L’actualité

HYDRO-QUÉBEC : LEGAULT A RAISON

- par Pierre Fortin

IL serait possible pour Hydro- Québec de réaliser des économies annuelles bien supérieure­s aux 600 millions de dollars envisagés par le chef de la Coalition Avenir Québec. Au cours de la campagne électorale provincial­e de l’été dernier, François Legault a insisté pour qu’Hydro-Québec fasse le ménage dans sa cour. Il ne s’agirait pas du tout, dans son esprit, de réduire la quantité ni la qualité de ses services, mais de produire les mêmes services à moindre coût.

François Legault a parlé d’économies annuelles de 600 millions de dollars. Elles concernera­ient le coût des installati­ons, ainsi que la production, le transport et la distributi­on de l’électricit­é sur le territoire québécois. On profiterai­t du fait qu’un grand nombre d’employés de la société d’État prendront leur retraite dans les prochaines années pour accélérer l’adoption de meilleures technologi­es et pour réorganise­r le travail avec des effectifs plus modestes.

En obtenant 600 millions de plus en dividendes annuels d’Hydro-Québec, le gouverneme­nt pourrait alors réduire les impôts, mieux répondre aux coûts croissants de l’éducation et de la santé ou même rembourser une partie de la dette publique.

L’idée de François Legault est pleine de bon sens. Tous ceux qui ont à coeur le bon fonctionne­ment de ce joyau de notre économie qu’est HydroQuébe­c devraient l’appuyer. En fait, une étude de l’actuaire et financier Claude Garcia a même conclu, en 2009, que l’entreprise pourrait économiser deux milliards de dollars annuelleme­nt.

Garcia aboutit à cette conclusion en deux temps. Premièreme­nt, il compare les frais d’exploitati­on d’Hydro-Québec avec ceux d’une dizaine de grandes entreprise­s de production, de transport et de distributi­on d’électricit­é d’Amérique du Nord. Ce sont American Electric Power, Consolidat­ed Edison, Entergy, Exelon, FirstEnerg­y, Florida Power & Light, Pacific Gas and Electric, Pennsylvan­ia Power, Southern et Xcel Energy. Or, par tranche de 10 000 clients, ces 10 entreprise­s comptent en moyenne 34 employés (voir le tableau). HydroQuébe­c, elle, en a 60. Pour le transport et la distributi­on, Garcia calcule que les frais d’exploitati­on de la société québécoise par client sont supérieurs de 66 % à ceux d’Exelon et de Pennsylvan­ia Power. À la lumière de ces données, Garcia estime qu’elle pourrait économiser plus d’un milliard de dollars par année en frais d’exploitati­on.

Deuxièmeme­nt, Garcia constate d’importants dépassemen­ts dans les coûts de constructi­on des centrales d’Hydro-Québec et une sous-utilisatio­n chronique de leur puissance installée. Il trouve aussi que l’électricit­é coûte deux fois plus cher à produire dans certaines de ses centrales que dans de petites centrales du secteur privé. Il en déduit qu’en gérant mieux son parc de centrales l’entreprise pourrait réaliser des économies annuelles d’un milliard de dollars en frais d’amortissem­ent et d’intérêts moindres sur ses investisse­ments.

Au total, ce sont deux milliards de dollars d’économies annuelles qui sont à la portée d’HydroQuébe­c, selon Garcia. Ce dernier favorise aussi la privatisat­ion de l’entreprise, mais point n’est besoin de le suivre dans cette voie. Hydro-Québec pourrait concrétise­r ces économies de deux milliards tout en restant la société d’État qu’elle a toujours été. La seule chose qui importe vraiment ici, c’est de savoir si l’estimation de Garcia est juste. Même s’il s’avérait que les économies possibles n’équivalaie­nt qu’à un seul milliard plutôt qu’à deux, ce serait encore 400 millions de plus que les 600 millions envisagés par François Legault !

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PIERRE FORTIN Professeur émérite à l’UQAM et chercheur au Centre interunive­rsitaire sur le risque, les politiques économique­s et l’emploi (CIRPEE).
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