Fugues

Michel Joanny-Furtin n’est plus

- ANDRÉ C. PASSIOUR apassiour@gmail.com / YVES LAFONTAINE yveslafont­aine@fugues.com DENIS-DANIEL BOULLé denisdanie­lster@gmail.com

L’équipe de Fugues vient de perdre un ami et un fidèle collaborat­eur en la personne de Michel Joanny-Furtin. Entré à l’hôpital pour des problèmes de santé chroniques, il est décédé dans la nuit du 13 au 14 août à l’âge de 63 ans.

Né le 24 octobre 1957 dans la commune de Charolles en France, Michel a cultivé toute sa vie bien des passions, dont une pour le Québec et une autre pour le journalism­e. Mais avant d’être journalist­e et d’immigrer dans la Belle Province, Michel a oeuvré en France comme travailleu­r social auprès des jeunes sourd.e.s et des familles dans le besoin. De cette expérience, il avait gardé le gout de venir en aide à autrui. Michel est toujours resté prompt à rendre service lorsqu’il le pouvait. Ce sens du dévouement était indissocia­blement lié au sens de l’amitié que Michel cultivait avec égard et attention.

Sa carrière a bifurqué ensuite dans les relations publiques, la radio et la presse, surtout en culture. Ce travail l’a amené à vivre dans plusieurs régions de France. Sans avoir encore mis les pieds au Québec, il a collaboré avec Radio-Canada comme chroniqueu­r lors de différente­s éditions du Festival de Cannes.

Michel est réellement tombé en amour avec le Québec en 1999. Un double coup de foudre, devrait-on dire, puisqu’il rencontre un Québécois lors de ce premier séjour, en assistant au spectacle Mascara – La nuit des drags, présenté par Mado dans le cadre du du Festival Divers/Cité. Ce Québécois, prénommé Stéphan, deviendra son conjoint. Qui prend mari prend pays; Michel s’installera définitive­ment à Montréal l’année suivante et tentera sa chance dans les médias écrits d’ici. «C'est le Québec qui m'a mis à l'écriture…»

Chez Fugues, où il est arrivé à la fin 2002, il a trouvé une deuxième famille profession­nelle. Comme bien d’autres, il s’est rapidement attaché aussi bien au magazine qu’à ceux qui y travaillen­t. Il a réalisé au fil des ans plus de 600 reportages et entrevues pour Fugues, sur divers aspects de la communauté et sur la culture. Au même moment, il a aussi commencé à écrire – et ce jusqu’à son décès – pour de nombreux hebdomadai­res de quartiers montréalai­s ainsi que pour des revues et des sites Web spécialisé­s.

En parallèle, Michel s’est aussi investi dans le bénévolat et le milieu communauta­ire. Et, tout naturellem­ent, il s’est tourné, entre autres, vers des organismes communauta­ires gais. «Très jeune, j'ai senti que j'étais différent, et ma sortie du placard s’est faite à dose homéopathi­que selon les milieux dans lesquels j'évoluais. J'ai l'impression que, pendant cette période d'orages, et malgré quelques douches froides, j'ai réussi à passer entre les gouttes sans trop d'éclairs ni de tonnerre.

La communauté d'ici et le Village m'ont permis d’être et de le dire», confiait Michel à son ami, collègue et voisin Denis-Daniel Boullé lors d’une entrevue pour un portrait que ce dernier avait fait de lui dans Fugues, en 2013. Rappelons que Michel a collaboré à la remise en forme des Prix Arc-en-Ciel et de son gala, une expertise qu’il mettra ensuite au service du Gala Phénicia. Il s’est également impliqué pendant plusieurs années dans la Chambre de commerce LGBT du Québec. Comme animateur-producteur, il a travaillé aux émissions Arc-en-ciel sur CINQ FM et Opér’Apéritif – une émission sur l’opéra – à CIBL FM. L’homme était un passionné de cinéma, mais encore plus d’art lyrique et de musique classique, ce qui ne l’empêchait pas d’apprécier la chanson plus actuelle et les spectacles de drag.

Il serait difficile de ne pas souligner une autre de ses folies : son amour pour la moto. Longtemps été membre de l’Associatio­n des motocyclis­tes gais du Québec (AMGQ), il se déplaçait aussi souvent qu’il le pouvait avec sa moto, la sortant dès les premiers beaux jours et retardant la remise au garage à chaque hiver.

Ce que les gens appréciaie­nt le plus chez lui, c’est son empathie et sa patience. Quoique… Il est bon de préciser que, s’il avait de la patience avec les gens, celle-ci disparaiss­ait en une fraction de seconde avec les choses matérielle­s. «Les objets m'en veulent», affirmaiti­l souvent à la blague. À ce moment-là, ses origines françaises reprenaien­t le dessus avec un vocabulair­e coloré et explicite à faire rougir les bonnes soeurs. Heureuseme­nt, son sens de l’humour et sa capacité à se remettre en question lui permettaie­nt de retrouver très vite sa bonhomie.

Bien entendu, des petits coups de blues de la mère patrie pouvaient l’assaillir, mais ils ne duraient que l’instant d’y penser. Il regrettait seulement deux choses au Québec : l’absence de TGV et cette distance trop grande entre les deux continents. Jovial, amical, sympathiqu­e, Michel était un bon vivant. Il aimait la bonne chère, c ‘est clair, mais il aimait aussi et surtout la compagnie avec laquelle il prenait un verre, sirotait une bière… ou bouffait du poulet rôti! Nous nous joignons au deuil que vivent aujourd'hui, son conjoint Stéphan, sa mère [NDLR : par souci d’uniformité, je la nommerais aussi] et son frère Gilles, à qui nous offrons nos plus profondes condoléanc­es.

Michel, tu nous manques déjà.

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