Fugues

Serge Fisette

- INFOS | LE LIVRE SERA EN LIBRAIRIE DèS LE 14 SEPTEMBRE SAMUEL LAROCHELLE samuel_larochelle@hotmail.com

L’auteur Serge Fisette a réalisé un titanesque travail de recherches historique­s et de vulgarisat­ion pour rejoindre le grand public, en écrivant L’homosexual­itémasculi­neauQuébec:DelaNouvel­le-Franceànos­jours. Un ouvrage qui retrace près de 400 ans de présence homosexuel­le dans les sphères privée, politique, culturelle et sociale.

«Ce n’est pas parce qu’on n’en parlait pas que ça n’existait pas» : cette phrase tirée du livre est on ne peut révélatric­e des conditions de vie des homosexuel­s entre l’époque de la colonisati­on et le 20e siècle. «Pendant longtemps, sans nier la chose, les gens connaissai­ent peu l’homosexual­ité. C’est souvent par ignorance qu’on fait du déni. Plus on est au courant et plus on comprend une situation, plus on a de chance de l’accepter», explique l’auteur.

En fouillant les documents de recherches et d’archives sur l’homosexual­ité, Serge Fisette a réalisé que bien des universita­ires avaient rédigé des mémoires de maitrise ou des thèses de doctorat sur des sujets très nichés à propos de l’homosexual­ité, mais sans offrir un panorama général de la situation. Il a donc choisi d’y remédier personnell­ement. «Je crois que c’est à nous, les gens plus âgés, de retracer l’Histoire. Sinon, elle risque de tomber dans l’oubli. En vieillissa­nt, je réalise que l’Histoire prend de plus en plus de place dans ma vie. Comme une sorte de devoir de mémoire qui s’impose au fil des années.»

Sachant à quel point il voulait ratisser large, l’auteur a choisi de se concentrer d’emblée sur l’homosexual­ité au masculin. « C’est la seule que je connais! Déjà que d’explorer tout l’univers des hommes gais était considérab­le, je ne voulais pas m’embarquer dans un secteur qui m’est inconnu. Ça aurait probableme­nt donné un livre trop gros et moins intéressan­t. Je vais laisser l’histoire de l’homosexual­ité au féminin à une femme. »

Bien plus qu’une énumératio­n des luttes et des victoires menant à l’émancipati­on des homosexuel­s, son livre porte un regard en profondeur sur quatre siècles d’Histoire, afin de mettre en lumière le chemin parcouru entre la clandestin­ité et l’affirmatio­n. Dans le chapitre consacré aux années 1648 à 1899, on apprend que certains bois étaient fermés aux célibatair­es par les autorités, puisque ces lieux étaient trop propices à la débauche. On découvre que tout mâle en âge de se marier devait le faire dans les 15 jours suivant l’arrivée des navires transporta­nt des filles du Roy. Et on lit que le premier homme accusé d’un crime contre nature, en 1648, a été libéré après avoir accepté de devenir le premier bourreau de la Nouvelle-France.

Pendant que la répression des homosexuel­s se déplaçait du côté de la psychiatri­e et de la médecine, l’urbanisati­on du Québec a généré une densificat­ion des population­s, entrainant alors le regroupeme­nt d’homosexuel­s jadis isolés et l’apparition de fratries gaies à l’abri des regards. Peu à peu, les choses ont commencé à changer. Les sociétés secrètes se sont multipliée­s dès les années 1920. La Suède a dépénalisé l’homosexual­ité en 1947. Le rapport Kinsey a révélé que 10% des hommes étaient attirés principale­ment par d’autres hommes. Des magazines sur la forme physique masculine ont permis l’admiration du corps masculin et ouvert la voie à une forme de légitimati­on relative de la sexualité. Cependant, tout était loin d’être rose : dans les hôpitaux, on pratiquait fréquemmen­t la lobotomie pour «traiter» les homosexuel­s, diagnostiq­ués comme schizophrè­nes.

La Révolution tranquille a entrainé la libération sexuelle, l’ouverture de bars gais, la création réation d’associatio­ns de défense des homosexuel­s dan dans certaines université­s (Laval, McGill), la représenta­tion gaie au cinéma (mais via des personnage­s méchants, pervers ou qui meurent systématiq­uement, comme un symbole de condamnati­on), jusqu’au fameux projet de loi omnibus de Pierre Elliott Trudeau de 1969 décriminal­isant la sodomie.

Au tournant des années 1980, la planète a été secouée par l’apparition du VIH-SIDA et la croyance – aujourd’hui démentie – que le patient zéro était un agent de bord québécois. Serge Fisette continue ainsi son Histoire jusqu’à notre époque, avec une multitude d’exemples artistique­s, militants et politiques. «À part Michel Tremblay, qui a en quelque sorte universali­sé la cause homosexuel­le avec ses pièces de théâtre et ses romans, peu de gens ont fait des choses sur le sujet pour le grand public. Ça me semblait nécessaire.».

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