Fugues

Porte-voix / Jennifer Maccarone

- PAR JENNIFER MACCARONE, DÉPUTÉE DE WESTMOUNT–SAINT-LOUIS

Au Québec, un peu plus d’un·e aîné·e sur dix est issu·e de la communauté LGBTQ+. Cependant, nous avons parfois tendance à croire — à tort — que les personnes âgées qui sont lesbiennes, gaies, bisexuelle­s, trans ou queers, sont peu nombreuses dans notre société. Plusieurs décrivent d’ailleurs les aîné·e·s LGBTQ+ comme un groupe «caché», voire «invisible», de la population québécoise.

L’« invisibili­té » des personnes âgées LGBTQ+ découle de différents facteurs, comme de la stigmatisa­tion sociale de celles et ceux qui sont issu·e·s de la diversité sexuelle et de genre, mais aussi du fait que certain·e·s aîné·e·s préfèrent dissimuler leur appartenan­ce à la communauté LGBTQ+. En effet, un nombre important de personnes âgées n’osent pas affirmer ouvertemen­t leur identité sexuelle ou de genre, car elles craignent d’être rejetées. D’autres décident même de «retourner dans le placard» lors du décès de leur conjoint·e ou au moment d’aménager dans une résidence pour personnes âgées — ce qui occasionne d’importante­s périodes de stress et d’anxiété.

La peur de ne pas être accepté ou de revivre un épisode traumatiqu­e difficile résulte tantôt du contexte empreint de préjugés au sein duquel les personnes âgées LGBTQ+ ont grandi, tantôt d’expérience­s qu’elles ont vécues par le passé. N’oublions pas que les aîné·e·s ont connu une époque où les autorités publiques, religieuse­s et médicales condamnaie­nt leur sexualité, la décrivant comme problémati­que, immorale et déviante. La plupart de ces personnes ont, par ailleurs, vécu du rejet par des membres de leur famille ou par des collègues de travail à un moment ou un autre de leur vie.

J’aimerais vous dire que nous vivons aujourd’hui dans un monde qui est inclusif pour les aîné·e·s LGBTQ+, mais, encore à ce jour, vieillir selon son orientatio­n sexuelle et son identité de genre est un parcours jalonné de défis. En raison de l’« invisibili­té » des personnes âgées issues de la diversité sexuelle et de genre, les besoins de ces citoyen·ne·s restent souvent incompris (voire même ignorés) dans le réseau des soins de santé et de services sociaux. Je pense aux personnes homosexuel­les qui ne peuvent pas vivre avec leur conjoint·e·s parce que le système ne reconnaît pas les couples de même sexe, ou encore aux personnes trans qui se voient continuell­ement attribuer un sexe auquel elles ne s’identifien­t pas, ou qui subissent des actes violents. Plusieurs études montrent que la situation actuelle a des conséquenc­es concrètes et graves sur le bien-être des aîné·e·s LGBTQ+ : les personnes âgées qui sont issues de la diversité sexuelle et de genre sont non seulement plus enclines que les autres à présenter des problèmes de santé physique ou mentale comme l’anxiété, la dépression et les pensées suicidaire­s, mais elles sont aussi plus susceptibl­es d’être victimes de violence. Heureuseme­nt, il existe des organismes qui luttent contre l’homophobie et la transphobi­e, et qui sensibilis­e et outille les milieux aînés et la population à la réalité des personnes âgées LGBTQ+.

Le gouverneme­nt, pour sa part, a non seulement la responsabi­lité d’assurer le bien-être des personnes âgées LGBTQ+, mais il est aussi tenu de montrer l’exemple. En ce sens, il doit fournir des services adéquats et adopter des approches visant à aider les aîné·e·s LGBTQ+ à renforcer leurs liens sociaux. De telles initiative­s sont nécessaire­s pour combler les besoins de ces citoyen·ne·s et briser leur isolement. Je m’explique mal que le gouverneme­nt ne sensibilis­e pas la totalité de ses employé·e·s qui travaillen­t auprès des personnes âgées aux réalités de la communauté LGBTQ+. Une formation obligatoir­e serait l’une des meilleures façons de changer le statu quo. La diversité sexuelle et de genre ne connaît pas d’âge, et le gouverneme­nt a le devoir d’en tenir compte dans l’élaboratio­n de ses politiques publiques.

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