CUISINIERS D’INGRÉDIENTS
Est-ce parce qu’ils ont l’âme de fonceurs queCyril Gonzales et Alex Cruz ont appelé leur entreprise, fondée il n’y a pas deux ans, la Société-Orignal? Ou simplement parce qu’ils ont oublié le « i » dans le mot « original » ? Un peu des deux. Les produits qu’ils ont mis au point et qu’ils commercialisent, en complicité avec des familles de producteurs, ont des parfums, des saveurs et des noms à nuls autres pareils. Et ils se retrouvent déjà dans les cuisines et sur les cartes des plus grands chefs de Montréal, Toronto et New York.
« Nous sommes en train d’inventer un métier: cuisinier d’ingrédients », dit Cyril Gonzales. Tour à tour, je déguste leur huile de tournesol non désodorisée, au goût franc de graines de tournesol, délicieuse. Leur vinaigre de Balconville, élaboré à partir d’un moût de pommes réduit, utilisé dans des bars à cocktails deNewYork. Leur hydrolat de citronnelle du Québec, « peut- être un nouveau condiment nordaméricain », espèrent-ils. Ou encore leur miel baratté deBaie-des-Sables. « Nous ne sommes pas des vendeurs, mais des personnes qui racontent et qui montrent quelque chose sur notre culture », dit Alex Cruz.
Les deux originaux orignaux n’arrêtent pas. D’imaginer. De créer. De concevoir des produits à la fois traditionnels et nouveaux. Avec un seigle d’automne trempé et cuit à frémissement, ils proposent « un risotto d’ici ». Réduit, fermenté, additionné de vinaigre de sureau, le vinaigre de Balconville donne la teinturedeBalconville, ingrédient au goût unique qu’un chefnew-yorkais utilise pour faire mariner du pigeon pendant 45 jours. Avec un producteur de Matane, Jerry Busine, ils ont remis au goût du jour l’huile de cameline (une plante oléagineuse aussi appelée « lin bâtard ») ; pressée à froid, elle sert d’huile de finition, pour donner un goût particulier à un plat. La crevette nordique pêchée dans le golfe du Saint-Laurent, ils l’apportent fraîche aux restaurateurs. Les capelans, qu’on prend en quantité avec les crevettes, ils voudraient en faire des filets comparables aux filets d’anchois, « un autre condiment nordaméricain ».
Cyril Gonzales et Alex Cruz se sont connus dans un restaurant montréalais coté, DNA, aujourd’hui fermé. Ils font maintenant, expliquent-ils, « de la recherche et du développement en agriculture et alimentation ». Presque uniquement pour le milieu de la restauration haut de gamme, « le lieu de l’innovation et de la créativité en cuisine ». Et avec une quarantaine de familles de producteurs et de pêcheurs. « Pour elles, nous ne sommes pas une solution financière, mais une entreprise de fierté. Parlez-en aux Petit, de Sainte-Angèle-de-Monnoir, qui ont créé une confiture de lait de chèvre, une cousine de la cajetamexicaine, un vrai caramel de lait. »