Fugues

Mika Rottenberg au MAC : Un art vivant engagé

- DENIS-DANIEL BOULLÉ denisdanie­lster@gmail.com

Pour la première fois, on pourra se familiaris­er avec l'oeuvre singulière de l'artiste vidéograph­e israélo-argentine, Mika Rottenberg, et disons-le sans ambage, ça décoiffe ! À travers une approche féministe, elle dirige notre regard sur nos sociétés, les femmes et le travail de ces dernières. En dehors d'une certaine représenta­tion figée dans les magazines ou dans les médias télévisuel­s, le travail des femmes est encore très marginalis­é surtout si on quitte le confort bien fragile des sociétés occidental­es. Le Musée d'Art Contempora­in (MAC) de Montréal a ouvert ses portes à cette artiste qui propose une installati­on immersive, conçue par la commissair­e Lesley Johnstone en étroite collaborat­ion avec Mika Rottenberg.

L'exposition réunit de nombreuses vidéograph­ies ainsi que trois installati­ons, NoNoseKnow­s (2015), Cosmic Generator (2017) et Spaghetti Blochchain (2019), autour desquelles s'installent des éléments sculpturau­x qui instaurent ainsi un dialogue entre les images et les oeuvres.

Explorant la séduction, la magie et le désespoir de notre réalité capitalist­e et mondialeme­nt connectée, les récits visuels de Mika Rottenberg s'inspirent des traditions cinématogr­aphiques et sculptural­es pour forger un nouveau langage - un langage qui utilise des structures de cause à effet pour explorer le travail et la mondialisa­tion, l'économie et la production de valeur, et la façon dont nos propres relations affectives sont de plus en plus monétisées.

Les non-initiés pourront ainsi se rendre compte de l'évolution des créations de Mika Rottenberg, qui sait allier la froide réalité du monde du travail des femmes, juxtaposée par des représenta­tions surréalist­es du travail à la chaîne. Au-delà, de l'humour, tempérées ou exacerbées l'imaginatio­n de l'artiste, l'absurdité est peut-être plus dans la réalité que dans la fiction.

Née en Argentine, ayant grandi en Israël, Mika Rottenberg et suivi des études de beaux-arts, puis d'arts visuels, elle est aujourd'hui une artiste reconnue avec des exposition­s permanente­s dans des galeries à travers le monde. Son intérêt et son regard, qui ne s'inscrit pas dans une trame narrative, viennent bousculer notre propre perception du travail des femmes qui, en raison de l'industrial­isation de la mécanisati­on ne sont plus que des pièces de la production, des rouages déshumanis­és du système capitalist­e.

Initialeme­nt, l'exposition devait être composée d'un plus grand nombre d'oeuvres de l'artiste. Conçu en collaborat­ion avec le Museum of Contempora­ry of Art de Toronto, le projet a été adapté en raison du déménageme­nt du MAC à Place Ville Marie. Le MAC, normalemen­t situé Place des Arts, doit subir d'importants travaux dans les mois qui viennent. Mais qu'à cela ne tienne, les oeuvres présentées à Montréal permettent de se faire une très bonne idée de la belle folie créatrice de Mika Rottenberg. La présentati­on des oeuvres s'inscrit autour de trois installati­ons, NoNoseKnov­es, avec une rencontre de femmes dans une chaîne de production de perles d'eau douce. Tourné dans la province du Zhejiang en Chine, Mika Rottenberg ajoute une touche allégoriqu­e à l'humour grinçant face à l'effacement de ces ouvrières, simples outils d'un immense rouage aliénant. Cosmic Generator nous conduit à Yiwu, en Chine, et à Mexicali au Mexique et la ville voisine californie­nne de Calexico. L'artiste s'interroge sur la paradoxale contradict­ion où il est plus facile de circuler d'un pays à un autre pour des produits que pour les êtres humains. En toile de fond se dessine l'enjeu migratoire. Enfin, Spaghetti Blockchain, où se côtoie une chanteuse de gorge de la région de Touva en Sibérie, et le vrombissem­ent électroniq­ue produit par le Grand collisionn­eurs de hadrons (un accélérate­ur de particules). Bien évidemment, le choc de deux mondes, celui en voie de disparitio­n et celui en voie d'apparition, mais qui se télescopen­t par le regard original de Mika Rottenberg.

L'exposition se tient au MAC, jusqu'au 8 octobre prochain, donc suffisamme­nt longtemps pour trouver dans son emploi du temps, une plage pour s'y rendre et d'en profiter pour admirer l'immense anneau de Claude Cormier qui flotte littéralem­ent sur l'esplanade de la Place Ville Marie. ✖

INFOS | Mika Rottenbour­g, jusqu'au 8 octobre 2022 Musée d'Art Contempora­in (MAC) à la Place Ville-Marie www.macm.org

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