Fugues

Ne procuratio­n de paternité

- FRÉDÉRIC TREM frederic.tremblay9@gma

ain et Julian ont continué de se fréquenter, bien que manière discontinu­e : Julian trouve rarement le temps ouffler entre ses rôles de travailleu­r et de père. Sylvain s’en plaint pas trop. Ses nombreuses initiative­s pour ouver l’inspiratio­n ont finalement porté fruit, et il s’est c lancé avec entrain dans l’écriture de son prochain an. L’art ne le garde pourtant occupé que par vagues, ux périodes d’intense productivi­té s’enchainent des ments de désespéran­te langueur. Mais il sait qu’il ctionne ainsi et il n’en conçoit donc pas trop d’anxiété.

que son esprit n’est plus monopolisé par la sculpture de son gue et de ses personnage­s, il tend à revenir à Julian et à l’avenir leur imagine. Il sait qu’il a tendance à se bâtir des châteaux en gne – et même s’il est aussi doué pour les déconstrui­re que pour onstruire, l’exercice de démontage ne se fait jamais sans une aine tristesse. Il essaie donc de se retenir de trop errer de ce -là. Mais le beau visage de son amant ne peut faire autrement que de lui revenir en tête. Et il doit avouer que la perspectiv­e de finalement rencontrer sa fille Léanne lui plait bien aussi.

Après une dizaine de rendez-vous, qu’ils passent en activités diverses au cours desquelles ils apprennent à se connaitre de fond en comble, ça y est : Julian lui apprend qu’il se sent enfin prêt à les présenter l’un à l’autre. «Tu es sûr? s’enquiert Sylvain. Je ne veux pas que tu te sentes pressé. Je dois avouer que j’ai hâte, mais ça doit se faire sur ton temps, pas sur le mien…» «Je suis sûr, répond fermement Julian. Tu as très bien fait ça et tu ne m’as mis aucune pression.» En effet, c’était toujours Julian qui avait fait les premiers pas – ou plutôt les premières paroles – à propos de sa fille; et Sylvain avait posé des questions qui démontraie­nt son intérêt sans jamais mentionner de possibilit­é d’une quelconque intégratio­n de sa propre personne dans la vie de la petite. «Mais je me suis posé la question à chaque fois qu’on s’est vus, et aujourd’hui, je me sens prêt. Je lui en parlais à elle aussi, d’ailleurs, pour prendre son pouls. Et elle est prête aussi.»

Sylvain ressent un pincement au coeur de savoir qu’à son insu, il occupait déjà une certaine place dans la vie de Léanne. Il se demande quel mot Julian a utilisé pour le désigner – «ami»? «fréquentat­ion»? «copain»? Il se demande aussi ce que Léanne disait de lui. Il ne le saura probableme­nt jamais… mais qu’importe? L’essentiel est que tant le père que la fille soient enfin prêts à lui ménager un espace à côté d’eux.

Sylvain demande à Julian ce qu’il a en tête comme contexte de première rencontre. «Léanne adore les parcs, surtout ceux avec des jeux d’eau. Je me disais que tu pourrais nous accompagne­r à celui de notre quartier.» «Et on fait ça quand?» Julian sourit. «Ton enthousias­me est mignon. Allons pour le weekend prochain, si ça te va?» Ça lui va. Rendez-vous est donc pris pour le samedi d’après. Cette semaine-là, Sylvain a plus de difficulté que d’habitude à se concentrer sur l’écriture. Il passe donc davantage de temps à lire, à s’entrainer et à voir des amis. Quand le samedi arrive enfin, il est à la fois fébrile et étrangemen­t calme. Surtout qu’il se dit que ce sera sans doute la circonstan­ce de sa relation avec Julian qui fera que ça passera ou que ça cassera entre eux – considéran­t que s’il n’arrive pas à se montrer aussi bon beau-père qu’il l’espère, sa fréquentat­ion ne tiendra surement pas à le faire progresser dans son coeur et dans sa famille. Sa sérénité lui vient cependa qu’il se dit que les dés sont déjà jetés. Ce qu’il être et faire pour développer son intérêt à ex fonction de parent ainsi que ses capacités pare l’a déjà été et fait et ne peut pas être ou faire plu être apprendra-t-il aujourd’hui qu’il ne tient pa être beau-père qu’il l’imagine. Peut-être mencera-t-il ensuite à fréquenter de jeunes é plutôt qu’un homme de son âge. Ce faisant, il qu’accepter qui il est jusqu’au bout. Se f agir autrement reviendrai­t à se soumettre à la hétérosexu­elle, et constituer­ait donc un d’homophobie internalis­ée dont il s’est toujours était guéri.

La rencontre lui confirme plutôt qu’il adore les et qu’il tient à contribuer à en élever un. Ou d une, puisqu’il ne sait pas si le sentiment s’appliquer à d’autres qu’à Léanne. Quoiqu’il e petite le charme au-delà des mots. Sa cand énergie, son rire : tout d’elle l’enchante. Il se di qu’elle retient de physique de Julian – le don sperme de ses deux papas – y contribue san Il y a probableme­nt aussi dans son attitu comporteme­nts de l’autre papa, mais il ne le pas assez pour le savoir; et même si cette r soulève chez lui un soupçon de jalousie, celle-ci résolue par la joie de vivre de l’enfant.

Léanne et Sylvain courent dans le parc et vo dans l’eau tandis que Julian, content de vo s’entendent comme larrons en foire, se prélasse en les observant. Puis ils reviennent et dinent père, qui leur fait raconter ce qu’ils ont vécu en même s’il y a assisté, rien que pour consoli précieux souvenirs. En après-midi, il se joint à plus grand plaisir de Sylvain, dont le coeur déb bonheur de pouvoir profiter en même temps qu’il connait et de la fille qu’il découvre. En journée, Sylvain dit à Julian : «C’était génial, vr Je ne sais pas comment te remercier de ce que fait vivre.» Julian lui répond : «Efforce-toi de n blesser en disparaiss­ant de nos vies : ce sera le remercieme­nt.». ✖

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