Fugues

Eugénie Lépine-Blondeau

Faire résonner sa voix d’un océan à l’autre

- SAMUEL LAROCHELLE samuel_larochelle@hotmail.com

à 19 ans, Eugénie Lépine-Bloneau aspirait à devenir chanteuse classique. Plus d’une décennie plus tard, c’est un autre type de micro qui se trouve devant elle, alors qu’elle est chroniqueu­se culturelle sur les ondes d’Ici Première à l’émission Toutunmati­n et qu’elle anime C’estmatourn­éed’un océanàl’autre. Entretien.

L’été dernier, à l’émission Tricotéess­errées, que tu co-animais avec ta soeur, la comédienne Magalie Lépine-Blondeau, il a été question de tes aspiration­s en chant. Pourquoi ne pas avoir tenté une carrière?

Le chant a toujours été ma passion, mais je suis arrivée très tard en chant classique, à 16 ans. J’ai obtenu mon DEC en chant classique et débuté un bac en chant classique, mais je n’avais pas la discipline pour en faire une carrière. À 19-20 ans, j’avais soif de plein d’affaires, alors que c’est une période charnière durant laquelle il faut vraiment travailler pour se développer. Ce sont des sacrifices que je n’étais pas prête à faire. Aujourd’hui, j’aime dire que je me sers de ma voix autrement.

Tu sors d’une année de radio quotidienn­e en pleine pandémie. Que retiens-tu de cette période?

Je termine ma deuxième année à Toutunmati­n. Durant les cinq premiers mois, avant la pandémie, j’ai débuté ce job avec un sentiment d’imposteur, alors j’ai beaucoup travaillé. Je sortais quatre soirs par semaine, ce qui est énorme, alors que je me levais à 3h30 du matin. Je voulais me faire voir du milieu, rencontrer les intervenan­ts et assister à beaucoup de shows. Quand la pandémie est arrivée, j’ai pensé que j’allais me reposer. C’était un frein nécessaire. Cela dit, j’ai aussi été très proactive. J’ai voulu être la courroie de transmissi­on entre le public et les artistes, pour bien comprendre l’impact de la pandémie sur eux. En tant que citoyenn citoyenne, je vivais de la peur et je n’en revenais pas de ce qui se passait dans le milieu de la santé, mais au travail, il y avait une espèce d’effervesce­nce.

Certains auditeurs te reprochent de trop parler de ton homosexual­ité en ondes. Que disent-ils?

Par exemple, à Tricotéess­errées, Trico ma soeur et moi présention­s des fratries. On voulait témoigner qu’on peut peu avoir eu la même éducation, les mêmes parents et grandi dans un même environnem­ent, environnem­en en devenant tout de même très différente­s. On débutait l’émission en lisant notre bio pour p illustrer que tout différait. Elle disait qu’elle était hétéro et moi lesbienne. À ce moment-là, mom j’ai reçu des messages du genre : « Je ne suis pas contre ça, mais ai-je besoin de le l savoir? » Ça m’affectait beaucoup et je répondais systématiq­uement aux gens. Ça me prouvait prou qu’il fallait que je continue de le dire.

à Tout un matin, tu en parles aussi parfois, parce que ça fait partie de ta vie. Exactement. Je peux raconter ce que j’ai fait durant week-end ou ce que ma blonde m’a dit, comme l’animateur Patrick Masbourian parle de sa femme et de ses enfants. Je n’ai pas peur d’en parler et j’en suis fière, mais chaque fois, j’ai un petit vertige. C’est l’équivalent d’un comingout pour un auditeur et je ne sais pas comment ça va être reçu. Même si nous avons une égalité de droits, nous n’avons pas encore une égalité de faits. L’homophobie existe partout encore.

Tu fais partie des rares profession­nels des médias qui parlent de leur orientatio­n sexuelle. Pourquoi est-ce si peu fréquent?

Peut-être que certains ne veulent pas parler de leur vie privée ou qu’ils veulent respecter la neutralité journalist­ique. Moi, je ne me considère pas comme journalist­e, mais chroniqueu­se. En travaillan­t à Radio-Canada, je comprends que j’ai besoin de cette apparence de neutralité, mais il faut faire une distinctio­n entre le militantis­me et ce qu’on incarne tout court. Je comprends les journalist­es LGBTQ+ qui trouvent ça trop facile de se faire confier tous les sujets queer, mais je comprends aussi ceux qui aiment en parler, parce qu’ils ont une meilleure compréhens­ion et un lien de confiance. Tout dépend de l’intention.

L’année dernière, tu as animé Fièreallur­e sur Ici Première. Tu as aussi animé des activités en lien avec Fierté au travail et la Journée de la visibilité lesbienne. Pourquoi est-ce important pour toi de t’impliquer ainsi?

J’ai développé assez rapidement une fierté d’appartenir aux communauté­s LGBTQ+. J’apprends énormément d’elles. Je me sens bien avec elles. Quand on pense à moi pour ces choses là, je suis vraiment heureuse. Je trouve ça important de m’impliquer. Je crois à ces organismes et à ces événements. Par exemple, la Journée de la visibilité lesbienne est fondamenta­le. Je trouve que les lesbiennes ont beaucoup été invisibili­sées dans la culture et la politique, en plus d’être souvent réduites à des stéréotype­s. À mes yeux, c’est primordial de continuer à démystifie­r les réalités des femmes lesbiennes.

Cet été, tu es à la barre de C’estmatourn­ée. Parle-nous de l’émission?

Notre but est de sortir de Montréal pour parler de culture, en visitant Rouyn-Noranda, Halifax, Vancouver, Moncton, Saguenay, Toronto, Régina et Ottawa-Gatineau. Depuis bientôt 18 mois, plusieurs personnes n’ont pas pu voyager physiqueme­nt, alors on veut les faire voyager par la magie des ondes et les plonger dans la vie culturelle d’une ville. Je co-anime chaque émission avec un animateur radio-canadien de la région. C’est important qu’on les entende partout au pays. Au final, on a tellement de matériel à partager sur chaque coin de pays qu’on aurait pu en faire une quotidienn­e!

Tu es aussi en train de te lancer en affaire avec le Studio L’idéal. Qu’est-ce que c’est?

Un studio locatif pour balado, avec une partie événementi­elle, afin d’accueillir des lancements d’albums, des événements littéraire­s, des colloques, et peut-être même produire nos propres événements. C’est un projet que je mène avec Florence Gagnon, qui est à la tête du magazine LSTW. On va créer le tout dans un bar-club de Montréal qui est en train d’être transformé en bar-café. Ce sera un lieu grand public avec une sensibilit­é queer.

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