Fugues

Eric Radford, l’artiste sur glace de retour

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En février 2018, le patineur artistique Eric Radford est devenu le premier athlète ouvertemen­t gai à remporter l’or aux Jeux olympiques d’hiver, aux côtés de Meagan Duhamel. À son retour au pays, le Montréalai­s d’adoption a pris sa retraite de la compétitio­n, afin de se consacrer aux spectacles, de se marier avec son amoureux et… de vivre un peu. Trois ans plus tard, l’athlète de 36 ans a toutefois surpris la planète sportive en reprenant l’entraîneme­nt en vue des JO de 2022, avec une nouvelle partenaire et une nouvelle attitude.

Après son sacre olympique, le patineur a voyagé à travers le monde pour donner des spectacles, des ateliers et des séminaires, jusqu’à ce que son agenda se vide et qu’il soit pris d’un vertige. «Je me suis demandé ce que j’allais faire de ma vie et qui j’étais à l’extérieur du sport. Je n’avais pas encore été confronté à la crise d’identité que vivent tous les athlètes en quittant la compétitio­n.»

Un an après les JO, l’anxiété a fait de lui son territoire. «Je me sentais totalement perdu. Ma tête comprenait ce que je vivais, mais j’avais l’impression d’être étranger à mon propre corps.» Même s’il s’impliquait depuis des mois sur le conseil d’administra­tion de Skate Canada, sur un comité de diversité et d’inclusion, ainsi que sur la commission des athlètes de la Fédération internatio­nale de patinage, il s’est demandé si son existence se résumerait à son passé d’athlète. «Les gens oublient vite les Jeux olympiques. C’est stupide à dire, mais je sentais mon importance et ma valeur diminuer. Je sais que je suis davantage qu’un patineur, mais c’est plus difficile à sentir et à croire, quand personne ne t’appelle et que tu n’as plus d’engagement.»

Justement, qui est-il en-dehors du patin? «J’assume de plus en plus mon identité artistique. Pas seulement en musique, mais dans la façon dont je vois le monde en général. Je réalise désormais que la création va me stimuler pour le reste de ma vie. Je suis aussi un mari,

évidemment.» En juillet 2019, il a uni sa destinée à celle de Luis Fenero, un ex-patineur artistique depuis peu converti en courtier immobilier. «Notre mariage en Espagne est le fait saillant de ma vie entière! Même si je me suis retrouvé au sommet d’un podium olympique à chanter l’hymne national, me marier a été plus fort encore. Quelque chose de spécial s’est produit dans l’univers ce jour-là. Une de mes amies m’a même dit que c’était aussi l’un des moments forts de sa propre vie!»

Désormais établis dans le Village, les tourtereau­x ont vécu une grande période d’ajustement­s quand la pandémie a frappé, eux qui avaient l’habitude de passer beaucoup de temps séparés. «Il m’arrivait souvent de passer deux semaines à la maison sur trois mois. Tout d’un coup, on s’est retrouvés à temps plein dans un appartemen­t pour la plus longue période de notre relation! Ce fut une expérience pleine d’apprentiss­age sur nous, sur lui et sur moi. On a appris ce qui nous dérange l’un de l’autre. On a trouvé une nouvelle énergie. établi de nouvelles attentes.»

La COVID-19 a aussi affecté le portefeuil­le du patineur. «Meagan et moi devions participer à une immense tournée au Japon et en Amérique du Nord, qui a bien sûr été annulée. Je ne pouvais plus coacher.

Ç’a été très difficile.» Il a tout de même patiné à l’émission canadienne Battleofth­eblades, à l’automne 2020, tout comme son amie Vanessa James. «En février 2021, il ne se passait rien pour moi. Vanessa, qui a des contacts que Meagan et moi n’avions pas, m’a parlé d’un spectacle de patin qui serait peut-être lancé en Suisse. Je me suis dit que je pourrais potentiell­ement faire des spectacles avec elle et d’autres avec Meagan. Elle est donc venue à Montréal pour patiner avec moi quelques jours.»

En une semaine, ils ont été ébahis par leur cohésion, leur maîtrise technique et leur complicité. «On bouge de la même façon, on a les mêmes lignes, on communique extrêmemen­t bien, on a deux tempéramen­ts calmes et on se comprend très naturellem­ent. C’est comme si on patinait ensemble depuis des années, mais que j’avais accès à un nouveau monde. Je me sens totalement différent. Je n’effectue pas un retour à la compétitio­n; je suis en train de renaître!»

Vu leur potentiel évident, ils ont envisagé de revenir à la compétitio­n, si et seulement si la fédération française libérait Vanessa: un processus extrêmemen­t rare, complexe et incertain. «On voulait attendre de voir si les choses allaient se mettre en place avant d’en parler à quiconque. À notre grande surprise, Vanessa a obtenu la permission après deux jours. J’ai tout de suite appelé Meagan pour lui parler. Elle a été surprise, mais elle m’a confirmé qu’elle ne voulait pas revenir à la compétitio­n et que si c’était ce que je voulais faire, elle allait me soutenir.»

Radford et James forment donc un nouveau duo qui s’entraîne en vue des JO de Pékin en 2022 et des Mondiaux quelques semaines plus tard. Même s’ils ne diront jamais non à un podium, leur objectif est ailleurs. «On se concentre sur ce qu’on peut accomplir ensemble d’un point de vue artistique.

On veut explorer et maximiser notre performanc­e. On va peut-être participer à huit compétitio­ns durant lesquelles notre objectif sera de faire oublier au public le reste du monde pendant quelques minutes. Cette approche est totalement différente de ce à quoi j’étais habitué. Je n’ai pas besoin de plus de médailles. Je le fais pour moi.» ANDRé C. PASSIOUR apassiour@gmail.com

INFOS | WWW.INSTAGRAM.COM/ERICRADFOR­D85

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