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«Poutine impose une vision “positive” de l’histoire russe »

Seconde Guerre mondiale, frontières du pays... En Russie, les cours d’histoire sont au service de la propagande, notamment sur l’invasion de l’Ukraine.

- S. G.

PLes faits

our justifier sa politique, le gouverneme­nt russe manipul e l ’ hi s t oi re, y compris dans les manuels scolaires utilisés dans le pays.

L’experte

Korine Amacher est professeur­e d’histoire russe et soviétique (de l’URSS) à l’université de Genève (Suisse).

• Passé glorifié. « Avec l’arrivée de Vladimir Poutine, en 2000, il y a eu un changement dans l’enseigneme­nt de l’histoire. Dans les années 1990, les manuels scolaires étaient différents. Par exemple, ils dénonçaien­t les crimes commis à l’époque de Staline. Devenu président, Poutine s’est intéressé à l’histoire et a voulu taire certains épisodes “négatifs”, notamment sur Staline. Il a préféré montrer un passé glorieux dans le but de rendre les élèves fiers de leur pays. Depuis, le gouverneme­nt soutient les livres partageant cette vision “positive” de l’histoire russe. Petit à petit, les enseignant­s n’ont presque plus utilisé que ces manuels (lire Chiffres clés), même si d’autres existent. »

• Succès mis en avant. « Ces manuels ne cachent pas des événements, mais ils les justifient par un but considéré comme juste. Ils diminuent le nombre de morts sous Staline. Ils passent vite sur des éléments pour se concentrer sur les succès. Par exemple, ils disent que la collectivi­sation menée en 1929 a renforcé et industrial­isé l’URSS, et que la famine des années 1930 était liée aussi au climat. Sur la Seconde Guerre mondiale, ils expliquent que le Pacte germano-soviétique a permis de retarder l’entrée en guerre pour mieux se préparer, et que, grâce à cela, l’URSS a ensuite sauvé l’Europe. Les accords secrets passés

«LES PROFS N’UTILISENT PRESQUE PLUS QUE DES MANUELS SCOLAIRES PARTAGEANT LES IDÉES DU GOUVERNEME­NT.»

avec l’Allemagne nazie pour se partager des pays — Pologne, États baltes… — sont souvent j ustifiés, l es manuels évoquant une “libération” de ces pays au lieu d’une conquête. »

• Ancienne Russie. « Des territoire­s sont présentés comme appartenan­t historique­ment à la Russie. Selon Poutine, la Crimée est russe car elle a fait partie de la Russie jusqu’en 1954, après avoir été conquise à la fin du XVIIIe siècle. Il considère aussi la Rous de Kiev comme le premier État russe, ce qui fait de l’actuelle capitale ukrainienn­e le berceau de la Russie. Cela lui sert à justifier l’invasion de l’Ukraine. »

• Autocensur­e des profs. « Les enseignant­s russes sont moins libres aujourd’hui que dans les années 1990. Il y a beaucoup d’autocensur­e.

Ils font attention à ce qu’ils disent dans leurs cours. C’est le cas pour l’invasion russe de l’Ukraine. S’ils parlent de “guerre” et non d’“opération militaire spéciale”, ils risquent d’être dénoncés et arrêtés. Dans les prochaines éditions des manuels, le mot “Ukraine” sera sûrement utilisé le moins possible, pour nier l’indépendan­ce de ce pays, son histoire, et souligner l’unificatio­n avec la Russie. »

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