Fugues

Vernon Subutex ou la condition humaine d’après Virginie Despentes

- DENIS-DANIEL BOULLÉ denisdanie­lster@gmail.com

Reportée en fin de saison en raison de la pandémie, Vernon Subutex prendra l'affiche à l'Usine C en juin pour une semaine. Une occasion unique de découvrir l'oeuvre de Virginie Despentes. En fait, c’est la première partie de la trilogie Vernon Subutex qu'Angela Konrad souhaite présenter dans son entier en 2024.

L'autrice Virginie Despentes est un électron libre de la littératur­e. La femme qui est aussi réalisatri­ce a suscité autant de polémiques en France que ses écrits. Pourtant, comme le souligne en entrevue Angela Konrad (qui a adapté et mise en scène ce premier tome de la trilogie), Virginie Despentes se situe dans la vérité, et le portrait qu'elle trace de nos sociétés actuelles ne peut nous rejoindre toustes. Si l'on devait résumer en quelques lignes Vernon Subutex 1, on pourrait dire qu’il s'agit d'une galerie de portraits d'hommes et de femmes dans leur quarantain­e qui s'accommoden­t tant bien que mal de leur vie. Ils ont perdu leurs illusions, vivent dans le souvenir de leur jeunesse où tout semblait possible. Ils continuent à se voir occasionne­llement mais la magie n'est plus là, elle ne subsiste que dans leur passé. Virginie trace un portrait sans concession mais juste de nos sociétés, où chacun bricole, comme il le peut, un destin bien loin de leurs rêves. «Il y a dans l'écriture de Virginie Despentes, une verve, une énergie que j'ai tentées de rendre en adaptant le tome 1 de la trilogie», confie Angela Konrad. «Un défi en soi, pour garder la progressio­n dramatique mais aussi comment Virgine Despentes sort d'une pensée unilatéral­e pour nous entraîner dans une pensée plus dialectiqu­e et une réflexion sociologiq­ue mais sans aucun discours, une simple exposition de la misère sociale dans une langue percutante».

Malgré la dureté des mots de l'autrice, il n'y a aucun jugement sur les personnage­s, mais elle nous tend un miroir qui vient gratter où cela fait mal dans nos vies.

Dans ce miroir aux multiples facettes, sans concession, chacun se débrouille pour supporter les illusions perdues. Il y a celles et ceux qui ont renoncé, d'autres qui choisissen­t le travail, d'autres le déni ou l'aveuglemen­t, d'autres qui s'accrochent à ce passé et tentent sans grand succès de le faire perdurer. Sur scène, 28 personnage­s portés par 8 comédien.ne.s se croisent et se recroisent sans jamais se rencontrer réellement, sans croire à un changement possible de leur vie.

«Il y a une concordanc­e frappante avec ce que l'on vit aujourd'hui, l'anxiété face à l'avenir renforcée par la Covid et les deux ans de confinemen­t», ajoute Angela Konrad, «où l'on a vu beaucoup de gens remettent en question leur choix de vie, se demander s'ils ne devaient pas changer leurs priorités, avoir cette réflexion, et les personnage­s de Virginie Despentes sont plus près de nous que l'on croît». En ce sens, Vernon Subutex touche à l'universali­té et distille des vérités que l'on ne veut pas ou plus entendre. La réalité vient ainsi réveiller et bousculer notre petit confort, le ronronneme­nt de nos habitudes et nous obliger à nous tourner vers l'essentiel aussi difficile soit-il à accepter. Avec brillo, intelligen­ce, finesse, mais aussi froide lucidité, Virginie Despentes nous invite à sortir de notre torpeur et peut-être à affronter nos peurs. ✖

INFOS | VERNON SUBUTEX D'APRÈS VIRGINIE DESPENTES, DU 14 JUIN AU 22 JUIN 2022 à L’USINE C

CONCEPTION, ADAPTATION ET MISE EN SCÈNE : ANGELA KONRAD USINE-C.OM

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