“L’Abbé Pierre a eu une vie romanesque, il a été un insurgé jusqu’à sa mort”
Qu’est-ce qui vous a fasciné dans la vie de l’Abbé Pierre (1912-2007) ? Benjamin Lavernhe : Son romanesque ! Sa vie ressemble à un scénario. Elle a été foisonnante, épique : la formation spirituelle, la guerre, la Résistance, l’action politique, la création d’Emmaüs… J’ai été frappé par la durée de son engagement, son endurance, jusqu’à sa mort, à 94 ans. Il n’a cessé de lutter contre la fatalité de la misère. Il était toujours aussi insurgé dans sa vieillesse et continuait à déplacer des montagnes.
Que vous inspire-t-il ?
J’ai été très touché par sa personnalité ultra-sensible et tourmentée, dont j’ai pris conscience en lisant ses écrits de jeunesse et ses échanges épistolaires avec son meilleur ami. Il était exigeant avec lui-même, hyper-sensible, et il en souffrait. La misère et la souffrance des autres lui étaient insupportables. Il se voyait ayant un grand destin et se sentait investi d’une mission : être celui qui sauve. J’ai été impressionné aussi par le personnage médiatique, le communicant.
Le film met en lumière Lucie Coutaz, qui a énormément compté dans sa vie. Qui était-elle ?
Ils se sont rencontrés quand elle lui a fabriqué de faux papiers dans la Résistance et ils ne se sont plus jamais quittés. Ils ont eu une relation d’amitié, de profond respect, une dévotion totale l’un envers l’autre. Ils étaient complémentaires : elle faisait les comptes, rattrapait ses erreurs, l’engueulait même ! Il avait demandé une permission à l’Église pour habiter sous le même toit qu’elle. Ils se sont vouvoyés toute leur vie et il l’appelait « mademoiselle ».
Quelle scène du film a été la plus difficile à jouer ?
Le discours de l’enterrement de Lucie Coutaz. J’étais seul à parler face à 100 figurants. Autant c’est galvanisant si l’on doit haranguer la foule avec de grands messages, autant cela devient difficile dans une scène aussi intime. Dans le film, l’Abbé Pierre est alors très âgé. Je portais donc des lentilles de contact et un masque de silicone. Exprimer des émotions avec ce visage « enfermé » a été pour moi très compliqué.
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