Fugues

Valérie Bah

donne une voix aux enragé.e.s

- SAMUEL LAROCHELLE Web au www.valeriebah.com samuel_larochelle@hotmail.com

Cinéaste et documentar­iste, Valérie Bah en a surpris plus d’un.e en publiant son premier livre, Les enragé.e.s, un recueil de nouvelles sur des personnage­s croulant sous le poids des inégalités et du colonialis­me dans des formes parfois subtiles, souvent révoltante­s.

Comment te sens-tu après avoir publié ton premier livre?

Valérie Bah : C’est un peu comme une mise à nu. Peu de gens de mon entourage savaient que j’écrivais un livre et que je m’intéressai­s à la fiction littéraire. Au final, ça me fait plaisir de donner une part de moi à travers ce médium beaucoup plus lent que le cinéma. Je suis habitué.e de voir mes films projetés en salles devant public, alors que le livre se déploie de manière plus intime.

Qu’est-ce qui t’a poussé.e à écrire des nouvelles?

Valérie Bah : L’histoire aurait pu prendre la forme d’un roman dans lequel mes personnage­s se croisent de près ou de loin, mais il y a quelque chose dans la nouvelle, une forme très précise, qui me permettait de créer une oeuvre compacte avec plus d’éclat qu’un roman. À mes yeux, chaque texte possède sa propre forme, tout en faisant partie de l’oeuvre entière.

Es-tu d’accord pour dire que ton écriture est cinématogr­aphique?

Valérie Bah : Quand j’écris des scénarios, j’aime beaucoup imaginer le storyboard, l’évolution des scènes et des gestes, alors ça se traduit dans l’écriture. Je suis une personne très visuelle. Un de mes passe-temps est d’aller au parc pour regarder les fresques, les gens et l’effet domino des dynamiques humaines. Ça se reflète dans mon écriture.

Pourquoi te concentrer sur les résistance­s des personnes noires et queer? Valérie Bah : Ça rejoint l’importance que j’accorde au fait de voir des formes de vie diversifié­s dans notre pays. Après avoir observé mes parents naviguer les institutio­ns du Canada, je crois que la littératur­e et les films m’ont beaucoup guidé.e. Les écrivain.e.s haïtiens de la diaspora qui ont décrit ce pays m’ont fait voir plus clair et ont donné des réponses à plusieurs questions que je me posais.

À mon tour, je laisse des traces et des indices pour la prochaine génération. Selon moi, la résistance, ce n’est pas uniquement de se joindre au mouvement #BlackLives­Matter et au militantis­me dans la rue; c’est aussi poser des gestes aussi banals que de quitter un emploi dans un milieu toxique pour se libérer et s’affranchir. Dans le livre, j’expose comment le colonialis­me se déploie de manière très subtile.

Parlons de subtilité. En te lisant, on voit les injustices et les rapports d’inégalité, mais on n’a pas le sentiment que tu les souligne à gros traits. Pourquoi ce choix? Valérie Bah : J’aime la métaphore voulant que la narration consiste à se placer dans le paysage et à guider les gens dans leurs observatio­ns, mais sans hurler dans leurs oreilles. Je voulais mettre de l’avant les violences du quotidien, les possibilit­és, les joies et les connexions, en proposant un certain modèle de communauté. Je pense avoir écrit un texte multidimen­sionnel qui peut donc également se prêter à des lectures multidimen­sionnelles. On y trouve ce qu’on veut. Quels sont tes plus récents projets de films?

Valérie Bah : J’ai participé à un programme de Netflix et de l’INIS pendant neuf mois pour me concentrer sur la scénarisat­ion. J’ai entre autres écrit une websérie illustrant la dynamique entre une jeune slackeuse et sa mère qui ne comprend pas pourquoi sa fille refuser d’entrer dans le monde du travail et un documentai­re sur des activistes de Parc-Extension, qui combattent l’embourgeoi­sement et à qui on a demandé de décrire à quoi pourrait ressembler un espace utopique dans leur quartier. Ensuite, j’ai tourné un documentai­re expériment­al avec l’ONF sur l’expérience des femmes noires infirmière­s, préposées aux bénéficiai­res et éducatrice­s à la petite enfance durant la pandémie. Toutes ces oeuvres se trouvent sur mon site

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