L’actualité

LE POUVOIR COMIQUE DE L’IMITATION

-

Pourquoi rit-on dès que Véronic DiCaire se glisse dans la peau de Cher ou de Vanessa Paradis, alors qu’elle n’a pas poussé la moindre blague? Le pouvoir comique de l’imitation fascinait déjà les penseurs il y a plus d’un siècle.

En 1900, le philosophe français Henri Bergson abordait la question dans un court ouvrage, Le rire: Essai sur la significat­ion du comique. Selon lui, tout effet comique se résume à cette formule: « du mécanique plaqué sur du vivant ». Faire rire, écritil, c’est faire apparaître « un mécanisme démontable à l’intérieur de la personne ». La vision d’un homme qui se croit âme noble, souple et vivante, mais qui n’est au fond qu’un « pantin articulé », une chose bêtement mécanique, c’est cela qui est derrière une foule de procédés de comédie.

Il en va ainsi de l’imitation : « Voilà aussi pourquoi des gestes, dont nous ne songions pas à rire, deviennent risibles quand une nouvelle personne les imite. […] Je veux dire qu’on ne peut imiter de nos gestes que ce qu’ils ont de mécaniquem­ent uniforme et, par là même, d’étranger à notre personnali­té vivante. Imiter quelqu’un, c’est dégager la part d’automatism­e qu’il a laissée s’introduire dans sa personne. C’est donc, par définition même, le rendre comique. »

À travers une Véronic DiCaire, un Marc Dupré ou un André-Philippe Gagnon, la voix et la gestuelle prétendume­nt uniques à chacun se révèlent n’être qu’un simple dispositif, un « mécanisme démontable » qu’on peut extraire d’un corps et insérer dans un autre. C’est ridicule ! Et ça nous fait rire.

Newspapers in French

Newspapers from Canada