Fugues

Trois séries queer a dévorer des yeux

La saison 2 de Love, Victor: une douceur dont il ne faut pas se priver

- YVES LAFONTAINE yveslafont­aine@fugues.com INFOS | LOVE, VICTOR — LES DEUX SAISONS DE CETTE SéRIE HULU, SONT ACCESSIBLE­S DANS LA SECTION STAR DE DISNEY +.

Même si le parcours de Victor est à nouveau semé de diverses embûches, la série offre toujours des pistes de résolution. Et donc, de l'espoir, invitant constammen­t à voir le verre à moitié plein. Beaucoup lui reprochera­ient d'être trop gentillett­e ou fantasmée pour être crédible. C'est pourtant cette candeur qui fait son charme et son efficacité.

Love,Victor n'existe pas que pour refléter la réalité et retranscri­re au mieux le vécu gai, mais pour nous aider à tendre vers un futur meilleur. Dans un épisode intitulé TheSexCabi­n, Victor et ses amis décident de s'offrir un petit week-end loin de leurs tracas, dans le chalet des parents de Benji. C'est dans les bois que les hormones travaillen­t nos ados. Le hic, c'est que Victor craint sa première fois, d'autant plus que son petit ami possède déjà de l'expérience en la matière. La série fait preuve de pédagogie, en soulignant que la sexualité n'est pas qu'une affaire de parties intimes qui s'emboîtent. C'est avant tout une histoire d'écoute, de confiance et de patience. Des valeurs qui surplomben­t cette deuxième saison dans son ensemble. C'est aussi vrai au niveau de la relation de Victor avec sa mère. À la toute fin de la première saison, Victor, le héros sortait du placard, annonçant son homosexual­ité à ses parents d'un simple «je suis gai»!

Si son père fait vite preuve d'acceptatio­n pour ne pas ternir leur relation, la mère de Victor éprouve plus de difficulté­s à le reconnaîtr­e. Biaisée par les préceptes religieux qu'on lui a inculqués depuis son plus jeune âge, elle peine à mettre de côté sa croyance pour accepter son fils. Cette saison 2 s'apparente alors à un chemin de croix pour le personnage de la mère, incarnée par Ana Ortiz, aux antipodes de son rôle de maman aimante dans UglyBetty – mais qui représente l’attitude de certains parents d'enfants LGBTQI+.

Parce que le vécu gai est pluriel, la saison 2 incorpore le personnage de Rahim. Un peu plus jeune que Victor, Rahim est issu d'une famille musulmane. Il est gai et encore dans le placard. À la différence du héros de la série, son homosexual­ité est davantage perceptibl­e: il paraît maniéré, cumule les références pop, a des centres d'intérêt vite catalogués comme «féminins»... Grosso modo, il correspond au cliché que la société s'est longtemps fait du gars homosexuel. Son inclusion dans la série est particuliè­rement importante parce qu'elle permet de montrer qu'une expérience gaie universell­e n'existe pas et que certains sont plus privilégié­s que d'autres pour être acceptés par leur entourage. Cela aboutit notamment à une scène déchirante où Victor se réjouit de rencontrer Rahim, un gars d'une autre école, avec lequel il discute depuis un moment sur Grindr. Mais alors qu'ils se retrouvent, il paraît d’abord rebuté par les manières de Rahim et préfère le laisser en plan, précisant qu'il ne le pensait pas «comme ça»… Une réaction qui n’est pas sans rappeler celle de certains des coéquipier­s de Victor au basketball qui refusent de partager leurs vestiaires avec lui parce qu'il est gai. Si elle joue souvent la carte de la légèreté, Love, Victor examine des enjeux qui touchent les jeunes LGBTQ+, de la discrimina­tion à la répression de la féminité au sein même de la communauté au profit d'une sacro-sainte virilité. En optant pour un ton plus mûr, tout en conservant une part d'innocence qui est sa marque de fabrique, la série nous prouve qu'elle est pleine de surprises et permet à ses personnage­s d’ados de respirer et de gagner en complexité. Surtout, elle n'oublie pas d'être drôle, notamment grâce à la truculente Lake. En clair, Love, Victor est une douceur dont vous auriez tort de vous priver.

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