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L’ERREUR ÉLECTRIQUE

Grâce à l’hydroélect­ricité, le Québec est le champion mondial des énergies renouvelab­les. Mais nous gérons mal ce trésor collectif, affirme le professeur Pierre-Olivier Pineau, qui propose une nouvelle stratégie.

- par Valérie Borde

Grâce à l’hydroélect­ricité, le Québec est le champion mondial des énergies renouvelab­les. Mais nous gérons mal ce trésor collectif, affirme le professeur PierreOliv­ier Pineau, qui propose une nouvelle stratégie.

Les Allemands paient leur électricit­é 32,5 cents le kilowatthe­ure. Les très sociauxdém­ocrates Norvégiens, 17,5 cents le kilowatthe­ure. Et les Québécois, 7,2 cents le kilowatthe­ure. C’est trop peu, affirme Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal. Selon lui, le Québec doit s’attaquer sérieuseme­nt au gaspillage de l’hydroélect­ricité avant de se lancer dans la production plus coûteuse d’autres énergies, comme l’éolien ou le solaire.

Dans la dernière décennie, la menace climatique et le prix croissant des carburants fossiles ont fait exploser la production d’énergies renouvelab­les dans le monde. Jadis confinées à la Californie ou au Danemark, les éoliennes, construite­s sur les cinq continents, ont désormais une puissance totale 15 fois supérieure à celle des centrales hydroélect­riques de la Baie-James. L’énergie solaire, elle, s’est taillé une place importante dans le portefeuil­le énergétiqu­e d’une dizaine de pays, et le prix des panneaux solaires a chuté des deux tiers en moins de trois ans. L’humanité recourt aussi de plus en plus à la biomasse, à la géothermie et à l’hydroélect­ricité, et multiplie les tests grandeur nature de technologi­es qui exploitent l’énergie des océans.

Pourtant, 84% des besoins en énergie de la planète sont encore couverts par les carburants fossiles (comme le pétrole, le charbon et le gaz naturel), dont la combustion est de loin la première cause du réchauffem­ent climatique. Il faudra accroître les efforts pour développer les énergies renouvelab­les, selon l’Agence internatio­nale de l’énergie.

Au Québec, par contre, la moitié de l’énergie consommée pour se chauffer, s’éclairer, se déplacer ou faire tourner les usines provient déjà de sources renouvelab­les. C’est quasiment un record mondial! Doit-on faire plus? Pour Pierre-Olivier Pineau, on doit surtout faire mieux, en s’attaquant d’une part au gaspillage et d’autre part à la principale source d’émissions de gaz à effet de serre: l’automobile. Formé en administra­tion et en philosophi­e, ce spécialist­e des politiques publiques de l’énergie étudie notamment les réformes institutio­nnelles et stratégies d’investisse­ment dans le secteur de l’énergie en Amérique du Nord.

l’a rencontré àMontréal.

Selon vous, Québec devrait d’abord augmenter les tarifs d’électricit­é plutôt que d’encourager la production d’énergies renouvelab­les. Pourquoi?

On reproche souvent au gouverneme­nt de réclamer trop peu de redevances à l’industrie minière, mais on fait lamêmechos­e pour l’électricit­é ! La province est assise sur une mine d’or avec ses grands barrages hydroélect­riques et elle en tire très mal parti en bradant cette ressource à la fois aux industries et à la population. Les tarifs — environ sept cents le kilowatthe­ure pour les ménages — ne reflètent pas la valeur réelle de l’énergie. Résultat: unénormega­s pillage, malgré les centaines de millions de dollars que dépense annuelleme­nt Hydro-Québec pour encourager l’efficacité énergétiqu­e.

Si les Québécois consommaie­nt moins, la société publique pourrait exporter beaucoup plus d’électricit­é et faire baisser la demande d’énergie fossile chez ses voisins. On diminuerai­t ainsi les émissions de gaz à effet de serre, tout en générant des

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ENTREVUE AVEC PIERRE-OLIVIER PINEAU

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