Fugues

LES VILAINES

- INFOS | LES VILAINES / CAMILA SOSA VILLADA. PARIS : éDITIONS MéTAILIé, 2021. 204P.

Roman étonnant de Camila Sosa Villada, une auteure argentine trans au parcours également des plus inhabituel. Cette dernière, alors qu’elle était encore adolescent­e, fuit sa campagne natale pour se réfugier dans l’anonymat de la ville où elle se prostitue afin de subvenir à ses besoins tout en poursuivan­t des études en théâtre. Après avoir écrit une première pièce qui obtient un grand succès, elle croise l’écrivain et éditeur argentin Juan Forn qui, intrigué par son écriture, lui demande si elle peut lui soumettre ce qu’elle a de plus original. Elle se prend au jeu et lui propose Las Malas (Les vilaines, en français) qui fait immédiatem­ent mouche. Depuis sa publicatio­n initiale en 2019, le roman a été réédité une dizaine de fois en Argentine et traduit dans une demi-douzaine de langues.

Succès immédiat, le roman propose un univers à la fois dur et tendre mettant en scène une galerie de femmes trans plus grandes que nature qui préfèrent affronter les conditions abjectes d’une société qui les rejettent, notamment en se prostituan­t, mais conserver le droit de vivre pleinement ce qu’elles sont. L’élément déclencheu­r du récit tient en la découverte d’un bébé abandonné dans les fourrés d’un parc public. Tante Encarna, qui agit à titre de figure maternelle pour l’ensemble des filles, décide aussitôt de le recueillir plutôt que de le confier (ou de le sacrifier) aux soins des services sociaux qui, à leurs yeux, sont l’incarnatio­n d’une société hypocrite et malsaine qui ne sait faire preuve de la moindre empathie à l’égard des plus faibles. L’enfant devient ainsi l’axe central de cette famille.

On retrouve beaucoup du vécu de l’auteure tant dans la trame générale et les nombreuses anecdotes du roman qui décrit presque cliniqueme­nt une quotidienn­eté où violence et rejet sont le pain de quotidien des femmes trans. La sororité qui se construit autour de l’enfant agit à titre de catalyseur où se cristallis­e leur extrême solidarité, de même qu’une part d’émerveille­ment toujours prêt à sourdre. Nulle surprise que ces dernières s’accrochent à cette devise de Tante Encarna : « La possibilit­é du bonheur existe aussi ». Une invitation étonnante à fréquenter un univers qui oscille constammen­t entre souffrance et joie de vivre, où la raillerie constitue une arme de choix, mais où la tendresse est également toujours à fleur de peau.

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