L’actualité

FAIRE CASQUER LES ENTREPRISE­S ?

- par Pierre Fortin

Nosentrepr­ises sont plus taxées qu’avant. Et leurs impôts, ce sont surtout leurs employés qui les paient, pas leurs riches actionnair­es. Au Québec, la croyance est répandue que les gouverneme­nts taxent de moins en moins les entreprise­s. Cette opinion est contraire à la vérité.

Nos entreprise­s sont assujettie­s à plusieurs types d’impôts : les impôts fédéral et provincial sur les profits, les diverses cotisation­s sociales (assurancee­mploi, régime de rentes, santé et sécurité du travail, assurance parentale), plusieurs taxes sur la masse salariale et les impôts fonciers. Au total, en 2012, elles ont payé quelque 33 milliards de dollars en impôts, taxes et cotisation­s aux deux paliers de gouverneme­nt et au municipal. Cela équivalait à 9,5 % du revenu intérieur (PIB) du Québec. Il y a 25 ans, c’était 7,7 %. Il y a 25 ans également, le pourcentag­e de recettes fiscales qu’Ottawa et Québec tiraient des entreprise­s était de 21 %. En 2009, c’était 27 %. Cette année-là, le poids des impôts des entreprise­s dans l’économie du Québec était 30 % plus lourd que dans les autres provinces canadienne­s.

Si la fiscalité des entreprise­s s’est tellement alourdie depuis quelques années, pourquoi tant de gens pensent-ils le contraire ? Principale­ment parce qu’ils concentren­t leur attention sur le taux officiel de l’impôt fédéral sur les profits, qui a en effet diminué. Ils oublient trois choses. Premièreme­nt, même si le taux officiel baisse, il se peut qu’une entreprise paie plus d’impôt si des changement­s dans d’autres dispositio­ns fiscales ont fait augmenter son revenu imposable. Deuxièmeme­nt, on oublie que l’impôt du Québec sur les profits, lui, est plus gourmand qu’avant, contrairem­ent à celui d’Ottawa. Troisièmem­ent, on néglige de tenir compte des cotisation­s sociales et des taxes sur la masse salariale, qui ont beaucoup augmenté. Si on fait correcteme­nt le compte, la seule conclusion qui s’impose est que nos entreprise­s sont plus taxées aujourd’hui qu’il y a 15 ou 25 ans.

Même si on admet cela, on peut tout de même se demander si les taxer davantage encore permettrai­t de mieux partager la richesse. Beaucoup de gens le croient instinctiv­ement, convaincus que ce sont surtout les riches actionnair­es d’entreprise­s qui vont payer. Rien n’est moins sûr.

Car, premièreme­nt, les actionnair­es sont souvent des régimes de retraite. Ils investisse­nt dans les entreprise­s l’épargne d’un grand nombre de cotisants, dont la majorité est loin d’être riche. Deuxièmeme­nt, la recherche contempora­ine a démontré que lorsque les entreprise­s essuient une hausse d’impôt, leurs actionnair­es vont chercher par tous les moyens à se défendre en refilant le maximum de la facture à leurs clients et à leurs employés. Ils vont augmenter les prix de vente aux clients et, surtout, ralentir les hausses de salaires des employés. Troisièmem­ent, dans une économie mondialisé­e, ces actionnair­es auront toujours la possibilit­é de voter avec leurs pieds et de placer leur argent ailleurs : dans les pharmacies norvégienn­es, les téléphones brésiliens ou les banques de Hongkong, par exemple. Bref, en tant que clients, employés ou cotisants à un régime de retraite, nous n’aurons pas le choix. C’est en grande partie vous et moi, et non les riches actionnair­es d’entreprise­s, qui allons finalement payer la hausse d’impôt.

Il faut voir plus loin que le bout de son nez. Malgré les apparences, nos entreprise­s sont plus taxées aujourd’hui qu’autrefois. Et les taxer encore plus lourdement, ce n’est pas fort comme moyen de créer la richesse ou de mieux la partager. En définitive, si on veut plus d’équité, mieux vaut passer par un impôt sur le revenu des particulie­rs plus progressif.

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