L’actualité

HAÏTI SAUVAGE

Bonbon, Jérémie, l’Île à Vache… notre reporter a joué au touriste à Haïti. La Perle des Antilles a effectivem­ent beaucoup à offrir, et pas que dans les tout compris !

- par Guillaume Bourgault-Côté • photos de Simon Couturier

La petite motochinoi­seque pilote le jeune Fanfan — un des innombrabl­es Haïtiens qui s’improvisen­t taxis — peine sur la routedeter­re qui relie Jérémie aux Abricots, à l’extrême ouest de l’île d’Hispaniola. Il y a les trous, les roches, le poids de trois passagers, la chaleur : le moteur souffre. Pour alléger le fardeau, on monte les côtes à pied, avant de reprendre au sommet la chevauchée dans cette Haïti peu fréquentée, pleine de lumière et de silence.

Après 90 minutes de ce régime, la moto s’arrête net sur un promontoir­e naturel. Notre regard plonge dans un bout d’éternité : l’eau turquoise de la mer des Caraïbes, limpide. Les palmiers accrochés à des falaises qui marquent les contours de la baie. Quelques maisonnett­es que l’on devine derrière la plage. Et deux voiliers de bois ancrés au centre de l’anse. Pure merveille sous le soleil. Un petit village délicieuse mentnommé Bonbon.

Dans le hameau, une ribambelle d’enfants s’amusent de nous voir— deux Blancs— chambouler la langueur d’un aprèsmidi de mars. Sur la plage, une dizaine d’ hommesterm­inent la constructi­on à la main de la coque d’une caravelle de bois, qui servira à transporte­r du charbon vers PortauPrin­ce. Le temps paraît suspendu entre deux bouchées de mangue, chaude et sucrée.

C’est ici, dans ce type de panorama, que le vieux surnom d’Haïti— « la Perle des Antilles » — trouve tout son sens. Bonbon n’est qu’un petit village endormi près de Jérémie, « la cité des poètes », ain sinommé eparce que plusieurs auteurs y ont vécu, attirés par la beauté tranquille du lieu. Mais il y a aussi PortSalut et l’Île à Vache au sudouest, Jacmel au sud, la côte des Arcadins juste un peu au nord de PortauPrin­ce, CapHaïtien et, tout au nord du pays, la citadelle La Ferrière, une gigantesqu­e forteresse classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Autant de perles méconnues, mais que les pouvoirs publics s’affairent présenteme­nt à polir.

Pour relancer le pays, le gouverneme­nt de Michel Martelly a en effet trouvé son levier : le tourisme. Mais pas du genre « tout compris », la tendance ailleurs dans les Caraïbes. On mise

ici sur ce qu’on appelle le « tourisme de contenu ». Les Antilles reçoivent quelque 23 millions de touristes chaque année, il faut en profiter, dit la ministre du Tourisme, Stéphanie Balmir Villedroui­n, qui porte ce projet qu’elle présenteco­mmeun pilier de la reconstruc­tion haïtienne: « Nous avons les plages, les montagnes, la culture, l’artisanat, la gastronomi­e. »

Une virée à travers le pays confirme ses prétention­s. Des poissons grillés mangés directemen­t sur la plage de Port-Salut aux poulets boucanés ou sauce créole de Jacmel et Cap-Haïtien, l’expérience culinaire est effectivem­ent succulente. Les plages ? On a dit Bonbon et les Abricots, mais le pays compte son lot de petits paradis ensablés, qui n’ont rien à envier aux plages très fréquentée­s du voisin dominicain.

Les montagnes? On imagine mal combien ce pays d’eau est tout en relief. On s’étonne donc, dès que l’on quitte la capitale, de la profondeur des gorges qui se creusent sur la route deKenscoff et Furcy, par exemple. Après une heure de moto sur un sentier de terre rouge, le paysage balafré de la capitale, sa pollution et son bruit incessant s’oublient au coeur de magnifique­s vallées. Et s’il n’y a à peu près plus d’arbres en Haïti, sauf dans l’Ouest, des îlots de verdure émergent ici sur les terrasses aménagées à flanc de montagne.

Très fiers, des écoliers nous expliquent qu’on a semé ici des brocolis, là du chou-fleur, plus loin des pommes de terre ou des oignons. Et comme pour la caravelle de Bonbon, tout est fait à la main.

Les défis pour développer le potentiel touristiqu­e d’Haïti sont à la mesure du destin d’un pays trop souvent frappé par les crises — politiques ou naturelles. Le gouverneme­nt a choisi de s’attaquer à la base: les infrastruc­tures. L’aéroport de Port-au-Prince a été refait, la piste de celui de Cap-Haïtien a été allongée, des travaux sont en cours pour aménager les installati­ons de Jacmel et en construire auxCayes. L’idée étant d’éviter aux voyageurs un réseau routier catastroph­ique, parfois terrifiant.

À cela s’ajoute une offensive pour encourager la constructi­on d’hôtels répondant aux standards internatio­naux. Car l’hébergemen­t actuel offre un rapport qualité-prix discutable : il en coûte généraleme­nt plus de 100 dollars pour des chambres au confort minimal.

Entoute chose, on souhaite un « modèle de développem­ent qui bénéficie aux population­s locales ». Il y a enHaïti l’exemple parfait decequele gouverneme­nt Martelly ne veut pas. Tout au

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 ??  ?? La pointe sud-ouest de l’île est dentelée par de petites anses comme celle-ci, sur laquelle donne le village de Bonbon. Ci-contre : Rue de Jérémie, jeune femme en transport public à Port-au-Prince et sentier dans les montagnes entre Portau-Prince et...
La pointe sud-ouest de l’île est dentelée par de petites anses comme celle-ci, sur laquelle donne le village de Bonbon. Ci-contre : Rue de Jérémie, jeune femme en transport public à Port-au-Prince et sentier dans les montagnes entre Portau-Prince et...
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1 MILLION NOMBRE DE TOURISTES QU’HAÏTI VEUT ATTIRER ANNUELLEME­NT D’ICI DEUX ANS
4 MILLIONS NOMBRE D’ÉTRANGERS ACCUEILLIS EN 2012 EN RÉPUBLIQUE DOMINICAIN­E
300 000 NOMBRE DE TOURISTES QUI VISITENT HAÏTI CHAQUE ANNÉE 1 MILLION NOMBRE DE TOURISTES QU’HAÏTI VEUT ATTIRER ANNUELLEME­NT D’ICI DEUX ANS 4 MILLIONS NOMBRE D’ÉTRANGERS ACCUEILLIS EN 2012 EN RÉPUBLIQUE DOMINICAIN­E
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