Leprintempsérablequ’avéculequébec
a été l’événement phare de l’année politique 2012 au Canada, et pas seulement parce qu’il a précipité un changement de garde à l’Assemblée nationale. Au-delà du conflit étudiant, le rôle incontournable de la rue dans la fin de règne de Jean Charest est emblématique d’un malaise politique qui dépasse le cadre québécois. La démocratie parlementaire file un mauvais coton au Canada, et les hommes et les femmes qui se partagent le pouvoir en sont généralement les artisans.
Au Parlement fédéral, le gouvernement, fort de sa majorité, en profite pour court-circuiter les débats. Le bilan législatif du gouvernement de Stephen Harper en 2012 se résume, pour l’essentiel, à deux mégaprojets de loi budgétaires enfoncés dans la gorge de l’opposition.
Dans le même esprit, il convient de moins en moins de parler d’échanges pour décrire les passes d’armes de la période des questions à Ottawa. La plupart du temps, les réponses du gouvernement aux questions de l’opposition se résument à une insulte à l’intelligence. La même logique préside à une bonne partie des échanges entre la presse parlementaire et le pouvoir conservateur.
Le pire, c’est qu’il y a pire. Alors que le Parlement fédéral prend au moins le temps de délibérer, ce n’est pas le cas en Colombie-Britannique et en Ontario. À Victoria, la première ministre, Christy Clark, a annulé la session d’automne pour se consacrer à la préparation d’une campagne électorale qui s’annonce difficile pour son gouvernement libéral, au printemps. En Ontario, Dalton McGuinty a prorogé la session parlementaire en rendant son tablier de premier ministre, en octobre.
Si le passé récent est garant de l’avenir, il ne faut pas nécessairement compter sur des élections pour assainir le climat politique.
En Colombie-Britannique, la descente aux enfers du gouvernement a été déclenchée par une promesse électorale rompue. Sitôt réélu pour un troisième mandat, l’ex-premier ministre Gordon Campbell — à qui a succédé Christy Clark en mars 2011 — entreprenait de faire le contraire de ce qu’il avait juré en campagne en harmonisant la taxe de vente provinciale avec la TPS.
En Ontario, la dernière campagne, qui a eu lieu il y a à peine plus d’un an, a fait peu de place aux dures réalités budgétaires qui attendaient le nouveau gouvernement. Dans la mire du régime d’austérité de Dalton McGuinty, des alliés libéraux, comme les enseignants, se sont sentis trahis.
Au Québec, le premier budget du gouvernement de Pauline Marois collait plutôt mal au programme défendu par le PQ en campagne. Pourtant, moins de 100 jours séparaient les deux.
D’un bout à l’autre du Canada, le sentiment d’impuissance de l’électorat est exacerbé par une réforme électorale au point mort et des partis plus soucieux de se mettre en piste pour profiter à leur tour du statu quo que pour le modifier.
Pourtant, le système actuel force les électeurs, en particulier ceux qui se réclament du courant progressiste, à des choix déchirants. Les appels du pied du Parti québécois aux partisans de Québec solidaire et d’Option nationale l’ont bien montré lors du scrutin du 4 septembre.
En Alberta, le printemps dernier, bien des libéraux et même des néo-démocrates ont abandonné leur parti pour aider les progressistes-conservateurs d’Alison Redford à bloquer la route du pouvoir à la droite pure et dure du parti Wildrose.
Dans le cadre d’une élection partielle fédérale dans Victoria à la fin novembre, les électeurs de gauche et de centre gauche se sont retrouvés devant le choix ou bien de porter un coup de Jarnac au leadership de Thomas Mulcair en votant vert, ou bien d’infliger le même sort aux espoirs d’Elizabeth May de faire élire un deuxième député de sa formation en continuant d’appuyer le NPD.
Une étude réalisée cet automne par Environics pour la Fondation Trudeau révèle qu’un nombre croissant de Canadiens voient l’action citoyenne comme un moyen légitime de faire avancer des causes importantes. Ainsi, 86 % des répondants appuient le recours à des référendums d’initiative populaire, comme celui qui a eu raison de la taxe harmonisée en Colombie-Britannique ; 62 % ont dit être sympathiques au mouvement Occupy et 56 % (mais seulement 45 % au Québec) au mouvement étudiant québécois.
À force de semer le vent dans les lieux de débat parlementaire, nos élus s’exposent à récolter de plus en plus de tempêtes.