Un drôle de couple
Difficile de s’étonner devant le tourbillon médiatique causé par la publication de La bataille de Londres, de Frédéric Bastien. Ce livre tient ses promesses et contient assez de révélations pour causer un remous important. Au moment où j’écris ces lignes, l’Assemblée nationale du Québec demande à l’unanimité à Ottawa d’ouvrir ses archives pour que la vérité éclate au grand jour sur les irrégularités qui auraient entouré les négociations avec les Britanniques dans le cadre du rapatriement de la Constitution canadienne, que l’auteur n’hésite pas à appeler un coup de force.
Dans ce livre qu’on déguste comme un roman d’espionnage, le lecteur découvrira une Margaret Thatcher prête à accorder aux Canadiens ce qu’elle n’aurait jamais voulu offrir aux Britanniques : une charte des droits et libertés qui donnera préséance aux décisions des tribunaux sur le pouvoir parlementaire. Pour une première ministre qui voyait en Nelson Mandela un terroriste, ce cadeau est pour le moins étonnant. Le décès de la « Dame de fer », un jour avant la sortie du livre, vient ajouter une touche shakespearienne à l’affaire. La photo de Pierre Trudeau et de Margaret Thatcher en couverture nous rappelle que la politique forme souvent de drôles de couples.
Au-delà des révélations-chocs, dont la pertinence restera longtemps objet de débats, et de la solidité admirable de la recherche, ce qu’il faut admirer de cet ouvrage, c’est la facilité déconcertante de l’auteur à créer une histoire palpitante à partir d’éléments en apparence inintéressants. En effet, c’est dans la mise en récit du résultat de ses recherches que Frédéric Bastien présente son tour de force. L’auteur y parvient en dosant le suspense et en utilisant savamment les montées narratives. Pédagogue jusqu’à la fin, il en profite pour jeter un peu de lumière sur certains mythes, par exemple celui selon lequel le Québec n’aurait jamais, sous aucune condition, accepté le rapatriement de la Constitution. À lire pour mieux comprendre l’héritage de Pierre Elliott Trudeau.