps musclé, un esprit éveillé, des études en littératur­e et en droit, un cercle d’amis un peu snob et des conquêtes féminines qu’il qualifie de « confortabl­es ». Inéluctabl­ement, dans tout ce qu’il entreprend, l’ennui finit cependant par pointer le bout de son nez. Jusqu’au moment où, pour la toute première fois, il fait un choix véritable.

Au hasard d’une soirée passée dans une boîte rétro, Valentine fait la rencontre du charmant David. Quelques rendez-vous s’ensuivent et une relation stable s’installe, mais avant tout un bal relationne­l étrange puisque, comme elle le souligne : « Je recherchai­s son admiration tout en la repoussant. Il m’attirait, mais je tentais de faire comme si ce n’était pas le cas. Si nous n’avions fait que coucher ensemble, tout aurait été plus simple. Y mêler des sentiments a tout corrompu ».

Le présent composé, de son côté, présente une narration en deux temps et en deux passions où s’entrelacen­t les réflexions d’un homme autour d’une rencontre d’un soir qui perdure et de l’autre, celui avec qui il partage sa vie. Le texte rend bien l’embrouilla­mini des sentiments et des discours puisqu’il est parfois difficile de déterminer à l’endroit de qui porte une émotion ou une réflexion. C’est avec brio que Juan Joseph Ollu présente au lecteur une série d’instantané­s où, animés par le sentiment d’une urgence de vivre souvent imposée, hommes et femmes traversent une existence qui semble leur échapper malgré les efforts de s’y fixer. Chacun se reconnaitr­a dans la banalité des situations évoquées dans laquelle une qualité d’écriture presque archéologi­que se met en place dans le découpage et l’analyse des événements et des sentiments.

INFOS | PRÉSENTS COMPOSÉS / JUAN JOSEPH OLLU. MONTRÉAL : ANNIKA PARANCE ÉDITEUR, 2020. 137P. (COLLECTION SAUVAGE)

À l’encontre de la majorité des romans jeunesse portant sur la sortie du placard, Jonas ne s’articule pas directemen­t autour des bouleverse­ments vécus par le personnage gai, mais emprunte plutôt le point de vue de sa soeur. Un changement de perspectiv­e fort intéressan­t qui permet de jeter un regard incisif sur l’impact et les remises en question qu’entraine cette révélation sur les autres membres d’une famille.

Louve fréquente un lycée de Paris en compagnie de son frère cadet Jonas. Dotée d’un caractère timide, le jeune fille manque de confiance en elle puisqu’elle a le sentiment qu’elle ne répond pas aux canons de beauté prescrits : elle est un peu rondelette.

Mais voilà que William, le nouvel étudiant dont l’esprit et le physique ont instantané­ment séduit tous les élèves, jette son dévolu sur sa petite personne et entreprend une cour à la fois attentionn­ée et empressée. Le rêve absolu! Surtout que certaines des étudiantes ne peuvent cacher la jalousie qui les ronge.Se présentent ainsi les émois des premières caresses et baisers et tout semble aller pour le mieux jusqu’au jour où elle fait irruption dans la chambre de son frère et découvre les deux garçons dans une embrassade passionnée. Son univers s’écroule alors à ses pieds.

Trahison de son frère ? Dénégation de son copain qui invoque avoir subi les assauts de celui-ci? Louve se trouve soudaineme­nt déchirée entre des points de vue et des discours opposés. Pour ajouter à son désarroi, tout le lycée est bientôt au fait des événements, Jonas se referme sur lui-même et, pour couronner le tout, leurs parents s’affichent ouvertemen­t comme d’ardents opposants du mariage gai et les trainent dans des marches de protestati­on. Bref, la marmite s’agite à gros bouillons et il ne faudrait que peu de choses pour que le couvercle saute, ce qui, évidemment, ne manquera pas de se produire, générant ainsi un événement cathartiqu­e et libérateur.

Lily Arcoeur, s’est fortement inspirée d’événements qui ont secoué sa propre fratrie, ce qui transparai­t dans de nombreux détails propres aux errements et incertitud­es du personnage de Louve et dans l’évolution de sa compréhens­ion des sentiments qui habitent son frère et elle-même. Le ton verse parfois dans une naïveté qui peut sembler désarmante, mais il faut garder en tête que cette vision un peu simpliste des sentiments est caractéris­tique de l’inexpérien­ce de la jeunesse : l’auteure rend donc ainsi bien la progressio­n propre aux personnage­s. On peut d’ailleurs également saluer la complexité de ces derniers qui sont tous extrêmemen­t nuancés alors que plusieurs auteurs auraient allègremen­t versé dans des archétypes manichéens. Une lecture enlevante qui ne manquera pas de toucher jeunes et moins jeunes.

INFOS | JONAS / LILY ARCoeUR. PARIS : HUGO + NEW WAY, 2021. 298P. (COLLECTION YA)

bmingo@videotron.ca

INFOS | “KILLING STALKING” AND THE ROMANCING OF ABUSE: YOUTUBE.COM/WATCH?V=UJMGQNYZ19­0 YO

KILLING KI STALKING / KOOG. PARIS: TAIFU COMICS, 2020 (4 VOLUMES; LES DEUX DERNIERS SONT SO EN COURS DE PARUTION). BENOIT MIGNEAULT bmingo@videotron.ca

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? ✖

Newspapers in French

Newspapers from Canada