L'actu

«Les cheveux des enfants étaient collés par la glace»

À Angoulême (Charente), des centaines d’exilés espagnols ont été internés dans un camp, puis déportés.

- M. D.

Gregorio Lázaro préside l’Associatio­n des Espagnols de Charente. Sa mère, Dolores, s’est réfugiée en France au moment de la Retirada.

Le témoin

• Valises. « L’histoire de ma mère débute à Málaga. Sa famille est “rouge”, républicai­ne. En février 1937, à 25 ans, Dolores prend deux valises et s’en va. Elle emprunte alors la “route de la mort”, un chemin qui longe la mer jusqu’à Almería. Les bombes pleuvent sur le passage des exilés. »

• Bus. « Elle poursuit ensuite son chemin jusqu’à Barcelone, en Catalogne, puis passe la frontière à bord d’un bus. C’est une chance : cela la protège du froid et de la fatigue. Plus tard, elle est envoyée dans un camp à Angoulême. »

prévoit en effet l’internemen­t des “indésirabl­es étrangers”. » Femmes et enfants sont dispersés dans 77 départemen­ts. Ils sont installés dans des granges, dans d’anciennes prisons, dans des forteresse­s… Les hommes en âge de travailler sont parqués dans des camps, notamment sur les plages d’Argelès-surMer. Il n’y a rien, à part des fils barbelés. « Les exilés s’enfouissen­t dans le sable pour se protéger du froid, vigoureux cet hiver-là. Peu à peu, ils • Cabanes. « Dans le camp des Alliers, en constructi­on, il y a quelques cabanes en bois. Les latrines (toilettes) se résument à une tranchée, et il n’y a qu’un seul point d’eau. Tous les matins, les mères couvrent d’un linge les cheveux de leurs enfants collés par la glace, pour les réchauffer. » se fabriquent des baraquemen­ts. » Au printemps, un bon nombre d’entre eux retournent en Espagne. D’autres restent travailler dans l’industrie, l’agricultur­e… Après la défaite de juin 1940 face à l’Allemagne nazie, le travail s’arrête pour la plupart de ces réfugiés. Considérés comme des opposants politiques, certains sont déportés dans le camp de concentrat­ion de Mauthausen, en Autriche (lire ci-dessus). D’autres s’engagent dans la Résistance. • Déportés. « Le 20 août 1940, 927 exilés sont envoyés par train à bestiaux vers Mauthausen. Les hommes de plus de 12 ans y sont internés. Seuls 73 ont survécu. Les femmes et les enfants sont renvoyés vers l’Espagne. Ma mère, sentant le danger, s’était échappée la veille de la rafle. »

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