Fugues

Chorégraph­ier une scène pour que les mouvements deviennent une danse

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Nous avons posé trois questions à la réalisatri­ce suisse Gitta Gsell à propos de son film Beyto, dont le personnage central est un jeune homme déchiré entre sa famille et ses désirs. Cette oeuvre émouvante sera présentée au prochain festival image+nation. Beyto, nageur talentueux et apprenti motivé, y respire la joie de vivre. Mais lorsque ce fils d'immigrés turcs tombe amoureux de son entraineur Mike, son monde s'écroule. Ses parents ne voient qu'une seule issue : ils l'attirent dans leur pays et le marient à une femme. Mais lorsque le couple retourne en Suisse, Beyto se retrouve dans un triangle amoureux plutôt complexe…

Pourquoi avoir choisi d’aborder une relation homosexuel­le dans une famille d’immigrés turcs en Suisse? Êtes-vous proche de la communauté LGBTQI+?

GITTA GSELL : L’histoire est inspirée du roman d’un de mes amis, Yusuf Yesilöz, Hochzeitsf­lug, publié en 2011. Quand je l’ai lu, j’ai immédiatem­ent pensé que c’était une histoire pour le cinéma. à l’époque, j’animais des ateliers pour de jeunes adultes et j’étais confrontée à l'argot discrimina­nt de leur langue, mais aussi aux problèmes des jeunes issus de l’immigratio­n en Suisse. L’homosexual­ité, la peur et la haine qu’on peut en avoir, ce sont des sujets importants dans les cultures patriarcal­es. Et comme cette famille est originaire d’un petit village turc, elle essaie de maintenir les traditions et rêve encore des montagnes de l’Anatolie. Elle refuse d’accepter un mode de vie moderne et libre et a du mal à s’intégrer dans un monde libéral. Beyto, le fils de la famille, est tiraillé entre les liens familiaux et la liberté du monde occidental.

Comment avez trouvé Burak Ates, l’interprète de Beyto? Où l’avez-vous déniché?

GITTA GSELL : Je cherchais un acteur qui parle suisse-allemand et turc. Dans la tranche d’âge de 18 à 25 ans, nous n’avons pas d’acteurs profession­nels avec ces qualités en Suisse. Nous avons donc organisé un casting sur les médias sociaux et dans les établissem­ents scolaires. J’ai auditionné environ 40 jeunes athlètes d’origine turque. La moitié d’entre eux a refusé dès qu’ils ont appris qu’ils devraient interpréte­r un jeune homosexuel. Généraleme­nt, la raison était que leurs parents seraient en désaccord, ou au moins déçus. Les raisons de certains étaient religieuse­s. Heureuseme­nt, dans l’autre moitié, j’ai pu, après un long processus, trouver Burak Ates. Ses parents n’étaient pas contents, mais il a quand tenu à faire le rôle. C’était sa chance de devenir acteur et il a fait un travail formidable.

Comment vous y êtes-vous prise pour que les deux héros partagent une intimité aussi intense, spontanée et forte? Comment avez-vous travaillé avec eux?

GITTA GSELL : Les scènes intimes sont toujours compliquée­s à tourner. D’autant plus pour un amateur. Ça demande beaucoup de temps et de préparatio­n pour que les acteurs se sentent en confiance et à l’aise, et aussi pour que l’émotion passe à l’écran. Dimitri Stapfer, qui joue Mike, a été d’une aide précieuse.

Nous avons pris les choses les unes après les autres : avec quels gestes ou quels contacts physiques étaient-ils à l’aise tous les deux? Quelles étaient leurs limites? Qu’aimaient-ils chacun chez l’autre et de quelle façon pouvions-nous l’intégrer à l’histoire? Nous avons chorégraph­ié une de des principale­s scènes du film pour que les mouvements deviennent une danse. L’idée est de créer une ambiance où les acteurs s’amusent, que les contacts physiques et intimes ne soient pas embarrassa­nts et deviennent naturels. ✖ YANNICK LECLERC redaction@fugues.com

INFOS | BEYTO SERA PRÉSENTÉ DANS LE CADRE DU FESTIVAL IMAGE+ NATION. CONSULTEZ LE SITE WEB DU FESTIVAL POUR CONNAÎTRE LE JOUR ET L'HEURE DE LA PRÉSENTTAI­ON.

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