L’actualité

RETROUVER LES MILLIONS

Hollywood en ferait un film. Au début, les vilains en cravate s’en mettent plein les poches et se pensent plus brillants que les autres. Dans leur île exotique — bien nommée île Jésus —, ils font la pluie et le beau temps.

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Ils se moquent des policiers, des procureurs et des journalist­es, dont les enquêtes se heurtent année après année au pouvoir du maire téflon. Il faut dire qu’ils ont du poids, car leur île abrite six circonscri­ptions électorale­s provincial­es, qui peuvent faire pencher la balance du pouvoir d’un côté ou de l’autre, au gré du vent.

Un élément alimentera­it l’intrigue tout au long du film : les hauts dirigeants politiques ont-ils protégé depuis 20 ans ce maire qui savait si bien les aider à se faire élire et qu’il eût été risqué d’indisposer ? Thomas Mulcair pourrait y faire une brève apparition. Après tout, en 2011, le chef du NPD a déclaré à L’actualité que le premier ministre Jean Charest lui avait déjà dit, à propos d’un projet de loi sur la protection des milieux humides qui aurait freiné des programmes de constructi­on immobilièr­e, « qu’il ne pouvait pas faire ça au maire Gilles Vaillancou­rt. On avait trop besoin de lui pour les élections. »

Laval n’étant pas Hollywood, il est encore trop tôt pour dire si la saga judiciaire commencée en mai avec le dépôt d’accusation­s contre 37 profession­nels et entreprene­urs — le « gang de Laval » — nous donnera à terme la clé de l’intrigue. Les enquêteurs de l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC) n’ont pas lésiné pour bâtir leur preuve : plus de 30 000 conversati­ons enregistré­es, 70 perquisiti­ons, 150 interrogat­oires. Les comparutio­ns, attendues en juillet, devraient nous en apprendre plus.

Voir au banc des accusés des ingénieurs, un notaire et des avocats qui se croyaient au-dessus des lois n’est qu’un premier pas. D’autres devront suivre : récupérer les biens publics mal acquis (une partie, du moins !), renforcer la démocratie municipale pour la sortir de l’obscurité qui a permis à la criminalit­é d’y plonger des racines, soutenir l’informatio­n locale afin qu’elle soit un vrai chien de garde pour les citoyens. Ces trois chantiers sont encore loin d’être amorcés.

Le Bureau de lutte aux produits de la criminalit­é (BLPC) devra travailler à bloquer les comptes et à récupérer les 15 millions que l’exmaire Vaillancou­rt aurait mis à l’abri dans des paradis fiscaux, comme la Suisse et le Panamá.

Les Lavallois devront prouver en novembre prochain qu’ils peuvent faire sauter le plafond de 35 % auquel stagne le taux de participat­ion aux élections municipale­s depuis 10 ans. Sept partis y seront en lice ! Il faut élire les Eliot Ness pour que la troisième ville du Québec redevienne digne de confiance.

Bien sûr, nous avons tous des emplois, des enfants à élever, et bien peu de temps pour assister aux séances des conseils d’arrondisse­ment. Mais lorsque personne ne veille, la criminalit­é fleurit. Il faut redonner du mordant aux chiens de garde : soutenir les journalist­es et les citoyens teigneux !

J’ai commencé ma carrière dans un hebdo local, il y a plus de 30 ans. Et j’ai été congédiée après avoir écrit un éditorial qui avait déplu à un puissant de l’époque. Les journalist­es du Courrier Laval connaissen­t bien cette forme d’intimidati­on. On ne saurait trop redire l’importance d’une presse locale forte. Malheureus­ement, la situation économique oblige bien des médias à mettre la pédale douce à leurs projets de couverture locale.

Les Québécois savent maintenant que leurs impôts municipaux ont enrichi des gens sans scrupules. La justice punira les coupables. Mais empêcher le retour des vilains devra être une oeuvre collective.

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régné sur Laval pendant 23 ans. Et un peu, aussi, sur
le Québec ? Au Québec, le taux de participat­ion
aux deux dernières
élections municipale­s a stagné à 45 %. En 2001, il était
de 55 %. À Toronto et à Calgary, il a...
L’ex-maire Vaillancou­rt a régné sur Laval pendant 23 ans. Et un peu, aussi, sur le Québec ? Au Québec, le taux de participat­ion aux deux dernières élections municipale­s a stagné à 45 %. En 2001, il était de 55 %. À Toronto et à Calgary, il a...
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