LE BRUIT DU VENT
a b e s o i n d ’e s p a c e p o u r s e déployer. « Sinon, on ne peut plus avoir d’opinions réfléchies sur soi ou sur les autres. On calque alors celles qu’on lit à la chaîne. »
En plus de notre équilibre mental, les fondements de notre humanité seraient-ils menacés par cette veille technologique permanente ? Daniel D. Jacques, professeur de philosophie au cégep François-Xavier-Garneau, à Québec, s’intéresse aux liens entre humanisme et technologie. « La pensée est liée à une certaine discipline : la lecture et la discussion, qui favorisent un approfondissement de la réflexion, dit-il. Mais là, tout est fragmenté ; on ne lit plus et n’écrit plus de la même manière : on le voit dans les travaux des étudiants. L’humanisme, c’est la transmission au fil des générations d’un même héritage intellectuel, mais pour cela, il faut prendre le temps de lire les livres ! En outre, avec les nouveaux médias, on est toujours dans l’information au présent, sans lien avec le passé. » Bref, sans perspective historique qui permettrait de comprendre ce présent.
Et ce que nous perdons surtout, c’est une sorte de paix, un moment de flottement. Comme lorsque les joueurs bottent le ballon si haut qu’il s’accroche un instant au point le plus élevé de sa trajectoire. Là, loin de la clameur, dans le silence du haut des airs, il suspend son vol, avec comme unique trame sonore le bruit du vent.
Ma i s c o m m e l e c h a n t e Louis-Jean Cormier : « L’air / D’après ce que j’entends / C’est un concert / Qu’on n’écoute plus vraiment. »